Les jeunes médecins veulent mieux concilier vie professionnelle et vie privée
Le Monde.fr | Par Manon Gauthier-Faure
Enchaîner les gardes sur plusieurs jours, faire passer sa vie professionnelle avant sa vie de famille... les nouveaux médecins n'en veulent plus. Rien à voir avec la génération précédente. C'est ce que révèle une étude publiée jeudi 20 juin par le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) et la Sofres.
Réalisée sur Internet entre le 10 avril et le 5 mai, en partenariat avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, Générale de santé et l'Union régionale des professionnels de santé d'Ile-de-France, elle interrogeait les aspirations de ces jeunes médecins. Près de 1 600 d'entre eux ont répondu, soit 20 % du total des internes de la région.
Plus de la moitié des internes concernés par l'étude ont entre 23 et 30 ans. Pour Julien Lenglet, président du SIHP, "il s'agit de la déclinaison dans le monde médical de la 'génération Y' décrite par les sociologues". L'appellation fait référence à la trace que forment les écouteurs sur le torse des jeunes. Ceux qui appartiennent à cette génération se caractérisent par l'envie de vivre comme bon leur semble, le refus de toute contrainte, et un franc-parler assumé.
C'est effectivement ce qu'on retrouve dans les revendications des internes. Avec en premier lieu le fait de pouvoir concilier dans de bonnes conditions leur vie professionnelle et leur vie privée. 60 % d'entre eux jugent d'ailleurs cet équilibre "extrêmement important".
LA LIBERTÉ D'INSTALLATION RÉCLAMÉE
Première piste, leur situation amoureuse. "70 % sont en couple et restent là où ils ont étudié à cause d'attaches", témoigne M. Lenglet. Pour lui, cette seule donnée explique pourquoi 8 jeunes médecins sur 10 souhaitent travailler dans la région de leur internat.
L'étude proposait aux internes de laisser des commentaires. Bon nombre d'entre eux gravitent autour de cette question : "Je n'hésiterai pas à partir à l'étranger si on m'impose [en France] de m'installer loin de ma famille et si on me prive de vie personnelle", peut-on lire dans l'un de ces témoignages anonymes. Quant aux conditions de travail, finis le stress et les horaires interminables. Près de la moitié des internes déclarent qu'ils renonceront à leur carrière si ces cas de figure se présentent. "Nous connaissons de vraies difficultés face au syndrome de l'épuisement professionnel, avec beaucoup de suicides", justifie M. Lenglet.
Autre revendication importante : la liberté d'installation. "Imposer un lieu d'exercice = arrêt d'exercice pour de multiples médecins", témoigne un interne. Seulement 28 % de ses pairs déclarent qu'ils ne renonceront jamais à leur carrière professionnelle.
Ces jeunes médecins savent aussi ce qu'ils sont prêts ou non à accepter au quotidien. En règle générale, ils rechignent à travailler la nuit. C'est surtout le cas des femmes. Près de la moitié d'entre elles ne pensent pas garder une activité de nuit. Nombreuses sont celles qui opposent l'argument de la famille : "Je ne suis pas que pédiatre, je suis aussi maman, épouse et femme, enfin j'essaie ! ", écrit l'une d'elles.
Autre constat, près de 70 % déclarent avoir choisi leur spécialité parce qu'elle leur plaît. On est bien loin des stéréotypes qui entourent cette profession, où une spécialisation prestigieuse primait sur le reste.
L'arrivée de cette nouvelle génération dans les hôpitaux et les cabinets médicaux aura forcément un impact sur le système de soins. Partenaire de l'étude, l'AP-HP dit déjà développer une stratégie pour répondre aux attentes de ces nouveaux profils : elle souhaite à l'avenir confier de plus larges responsabilités aux équipes soignantes (infirmières, aide-soignants...) pour permettre aux médecins de se concentrer sur les activités à forte plus-value médicale et de ne pas sacrifier leur vie personnelle. Les établissements sont prévenus : ils auront des efforts à faire s'ils veulent attirer, puis garder leurs médecins.
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