Le rapport du comité des sages piloté par Alain Cordier sur la stratégie nationale de santé prône le décloisonnement radical des secteurs sanitaire, médicosocial et ambulatoire, et propose des mesures à mettre en place dès fin 2013, début 2014.
Le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) avait fait paraître un communiqué début juillet, réclamant à cor et à cri la publication du rapport d'Alain Cordier et de son comité de sages, sur la stratégie nationale de santé (lire notre sujet du08/02/2013). Installé le 8 février dernier, ce comité a remis courant juin au Premier ministre Jean-Marc Ayrault son rapport sur la question. Finalement, si ce rapport n'a pas encore été rendu public de manière officielle, il a d'ores et déjà "fuité" de manière officieuse dans la presse, nos confrères d'Espace social européen le rendant public ce 15 juillet.
Le modèle collaboratif semble le maître mot de ce rapport et le fil rouge de ses 19 propositions. Ce modèle permet de faire d'une pierre deux coups : moins dépenser et mieux soigner. "Une organisation des soins résolument plus collaborative conduira à un mieux dépenser, à réduire les dépenses inappropriées et à porter l’accent là où il doit l’être au service des plus fragilisés et du bien commun", relève le comité des sages. Pour autant, Alain Cordier ne prétend pas opérer une révolution copernicienne dans le domaine de l'organisation de l'offre sanitaire et médicosociale. Non, l'écrivent-ils, "tout ou presque a déjà été écrit, voire expérimenté". Pour des résultats somme toute assez médiocres. Seulement 200 Maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) ont été créées alors que l'on en attendait 500, "le monde médico-social reste largement méconnu du monde sanitaire", les restructurations de l'offre sanitaire s'éternisent, l'informatisation du monde sanitaire est en retard... Et de citer un exemple simple mais ô combien démonstratif : le courrier de fin d'hospitalisation. 25% de ces courriers ne sont jamais retrouvés, 55% sont incomplets. Seuls 54% des services de médecins et 41% des services de chirurgie ont adressé ce courrier dans un délai inférieur à 8 jours et comportant toutes les informations nécessaires. Il s'agit, selon le rapport, de passer à l'action, via la mise en application des 19 recommandations, et la prise de décision "dès maintenant".
La promotion de la santé, la prévention, la place accordée aux usagers de la santé constituent un premier pan de cette stratégie nationale de santé. À cette fin, le rapport du comité des sages prévoit la "création d’une instance nationale représentative des associations d’usagers du système de santé".
Service public territorial de santé
Surtout, les sages ont pensé un nouveau mode d'administration des soins, qui ne seraient plus centrés sur les structures mais sur l'usager et les services à lui rendre, via un service public territorial de santé. Cela passe par la constitution d'équipes de soins de santé primaires (et la mise en place avant la fin 2013 d'une grille d'autoévaluation des structures de soins de santé primaires). Sur ce territoire, la coordination des professionnels de santé pour les malades chroniques doit être une réalité, d'ici 2014. "Une fonction de coordination, sous l’autorité du médecin traitant, au plus près des malades chroniques" doit être mise en œuvre d'ici fin 2014, mais le courrier de fin d'hospitalisation devra être remis à chaque patient d'ici fin 2013. La coordination devra aussi être à l'œuvre entre Hospitalisation à domicile (HAD) et Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Tout comme la dynamique des Parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA - lire nos sujets du 10/07/2013,09/07/2013, 21/06/2013) devra être élargie.
La coordination doit également se mettre en place entre l'hôpital et la ville : ainsi, avant la fin 2013, chaque médecin traitant devra pouvoir joindre un médecin hospitalier. Pour que la coordination entre les différents acteurs de santé soit efficiente sur le territoire de santé, la communication entre eux doit être rendue possible ; se pose de nouveau le problème du Dossier médical patient (DMP), qui devra se réorienter dans un premier temps vers les malades chroniques, les personnes âgées en perte d'autonomie puis les femmes enceintes et les enfants. Les établissements de santé et médicosociaux devront mutualiser leur moyens "en matière de services de système d'information", prédit le comité des sages, qui appelle également de ses vœux l'utilisation de la télémédecine "dans les territoires où l'offre professionnelle est incomplète".
Réforme coordonnée du financement des hôpitaux, EHPAD et médecine de ville
En terme d'efficience, la pertinence des actes doit être un cheval de bataille : il faudra ainsi prendre "les dispositions juridiques rendant opposables un premier ensemble de référentiels de bonne pratique fondés sur des preuves cliniques indiscutées". Pour mettre en place cette médecine de parcours, ensemble de services sur un territoire donné, il faudra également "rendre cohérentes entre elles les réformes du financement des hôpitaux, des EHPAD et des modes de rémunération de l’activité libérale". À ce titre, le rapport propose la transformation de l'actuel Fonds d'intervention régional (FIR) en un "fonds stratégie nationale de santé" à gestion régionale, de montant significatif dans la répartition des crédits de l’Objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) et en garantissant son existence pérenne. Il est ici question d'élargir le champ d'intervention du FIR pour mieux financer les prises en charge coordonnées. Le Comité de réforme de la tarification hospitalière (CORETAH) devra ainsi proposer avant avril 2014 "une voie d’évolution des modes de tarification et de rémunération des activités en ville, en établissements de santé et médicosociaux".
Formation, recherche
Formation, recherche font aussi l'objet d'un lifting de l'équipe d'Alain Cordier : regroupement des facultés de médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie, développement de la formation aux métiers de l'intervention à domicile, augmentation du nombre d'enseignants chercheurs en médecine générale. Un plus grand champ d'intervention doit également être accordé aux ARS, en lien avec les collectivités territoriales. Le tout devra être piloté par une direction générale de la stratégie nationale de santé. La ministre de la Santé Marisol Touraine et la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso, devront présenter officiellement le rapport Cordier en septembre.
Jean-Bernard Gervais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire