Centres de santé : une aubaine pour tous
C’est avec attention et intérêt que j’ai lu le courrier du Dr William Joubert, président du SML 72, paru dans Le Généraliste n° 2623 qui fait suite au remarquable article que ce journal a publié sur la médecine de soins salariée, illustrée entre autre par la création de deux centres de santé municipaux dans la Sarthe ces deux dernières années.
Permettez-moi de regretter que vous n’ayez pas pris l’initiative de vous informer auprès des organisations représentatives des centres de santé au cours de ces deux années, par exemple auprès de l’Union Syndicale des Médecins de Centres de Santé. Votre article révèle en effet une méconnaissance des centres de santé et du statut des professionnels soignants qui y exercent. Nous aurions pu ainsi vous apporter toutes les précisions nécessaires sur la capacité des centres de santé à apporter une réponse adaptée et complémentaire à l’offre existante, mais aussi aux questions de santé publique et d’offre de soins primaires dont ont été saisis les élus de la Ferté Bernard, de Connerré, et aujourd’hui ceux d’autres communes du département.
Afin de rassurer nos confrères libéraux exerçant dans votre département, je vais apporter ici quelques éléments de réponse qui, je l’espère, lèveront les inquiétudes dont vous vous faites le porte-parole.
Les centres de santé sont des structures de soins ambulatoires dont les statuts et les missions ont été redéfinis et précisés par la loi HPST. Ce sont des structures à but non lucratif, qui peuvent assurer aussi des missions de prévention et de santé publique. Ils participent à la formation initiale des soignants, des médecins généralistes par exemple en accueillant externes, internes et aujourd’hui des chefs de clinique. Ils ont pour obligation de pratiquer le tiers payant et de respecter les tarifs opposables. Les médecins et professionnels de santé qui y exercent sont salariés. Les centres peuvent être gérés par des associations à but non lucratif, des établissements de santé, des mutuelles et donc, comme vous l’avez découvert récemment dans la Sarthe, des collectivités territoriales.
Contrairement à ce que vous dites, il existe bien un statut de médecin territorial. Il concerne des médecins qui exercent des missions exclusivement de prévention (par exemple, les médecins des services de la Protection Maternelle et Infantile).
Par contre, les médecins généralistes des centres de santé municipaux ne relèvent pas de ce statut. Ce sont des médecins généralistes dont les missions de soins sont comparables à celles de nos confrères libéraux. Ils sont ainsi les médecins traitants de leurs patients, assurent la continuité des soins en faisant des visites à domicile, interviennent dans les EHPAD. Ils vont, vous semblez encore l’ignorer, pouvoir intégrer les dispositifs de permanence des soins comme la LFSS 2013 le prévoit. Mais, dans de nombreux territoires (Belfort, Bouches-du-Rhône, Ile-de-France), les médecins généralistes des centres de santé participaient déjà à la PDS mus par leur engagement au service des usagers, sans attendre l’évolution du cadre légal qui ne prévoyait pas jusqu’à présent les modalités de leur rémunération au titre de leur participation à ce dispositif.
N’étant pas des médecins territoriaux, les médecins de soins des centres de santé bénéficient d’un statut de médecins contractuels de la fonction publique territoriale selon des règles établies par la loi (engagement en CDD puis CDI). Ils sont donc des salariés de la collectivité qui les emploie et bénéficient à ce titre des droits que vous citez. Permettez-moi là encore de m’étonner de vos réserves sur des droits fondamentaux, celui par exemple de bénéficier de congés maternités pour nos collègues femmes pourtant de plus en plus nombreuses, ou de congés formation quand on connaît la nécessité pour les médecins de pouvoir remplir leurs obligations de Développement Professionnel Continu qui garantit aux usagers la pratique d’une médecine de qualité. Ces droits sont en effet un des aspects du salariat qui emporte l’adhésion de nombreux jeunes médecins (et de moins jeunes d’ailleurs, épuisés, nous témoignent-ils, par l’exercice libéral).
Pour revenir à la situation de la Sarthe, je tiens à souligner le volontarisme des maires et des élus des communes que vous citez qui, face au constat d’une désertification annoncée de l’offre de soins primaires sur leurs territoires et en l’absence de réponse efficace et rapide de l’Etat, ont su s’affranchir des préjugés idéologiques encore trop répandus : le salariat, le « coût » des centres de santé… Pour répondre avec pertinence aux besoins de santé des populations, ces élus ont examiné toutes les solutions existantes, y compris les projets, comme vous le soulignez, portés par les médecins libéraux. Au final, ces communes ont fait le choix de créer des centres de santé municipaux. Force est de constater que ce choix a eu pour effet de ramener sur votre territoire des médecins généralistes et même, un chirurgien-dentiste. L’offre de soins primaires de qualité est ainsi préservée et assurée pour longtemps sur ces communes. Elle l’est de plus, dans un cadre de service public de santé et d’accès aux soins pour tous, puisque dans le respect des tarifs opposables et par la pratique du tiers payant. Ce ne sont pas des éléments à négliger et auxquels je ne doute pas que vous soyez sensible et attentif, au moment où le renoncement aux soins pour des raisons financières aggrave les inégalités sociales de santé dans votre département comme dans toute la France.
Permettez-moi enfin de ne pas retenir votre hypothèse selon laquelle nos collègues médecins libéraux des Maisons Médicales de Garde de la Sarthe puissent refuser de prendre en charge des patients suivis dans les centres de santé ( et réciproquement, d’ailleurs). Outre que cela constituerait un manquement au code de déontologie (qu’en penseraient les usagers ?), j’ai toute confiance dans le bon sens de nos confrères libéraux et salariés des centres de santé que j’encourage à établir une collaboration constructive dans l’intérêt de la population de la Sarthe, pour y organiser au mieux l’offre de soins et sa continuité. C’est ce qui se passe déjà dans les territoires où sont implantés parfois depuis plus de 70 ans des centres de santé municipaux : les patients sont accueillis, quand il le faut, par les uns et par les autres, libéraux et médecins des centres de santé, dans le respect de la déontologie médicale et de la confraternité.
Alors à votre titre « une attaque délibérée contre le monde libéral », je réponds « une chance pour les populations, les tutelles, les élus et… les professionnels de santé ! ».
Restant à votre disposition et à celle des élus nationaux du SML pour poursuivre le dialogue,
Bien confraternellement,
Dr Eric May, médecin généraliste à Malakoff (Hauts-de-Seine), président de l’USMCS
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