Rien ne va plus pour les Italiens côté santé. Les coupes budgétaires introduites par le gouvernement Berlusconi puis l’exécutif de technocrates de Mario Monti pour redresser les comptes publics en pleine déliquescence, ont paralysé le secteur de la santé publique. La diminution des services et les listes d’attente interminables poussent les Italiens à porter plainte devant le Tribunal des droits du malade, une instance crée en 1980 pour représenter les patients et les citoyens italiens.
Dans un rapport intitulé « Moins de santé pour tous, la réforme insidieuse », le tribunal pour les droits du malade dresse un état des lieux inquiétant. Les coupes budgétaires ayant entraîné la fermeture de nombreux services ou hôpitaux et la réduction du nombre de lits et de personnel, les Italiens ont du mal à se faire hospitaliser.
Autre problème : les listes d’attente interminables et les erreurs présumées de diagnostic de plus en plus fréquentes. Par rapport à 2011, le délai des listes d’attente a augmenté de deux à trois mois. Pour une mammographie par exemple, le délai d’attente est en moyenne de treize mois. Le scénario est identique pour les visites en ophtalmologie, en oncologie et en cardiologie.
Hausse de 24 % des plaintes
« Pour effectuer une coloscopie, les patients doivent attendre en moyenne huit mois et sept à huit mois pour une visite en oncologie. Du coup, de plus en plus de malades renoncent aux soins et aux visites spécialisées sauf en cas d’urgence », dénonce Tonino Aceti, coordinateur du Tribunal des droits du malade. En cas d’urgence, cela veut dire se retourner vers les urgences pour gagner du temps.
« Nous sommes de plus en plus submergés par des patients qui décident de venir aux urgences pour contourner le parcours à obstacles des listes d’attente », confie l’urgentiste Marco Macrì. Pris dans l’étau d’une situation désormais insoutenable, les patients tentent de faire avancer les choses en se retournant vers le tribunal des droits du malade. « L’an dernier, le nombre de plaintes dénonçant les listes d’attente interminables a augmenté de 24 % », note Valeria Fava, consultante du tribunal.
Autre problème : les conditions des structures sanitaires. « Le nombre de plaintes concernant l’état obsolète des structures sanitaires, les appareils qui ne fonctionnent pas, les conditions hygiéniques désastreuses ont augmenté l’an dernier », souligne par ailleurs Valeria Fava. Sans parler, ajoute cette consultante, du manque d’attention du personnel sanitaire envers les malades. « De plus en plus d’opérateurs sanitaires sont démotivés par les coupes budgétaires et leurs retombées en terme de conditions d’emploi. Certes ce n’est pas une excuse mais les services et notamment les urgences sont débordés. Le manque d’argent bloque les recrutements », déclare une blouse blanche sous couvert d’anonymat.
Suspicion d’erreurs de diagnostic
Quant aux erreurs de diagnostics réelles ou présumées, là encore le bât blesse. L’an dernier, plus de 17,7 % des plaintes enregistrées concernaient des demandes d’information ou d’assistance face à une possible erreur de diagnostic. La plupart des plaintes concernent l’oncologie, l’orthopédie et la gynécologie. « Pour se protéger, de plus en plus de médecins prescrivent des examens souvent inutiles qui plombent un peu plus le budget de la santé publique », explique Marco Macrì...
Dans son rapport, le tribunal souligne aussi les lenteurs de la bureaucratie qui pénalise les patients en quête d’un certificat d’exemption pour invalidité ou maladie grave. Après avoir débusqué des centaines de fraudeurs durant les deux dernières années, la Sécurité sociale, qui a redoublé ses précautions, préfère prendre son temps pour éviter de nouveaux dérapages en termes de générosité inappropriée.
Alors que faire pour éteindre les feux de détresse de la Santé ? « En finir avec les coupes. La réforme insidieuse mise en place par les derniers gouvernements sans consulter les opérateurs de secteur, les associations de malade et le tribunal détruit petit à petit le système de santé. Les responsables politiques doivent comprendre que la politique basée sur des réductions de budget mine la santé des patients et met leur vie en danger », s’énerve Tonino Aceti. La balle est dans le camp du ministre de la Santé du gouvernement d’unité nationale Beatrice Lorenzin.
› ARIEL F. DUMONT À ROME
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