Publié le 28/11/2012
Quelque peu « provocateur » par sa double marque du pluriel, ce titre vise à illustrer les difficultés pour parler de l’autisme, au fil des moutures successives du DSM. Comme le note l’éditorialiste de The American Journal of Psychiatry, la future perception de l’autisme dans le prochain DSM-5[1] (attendu pour 2013) ne fait pas l’unanimité. On parlera désormais d’ASD (Autism Spectrum Disorder : Trouble du Spectre Autistique, TSA), ce qu’on faisait déjà plus ou moins, en risquant d’exclure dorénavant de ce cadre « une part significative » des sujets avec des PDD (Pervasive Developmental Disorders : Troubles Envahissants du Développement, TED) mais un bon niveau d’efficience intellectuelle, comme les personnes avec un syndrome d’Asperger ou un PDD-NOS (not otherwise specified, TED non autrement spécifié).
La catégorisation ASD du DSM-5 tendrait aussi à suggérer qu’il existe probablement un «continuum de l’autisme » (autism continuum), c’est-à-dire une réalité « analogique » de ce trouble permettant une transition continue entre ses formes cliniques, par opposition à un caractère « discret » ou « digital » impliquant au contraire une discontinuité d’une forme clinique à l’autre. Cependant, les adversaires de cette conception « continue » (promue implicitement par le DSM-5) font remarquer qu’il n’existe « aucune preuve manifeste » à l’appui de cette thèse.
Pour illustrer l’incidence pratique du changement de DSM, des chercheurs ont comparé des diagnostics d’autisme portés selon les critères actuels (édition révisée du DSM-IV[1]) et selon les critères attendus dans la première version du DSM-5. Comme les détracteurs du DSM (ou de tout « étiquetage » en général) pouvaient le redouter, la convergence des diagnostics est médiocre : dans un groupe de 26 sujets avec QI>50 et TED selon l’édition révisée du DSM-IV, seulement 46 % relèvent du diagnostic d’autisme (ASD) selon le DSM-5. Et dans une autre étude, portant sur 657 sujets avec TED (DSM-IV), environ 60 % conservent une étiquette voisine avec le DSM-5, contre près de 40 % qui sont alors exclus de ce cadre nosographique. Mais les défenseurs du DSM-5 se hâtent de rappeler que ces « anciens » avec autisme (ou s’en approchant) ne seront pas pour autant « délaissés par les services de santé mentale » car, à défaut d’être considérés comme de «vrais » ASD au sens du DSM-5, la plupart recevront vraisemblablement un nouveau diagnostic proposé par le DSM-5, celui de SCD (Social Communication Disorder, Trouble de la Communication et de la Socialisation).
Quoi qu’il en soit, l’auteur estime qu’il faudrait renforcer la sensibilité des critères (sensitivity, c’est-à-dire leur « aptitude à identifier correctement les individus concernés par le trouble ou la maladie») et leur spécificité (specificity, à savoir leur « aptitude à identifier correctement les individus non concernés par ce trouble »). Avant même sa parution, le DSM-5 fait déjà débat…
[1] Nous respectons ici la typographie dissymétrique (justifiable ?) de l’auteur, parlant du DSM-IV en chiffre romain, mais du DSM-5 en chiffre arabe !
Dr Alain Cohen
Tsai LY : Sensitivity and specificity: DSM-IV versus DSM-5 criteria for Autism Spectrum Disorder. Am J. Psychiatry 2012; 169: 1009-1011.
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