"Privilégier les médicaments les plus efficients"
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO |
Coût des traitements : la fin d'un tabou". Dans le cahier "Science & techno" du 6 octobre, ce titre concernait les traitements innovants apparus contre certains cancers. Mais il accompagnait un mouvement de fond qui s'est cristallisé le 4 octobre par un décret, paru au Journal officiel, qui confie à la Haute Autorité de santé (HAS) "la mise en oeuvre de l'évaluation médico-économique des produits et des technologies de santé".
Décryptage avec le professeur Jean-Luc Harrousseau, président de la HAS.
Les économistes de la santé admettent qu'en France, il y a aujourd'hui "un raisonnement économique implicite" dans l'évaluation des produits de santé onéreux. Ce nouveau décret va-t-il rendre ce raisonnement explicite ?
La Haute Autorité de santé n'était jusqu'ici pas tenue par la loi de faire une évaluation médico-économique pour les produits et technologies de santé. Les choix de financement étaient dictés par une logique "implicite" : en pratique, on privilégiait la prise en charge des maladies graves et des maladies chroniques, remboursées à 100 %. Face à cet effort, il y a eu des actes de déremboursement pour des maladies moins graves. Ce nouveau décret confie à la HAS une évaluation médico-économique pour les produits de santé nouveaux ou réévalués.
Cette évaluation sera obligatoire pour deux types de produits : ceux pour lesquels l'industriel revendique une "amélioration du service médical rendu" importante, et ceux pour lesquels on peut s'attendre à un fort impact en termes financiers ou pour l'organisation des soins.
Cette évaluation ira-t-elle aussi loin que dans le système britannique, où le coût et l'efficacité d'un traitement sont étudiés simultanément ?
Non, nous ne pensons pas que chiffrer le "coût par année de vie de qualité gagnée avec un nouveau médicament" doive être érigé en règle d'or, comme le font les Britanniques pour établir son rapport coût/utilité. A priori, nous réaliserons une analyse d'efficience : nous comparerons les rapports efficacité/coût d'un nouveau médicament ou d'une nouvelle stratégie, par rapport aux médicaments ou aux stratégies existantes. La traduction logique sera de privilégier le médicament ou la stratégie le (la) plus efficient(e) - avec le meilleur rapport efficacité/coût. Au final, cette nouvelle évaluation se situera à mi-chemin entre l'évaluation implicite faite jusqu'ici et l'évaluation explicite très lourde mise en oeuvre au Royaume-Uni.
En pratique, comment cette appréciation économique s'insérera-t-elle dans le circuit d'évaluation d'un produit ?
Le principe est le suivant : la commission de la transparence de la HAS donnera toujours, comme elle le fait aujourd'hui, un avis médico-technique sur l'intérêt thérapeutique individuel (pour un patient donné) d'un produit de santé.
En parallèle, la commission médico-économique de la HAS (renouvelée pour répondre à la loi de financement de la Sécurité sociale 2012) donnera un avis sur l'intérêt pour la collectivité de ce produit. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) tiendra compte de ces deux avis pour fixer le prix du produit.
C'est une évolution importante ?
Oui, c'est une évolution inéluctable et consensuelle quelle que soit la mouvance politique, compte tenu des contraintes économiques et du fait que les dépenses de santé croissent plus vite que le PIB ! Créée en 2004 avec une vision essentiellement médicale, la HAS prend une dimension nouvelle avec cette mission médico-économique renforcée.
Propos recueillis par Florence Rosier
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