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mardi 18 juin 2013

Stratégie nationale de santé : ceux qui s’inquiètent et ceux qui s’impatientent


Le « Comité des sages », qui a réfléchi sous la houlette d’Alain Cordier sur les axes de la nouvelle « stratégie nationale de santé » a fini son travail. D’ici au début de l’été, on devrait a priori savoir quelles suites le gouvernement lui réserve. Sans attendre, « Le Généraliste » a interrogé vos représentants sur les axes de réforme qu’ils souhaitent et notamment sur cette « médecine


C’était à Grenoble le 8 février dernier. Le Premier ministre réalisait son premier déplacement santé. Occasion pour lui de lancer sa « Stratégie nationale de santé » pour les années à venir. On devrait prochainement passer à la phase pratique de ce chantier, puisque le « comité des sages » chapeauté par l’ancien directeur général de l’AP-HP et membre du Collège de la Haute autorité de santé (HAS), Alain Cordier a rendu sa copie. Dans son discours, Jean-Marc Ayrault avait expliqué que l’objectif n° 1 de la stratégie gouvernementale devait s’articuler autour d’une « médecine de parcours qui repose sur la coopération des professionnels et l’implication des patients », en insistant sur l’implication des « professionnels de premier recours ». Les sept « sages » devant normalement rendre compte de l’avancement de leurs travaux devant un comité stratégique présidé par la ministre de la Santé et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le rapport Cordier devrait comporter des propositions sur l’organisation du système de santé à partir du parcours de soins, la formation initiale et continue des professionnels de santé, les modes de rémunération en ville et à l’hôpital, ainsi que l’amélioration de la gouvernance globale… Tout un programme !

Depuis sa première réunion en février, le Comité a auditionné nombre d’acteurs de la médecine de ville, dont la CSMF, MG France ou l’ISNAR, dans le but d’établir des préconisations sur les réformes à adopter pour réorganiser le système de soins. Trois réunions ont été organisées sur la démographie médicale, les modes de rémunération, et sur la place des usagers dans le système de soins. Sur la base de ces propositions, la ministre, Marisol Touraine devrait donner le « la » fin juin. Elle pourrait a priori rencontrer les syndicats du monde de la santé, avant de rendre publiques les propositions de la mission Cordier. En attendant, nous avons interrogé vos représentants sur les axes de réformes que la mission Cordier devrait aborder. S’ils se montrent dubitatifs sur la dynamique en cours, ils ont des idées assez précises de la direction à prendre !

Formation initiale : quelle place pour la médecine générale à la fac ?

La formation des futurs médecins est l’un des dossiers les plus importants – mais aussi le plus épineux – que le gouvernement aura à traiter. Reçu par le Comité des sages, le président de l’ISNAR IMG, Emmanuel Bagourd, a insisté sur le manque de formation pratique des internes en médecine générale. Un stage obligatoire en second cycle a bien été mis en place mais à peine la moitié des étudiants réussissent à le faire. En cause : le manque d’offre de terrains de stage et de communication sur les possibilités qui peuvent s’offrir aux internes. « Il n’est pas normal de choisir aux ECN la médecine générale alors que la plupart des étudiants ne l’ont même pas pratiqué », commente Emmanuel Bagourd. Pour cet interne, il y a un autre problème, peut-être même plus important encore : le manque d’enseignants. Il y aurait en médecine générale l’équivalent d’un temps plein pour 107 internes alors que dans les autres spécialités le ratio est d’un enseignant pour deux étudiants. Un constat également partagé par le Pr Pierre-Louis Druais auditionné lui aussi par le Comité des sages dans le cadre d’une refonte de la formation initiale. « Il faut créer des conditions de motivation dès aujourd’hui pour augmenter le nombre de stages et celui d’enseignants », explique-t-il.

Vos syndicats – CSMF et MG France en tête – sont unanimes pour revendiquer de concert « plus de stages de formation » dans les cabinets pour les futurs internes de médecine générale. Pragmatique, le président de la CSMF, Michel Chassang, juge « indispensable » de former les futures blouses blanches, qui seront les « entrepreneurs de la médecine de demain », aux rouages de l’installation. Il s’agirait de leur enseigner la gestion, la comptabilité et le management.

Offre de soins ambulatoire : jouer collectif, mais comment ?

Engagement de campagne de François Hollande, l’amélioration de l’accès, qu’il soit géographique ou financier, à l’offre de soins est au c?ur de la refonte du système de santé. Sur le terrain, cela fait quelques années que les professionnels de santé s’organisent déjà et créent par exemple des maisons de santé pluri-professionnelles ou des réseaux de soins. Faut-il aller au-delà ? Pour le président de la CSMF, Michel Chassang, le temps est venu de passer du « stade artisanal » à une structure du cabinet « plus entrepreneuriale » qui reposerait sur un groupe pluri professionnel. « Reste pour cela à organiser un système de soins où certains auraient des fonctions médicales et d’autres organisationnelles », assure le président de la Conf’. La nouvelle génération est, elle aussi, très partante pour le travail en équipe avec différents professionnels de santé. Aux yeux du président de l’ISNAR IMG, un professionnel de santé « ne sert à rien s’il est tout seul ». Selon lui, la qualité de la prise en charge du patient en dépend.

