La SNCF à mobilité réduite pour les handicapés
1 mars 2013
Lors de l'inauguration, en mars 2009, à Caen, de la première voiture de Corail Intercités permettant d'accueillir des voyageurs en fauteuil roulant. (Phot Mychele Daniau. AFP)
Alors que Matignon se voit remettre un rapport sur l'accessibilité des lieux publics, zoom sur les difficultés des transports ferroviaires à s'adapter à ses voyageurs en fauteuil roulant.
Les personnes handicapées pourront-elles un jour prendre les transports en commun, le train par exemple, sans que cela ne soit toute une histoire? Accéder au quai et monter dans le train sans ameuter tout le personnel de gare. Ou comble du luxe, aller aux toilettes pendant le trajet et se payer un café au wagon-bar.
Nous sommes en 2013 et très - vraiment très - loin de cette réalité.«Pourtant, la SNCF n’est pas la plus mauvaise élève en la matière,souligne Jean-Marie Barbier, le président de l’Association des paralysés de France qui compte 28 000 adhérents. Tous les trains sont accessibles alors que seulement 33% des bus le sont.» Certes. A condition tout de même d’avoir une interprétation assez souple de l’accessibilité...
Ce vendredi, la sénatrice PS Claire-Lise Campion doit remettre un rapport à Matignon sur l'accessibilité des lieux publics, la question des transports y est abordée. Jeudi, la SNCF organisait une conférence vantant ses efforts en la matière et le respect de la loi. «On a beaucoup progressé ces dernières années. Il est extrêmement rare aujourd’hui qu’un projet important soit fait sans avoir consulté la délégation de l’accessibilité des voyageurs à mobilité réduite», assure le monsieur «accessibilité» du groupe, Didier Devens. Les choses avancent, oui, mais à pas de fourmi. «A vitesse industrielle,préfère-t-il dire. Il faut du temps.» Le point sur ce qui est fait. Et ce qu'il reste à faire...
Une ou deux places par rame
Il y a quinze jours, Aline Rodriguez, une jeune femme de 27 ans, en fauteuil roulant à cause d’une maladie génétique, écrivait une lettre publique à la SNCF, publiée par Libération. Où elle raconte «les complications» et «soucis systématiques» à chaque déplacement.«Les TGV ne disposant que d’une place handicapée le plus souvent, je suis toujours obligée de planifier mes voyages trois mois à l’avance sous peine de voir cette place unique et si convoitée me passer sous le nez.»
C’est le premier problème. Le nombre de places réservées aux voyageurs en fauteuil roulant se compte entre le pouce et l’index. La loi (de 1975, confirmée par celle de 2005) oblige la SNCF à prévoir dans ses trains une place minimum pour les voyageurs en fauteuil roulant. Une place sans siège, en fait. En 2008, une directive européenne au nom barbare (STI PMR) en a imposé au moins deux, mais seulement dans «les trains neufs et rénovés».
«La SNCF veut bien entendre les reproches mais nous sommes en conformité avec la loi, justifie Didier Devens. La moitié de nos TGV ont deux espaces UFR (utilisateur de fauteuil roulant). Et dans les nouveaux trains, on va au-delà des obligations légales, avec quatre places.» Sauf que des trains neufs avec quatre places, il y en a très peu en service. Une quinzaine de rames TGV sur les 400 qui circulent. Il devrait y en avoir 75 d'ici 2015, selon la SNCF. Quant autout nouveau Ouigo (le TGV low-cost), il a beau être neuf, il ne compte que deux places pour fauteuil roulant.
«Nous sommes avant tout un transporteur de masse, insiste-t-il.Bien sûr, on entend les revendications, notamment de ceux qui aimeraient voyager en groupe, mais il y a d’autres priorités bien plus urgentes, croyez-moi. Comme l’accès aux toilettes.»
Très chères toilettes
Aussi moyenâgeux que cela puisse paraître, une personne handicapée peut certes prendre le train (en s’y prenant trois mois à l’avance), mais rien ne lui garantit qu’elle pourra aller aux toilettes pendant le trajet. Sauf à choisir sa destination. Oubliez le Paris-Bordeaux et tous les trains grande ligne de la façade atlantique. Les rames ont été rénovées en 2003-2005, rhabillés par Christian Lacroix. Une place pour les fauteuils roulants a même été ajoutée... Mais personne n’a pensé à l’accès aux toilettes: les portes sont trop étroites, un fauteuil roulant standard ne passe pas.
Pour rattraper la bourde, les travaux ont été évalués à 10 millions d’euros pour la centaine de rames concernées. «On va le faire», promet la SNCF qui a créé il y a cinq ans un train-laboratoire pour tester les équipements et éviter les ratés. Comme cette cuvette trop haute, que l’on retrouve dans certains trains. «Elle avait été pensée pour les personnes en fauteuil mais inadaptée pour les personnes de petite taille. On a beaucoup cherché sur les toilettes, confie Devens.On a fini par trouver un modèle universel qui sera produit de manière industrielle.»
Descendre du train...
Ce n’est pas le tout d’être dans un train. Encore faut-il en descendre. Dans sa lettre épinglant la SNCF, la jeune femme racontait sa mésaventure. «Une fois, alors que je rentrais tard d’un voyage, j’ai purement et simplement été oubliée dans mon train où j’ai attendu seule plus d’une demi-heure que l’on vienne me faire descendre.»Réponse de la SNCF: «On est jamais à l’abri d’un loupé mais c’est rare. On a un taux élevé de satisfaction de notre service Accès plus, dédié aux personnes handicapées.» Mis en place il y a cinq ans, ce service a traité 300 000 demandes l'année dernière. Il permet, entre autres, de mobiliser du personnel pour aider les personnes en fauteuil à monter et descendre du train.
Dans l'idéal, il faudrait des portes de trains conçues à hauteur de quais... Sauf qu’aucun n’est à la même hauteur. «Et là, une mise aux normes (qui n'incombe pas la SNCF mais à Réseau ferré de France, NDLR) se chiffre en milliard d’euros. Rien que pour un ascenseur, comptez entre 400 000 et 500 000 euros», nous assure-t-on.
D'ici 2015, date à laquelle tous les lieux publics (transports compris) doivent être accessibles à tous, la SNCF aura débloqué 500 millions d'euros: 168 grandes gares sur les 3000 devraient être «totalement accessibles», l'accès aux «besoins vitaux» garantis dans tous les TGV. Et pour le reste, «ce sera au rythme des rénovations...»
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