Contre la fessée : une campagne en forme de claque aux parents
En France, deux enfants par jour meurent sous les coups de leur famille. Et ceux qui n’en meurent pas risquent gros. La nouvelle campagne contre les violences éducatives ordinaires vise à sensibiliser très largement la population aux risques de la fessée, si banalisée soit-elle.
Ce samedi 22 juin, la nouvelle campagne de la Fondation pour l’Enfance contre les violences éducatives ordinaires sera visible sur le web et les chaînes de télévision nationales. Le slogan, « Une petite claque pour vous, une grosse claque pour lui : Il n’y a pas de petite claque » rappelle que la punition corporelle ne peut être un pilier de l’éducation d’un enfant. Pire, elle peut être dangereuse.
85 % des parents français giflent, fessent, claquent
Ce combat anti préjugés, c’est le cheval de bataille du Dr Gilles Lazimi, co-coordinateur de la campagne. Tandis que « 85 % des parents français giflent, fessent, claquent leurs enfants », le Dr Lazimi tente d’éveiller les esprits à la dangerosité des punitions corporelles : « Nous sommes dans un bain où on nous fait croire que les punitions corporelles sont une composante normale de l’éducation ». Il constate avec dépit : « nous reproduisons ce que nous avons vécu. » Loin d’être une lubie, cette bataille contre les a priori se fonde sur des arguments scientifiques solides.
Les études qui appuient la dangerosité des punitions corporelles ne se comptent plus sur les doigts d’une main. Des revues comme « Nature », « Pediatrics » et d’autres ont fourni des preuves quant au risque psychologique, somatique et comportemental de telles pratiques parentales. Les troubles répertoriés chez ces enfants victimes concernent les fonctions cognitives (QI en baisse, difficultés d’apprentissage), le comportement (obésité, toxicomanie, alcoolisme, troubles des conduites), l’estime de soi et les affects (dépression, suicide), le système immunitaire (baisse des défenses immunitaires, asthme, cancer), le système digestif et même le système cardio-vasculaire.
Un rapport de l’OMS datant de 2002 va également dans ce sens. D’une façon générale, la répétition des violences éducatives provoque une imprégnation importante et durable de l’hormone de stress à même de perturber le développement cérébral de l’enfant. Ce sont ses compétences psychiques et relationnelles qui sont mises à mal, faisant le lit d’une réponse au stress inadaptée. Ce, toute sa vie durant.
La France bientôt condamnée ?
Déjà 33 pays au monde, 23 en Europe, ont érigé une loi contre les châtiments corporels. Plus, les États membres du Conseil de l’Europe, dont la France fait partie, s’engagent à soutenir la parentalité positive (éducation sans violences) et à sensibiliser la population.
En France, aucun de ces engagements n’a été tenu malgré les rappels à l’ordre. Selon Elda Moreno, chef de service de la Dignité Humaine et de l’Égalité entre les Hommes et le Femmes au Conseil de l’Europe, « le Comité des Nations Unies pour les droits de l’enfant a demandé à la France à plusieurs reprises d’abolir les châtiments corporels ». Faute d’avancée, le conseil de l’Europe prévoit de condamner très prochainement notre pays qui fait figure de mauvais élève : plus de 50 % des parents français frappent leurs enfants avant l’âge de 2 ans.
« Trop de résistances dans notre pays », s’insurge le Dr Edwige Antier, pédiatre et députée de Paris (2009-2012), auteure de deux propositions de loi (2010) visant à abolir les châtiments corporels et toutes les formes de violences physique et psychologique infligées aux enfants. « C’est tellement évident que ça ne peut pas faire de bien, à la pensée, aux connaissances, à l’empathie », proteste-t-elle. Trop de parents pensent que la fessée n’est pas néfaste parce qu’ils en ont reçu eux-mêmes. Et pourtant, « Il y a d’autres façons de mettre des limites, d’où la parentalité positive », assène le Dr Edwige Antier.
Changer les pratiques
La parentalité positive, prônée par le conseil de l’Europe renvoie à un comportement parental qui privilégie l’intérêt supérieur de l’enfant en l’éduquant tout en lui posant des limites pour lui permettre de s’épanouir pleinement. Selon Emmanuelle Piet, co-coordinatrice de la campagne, la première étape de la parentalité positive est de « susciter l’envie de changer de pratiques » en prenant conscience de la gravité et de l’absurdité du geste. Car l’un des dangers c’est de banaliser.
Sensibiliser, donc. Et mettre en place une loi. Difficile de se dire qu’en France, on est encore en droit de frapper les enfants. « Souvenons-nous de l’enfant qu’on a été », invoque le Dr Gilles Lazimi. Et comme le précise Elda Moreno : « Les enfants ne sont pas des mini-personnes avec des mini-droits ».
› Dr ADA PICARD
18/06/2013
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