Stéphanie Dupont a participé à l'expérimentation des médiateurs de santé/pair. un “métier” que l'on décrit ainsi « réservé aux personnes ayant souffert de troubles mentaux, et qui consiste à accompagner les personnes en souffrance psychique ». Elle livre son témoignage, ses craintes et sa déception.
J’ai participé à la mise en place du dispositif «Médiateur de santé/pair» (MDSP),dans l’équipe des chargés de mission, du mois d’avril 2011 au mois d’octobre 2012. En effet, au terme d’un CDD, j’ai quitté cette aventure à laquelle je n’ai pas adhéré bien longtemps.
Voici comment était présenté encore récemment dans la presse ce métier à l’essai : « Réservé aux personnes ayant souffert de troubles mentaux, le métier de médiateur de santé pair consiste à accompagner les personnes en souffrance psychique » (Le Figaro.fr du 22/03/2013). La journaliste y interviewait un des seuls médiateurs, dont je trouve la démarche pertinente.
Pour mémoire, le projet s’inspire des pairs-aidants québécois et reposait très fortement sur la notion d’espoir. Au final, selon moi, cela s’approche davantage de la notion de sacrifice.
Avec le recul des mois écoulés depuis, voici l’avis que je porte sur ce dispositif.
Mes illusions de départ portaient sur un pair-aidant ou médiateur (MSP), qui aurait d’abord su s’aider lui-même avant d’envisager d’accompagner des personnes en souffrance. Bref, quelqu’un devenu expert de sa propre problématique. Par ailleurs, je l’imaginais en possession de comportements professionnels : sens des responsabilités, sens des usages du monde du travail, discernement…
La qualité de l’assise de la stabilisation me semblait aussi importante (environ 5 ans sans hospitalisation, ni rechute, absence de consommation de substances, bonne hygiène de vie…).
Nous en conviendrons, tous ces critères sont relativement subjectifs et ne correspondent à rien d’établi par la médecine. D’ailleurs, vous pouvez toujours chercher «stabilisation» des troubles psychiques, vous ne trouverez aucune définition.
Si vous cherchez «rétablissement», vous quitterez encore davantage la sphère médicale.
Je vous parle ici de médecine, car en matière de recrutement, c’est la médecine du travail qui établit la seule aptitude valable pour entrer en emploi.
Le dispositif MDSP avait deux figures de proue au démarrage : le CCOMS et la FNAPSY, ou en résumé, la psychiatrie et la représentation des associations d’usagers. Selon moi, ces deux sphères n’ont pas une expérience très significative des personnes stabilisées, car celles-ci évoluent souvent à distance de ces deux environnements.
Avec le recul, je dirais que l’évolution «naturelle» d’une personne stabilisée, c’est de se fondre dans la vie de tous les jours, dans un cadre de travail «ordinaire» (comme toute personne qui recouvre la santé).
Continuer de baigner dans la psychiatrie ne va pas dans le sens évident d’une évolution très positive.
A mon sens, la plus-value qu’auraient pu apporter les MSP, c’était de s’intéresser aux personnes, plus qu’à leurs diagnostics. Toutefois, même cela exige un cadre bien délimité.
Je ne crois absolument pas possible de standardiser les MSP, c’est-à-dire d’en faire une profession. J’ai pu constater combien ce rôle était «personne dépendant» (et structure d’accueil dépendant) et surtout combien les failles de certains rétablissements pouvaient représenter de terribles risques sur les personnes prises en charge, ainsi que sur les MSP eux-mêmes.
A ma connaissance, une évaluation du dispositif est prévue. Pour ma part, j’ai dénoncé très régulièrement une expérimentation sur de l’humain totalement insensée.
Pourquoi trois régions impliquées, alors que les moyens humains et matériels ne suivaient pas ? Le relatif petit nombre de candidats a poussé les hôpitaux à recruter avec des réserves certains candidats. La Fnapsy, après sa visite du programme des pairs-aidants québécois, s’était inquiétée dès le début dans un rapport publié sur internet des dangers d’un tel projet en France… Bref, pourquoi fallait-il absolument lancer une telle machine ?
Je sais également que l’impact de la participation à cette expérience sur les parcours professionnels des uns et des autres n’est absolument pas dignement mesuré. Le «service après-vente» aurait dû être pensé.
Quel était le but au final ? Créer une main-d’œuvre bouche-trou, polyvalente et plutôt bon marché, à la frontière de plusieurs professions ? Prouver que le rétablissement est une chose rare et absolument pas synonyme de bonnes capacités à aider son prochain, à partager son expérience à bon escient ?
Pour moi, le mirage est bel et bien passé. Difficile à présent de retrouver le sens de mon propre parcours. Heureusement que je me suis toujours fait confiance pour rebondir, maintes et maintes fois.
J’aurais au moins appris à tourner définitivement la page de la maladie. Certes celle-ci n’est pas à proprement parler «guérissable», mais parfaitement stabilisée, c’est tout comme.
Lorsqu’on a été confronté à la maladie pendant des années, on mérite bien de profiter pleinement de la vie.
Stéphanie Dupont
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