L’ordonnance de l’Académie de pharmacie contre les ruptures de stocks de médicaments
« 100 % des officines sont concernées par le phénomène des ruptures de stocks », constate PhilippeLibermann, vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques. Et tous les médicaments y sont exposés : anticancéreux, anticoagulants, vaccins,psychotropes, en formes génériques ou princeps.
Chaque jour, 5 % des références commandées en ville ne sont pas livrées et la moitié de ces interruptions se prolongent jusqu’à quatre jours. Les pharmacies hospitalières ne sont pas épargnées : ce sont même « 10 % des médicaments qui ont subi des ruptures d’approvisionnement en 2012, pour le groupe Henri-Mondor, note le PrAlain Astier, qui dénombre 65 médicaments touchés pour des périodes plus ou moins prolongées. Dans certains cas, ajoute-t-il, les substitutions ne sont pas possibles, entraînant des pertes de chance chez certains patients. »
La délocalisation des fabrications en Asie
Lors d’une séance thématique organisée ce mercredi, l’Académie nationale de pharmacie a sonné l’alerte sur ces ruptures de stocks et d’approvisionnement. Divers facteurs économiques mondiaux sont pointés, en tête desquels la délocalisation des fabrications de matières actives à usage pharmaceutiques, 60 à 80 % d’entre elles étant désormais importées d’Asie, principalement de Chine et d’Inde (« Le Quotidien » du 14 mars). Des défaut de qualité repérés lors des inspections peuvent aussi interrompre les fournitures.
Fragilisent encore la « supply chain » du médicament les exportations parallèles effectuées par les distributeurs, les flux tendus qui restreignent de plus en plus les volumes des stocks, l’absence de ponts entre hôpital et officine en sortie d’hospitalisation, le nomadisme des patients, la multiplication du nombre des opérateurs et celle du nombre des références à gérer, ainsi que l’atomisation du marché. S’y ajoutent les arrêts de commercialisation.
Préavis de six mois
Pour en réduire les conséquences, les laboratoires doivent maintenant informer l’ANSM avec un préavis de six mois. D’autres dispositions ont été adoptées par les pouvoirs publics, comme l’obligation faite aux répartiteurs de couvrir les besoins des patients français (décret d’octobre 2012 sur la sécurité de l’approvisionnement), ou l’exigence de confirmation écrite de la conformité aux normes européennes, pour les pays producteurs hors UE (directive applicable au 1er juillet prochain).
L’Académie appelle les pouvoirs publics à aller plus loin. Elle réclame l’instauration d’un droit de substitution des traitements par le pharmacien, à l’exemple de ce qui a été décidé au Québec ; une meilleure coopération du binôme prescripteur-pharmacie ; l’établissement d’une liste de médicaments essentiels, qui permette d’orienter une nécessaire relocalisation de certaines chaînes de fabrication, en France et en Europe.
« Il faut engager une politique volontariste de relocalisation pour des principes actifs jugés, stratégiques, insiste Yves Juillet. C’est un enjeu de santé publique », assure le président de l’Académie de pharmacie, en qualifiant l’évolution observée ces dernières années de« préoccupante ».
› CHRISTIAN DELAHAYE
20/03/2013
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