Pour favoriser le travail en équipe, Claude Leicher, président de MG France, soufflerait volontiers une idée concrète au Comité des sages. Il milite pour la création d’un « contrat territorial » qui organiserait les relations entre les équipes de soins et les pouvoirs publics. Le Dr Leicher assure que cela permettrait de responsabiliser les professionnels de santé et de créer une contractualisation entre eux. « Nous pourrions ainsi penser à l’élaboration d’un travail en équipe et d’une mise en commun de plusieurs outils de travail », assure-t-il.

Difficile d’évoquer le travail en équipe sans parler du temps de coordination et de sa rémunération. Les expérimentations sur les nouveaux modes de rémunération (ENMR) ont été mises en place pour permettre de rémunérer ce temps passé par les professionnels de santé pour échanger sur leurs patients et organiser la prise en charge de ce dernier. Au-delà, Claude Leicher suggère de « prendre le meilleur des deux systèmes, c’est-à-dire du paiement à l’acte et du forfait ». « C’est sûr, on ne renoncera pas à l’acte dans les cinq années qui viennent », mais le patron de MG France ne suggère pas non plus un 100 % capitation ou salariat. Il se félicite néanmoins du fait que « depuis cette année, 10 % de la rémunération des généralistes n’est pas issue du paiement à l’acte mais du ROSP et du forfait médecin traitant. On a pris le chemin de la diversification ».

À la CSMF, on estime aussi que pour favoriser le travail en équipe il faut le rémunérer. « Sans cela on ne pourra pas modifier les comportements », assure Michel Chassang qui demande que les négociations sur la rémunération du travail en équipe comme prévu dans le PLFSS 2013 débutent rapidement. Moins enclin à une modification des règles du jeu le président du SML, Roger Rua, reste lui attaché au paiement à l’acte et n’est pas vraiment pour une diversification des modes de rémunération.

La « médecine de parcours », pour quoi faire ?

Le Premier ministre l’a expressément expliqué dans son discours à Grenoble. La réorganisation de l’offre de soins se fera autour de la « médecine de parcours ». Un concept, il est vrai encore assez flou. Comment faire pour le transformer en une réalité tangible ? « Pour moi la médecine de parcours, c’est une autre façon de parler de la coordination des soins. Il faut absolument améliorer la communication entre les différents acteurs du monde de la santé, et surtout entre la ville et l’hôpital », explique Emmanuel Bagourd, président de l’ISNAR IMG. De son côté, MG France imagine un parcours de soins où le médecin généraliste serait – davantage qu’aujourd’hui – le point d’entrée du patient dans le système de soins. Le généraliste travaillerait en coopération avec d’autres professionnels de santé (infirmières, kinés, pharmaciens, etc.) créant de cette façon un réseau de soins coordonnés à tarifs remboursables autour du patient. Point de discorde avec les autres syndicats de médecins libéraux : le tiers payant généralisé, cher à MG France. Le syndicat milite pour son instauration dans les cabinets de généralistes sur le même principe existant dans les pharmacies. L’IGAS devrait remettre bientôt un rapport à Marisol Touraine à ce sujet.

Cette vision de la « médecine de parcours » définie par MG France comme très intégrée autour du généraliste n’est pas tout à fait celle de la CSMF. Le président de l’Unof – branche généraliste de la CSMF –, Michel Combier, voit plutôt ce concept comme un « parcours de soins plus élaboré pour les pathologies chroniques ou semi-chroniques ». « C’est une occasion de trouver des réponses pertinentes en fonction de chaque patient ». Le généraliste propose par exemple la création de consultations de prévention pour repérer les patients et les « faire rentrer dans un parcours de soins spécifique ». Le médecin généraliste aurait alors un rôle d’orientation, de conseil et serait le point de repère pour le patient et les autres professionnels de santé. Le Dr Combier rappelle toutefois la nécessité de mettre en place un véritable outil de communication, posant ainsi le problème du dossier médical partagé. Un complément forfaitaire pourrait également être créé pour rémunérer ce travail de coordination et de planification des soins selon lui.

Une approche trop hospitalo-centrée

Au SML, on n’est pas vraiment enthousiaste quant à l’idée de mettre en place la « médecine de parcours » comme annoncée par le gouvernement. Le syndicat considère l’approche du pouvoir actuel sur la médecine comme trop « hospitalo-centrée ». Si pour Roger Rua, une réorganisation de l’offre de soins est nécessaire, elle ne prend pas pour l’instant la bonne direction. « Accroché au paiement à l’acte », le président du SML défend une vision très libérale du système de soins, avec des portes d’entrée différentes tout en ayant un médecin traitant.

La FMF de Jean-Paul Hamon imagine de son côté un parcours de soins avec une seule porte d’entrée, le niveau 1, c’est-à-dire le médecin généraliste, et l’hôpital en niveau 3 comme dernier recours. Que faire alors avec le niveau 2 et les spécialistes ? « Un niveau 1bis au même niveau que le généraliste ou en faire un vrai niveau avec passage obligé avant d’accéder à l’hôpital ? », s’interroge encore Jean-Paul Hamon qui, en revanche, n’a pas de doute pour le niveau 2 : accessible uniquement dans deux conditions, soit en cas d’urgence vitale, soit uniquement sur demande du niveau 2.

Dossier réalisé par Caroline Laires-Tavares, caroline.laires-tavares@legeneraliste.fr

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