Féministes en tous genres
entretiens et articles de chercheuses sur le genre et les sexualités
26.10.2012
La tâche éthique de la psychanalyse selon Judith Butler
Mnémosyné, 2012 © S D.
"Les moments dans lesquels le “moi” et le “toi” s’effondrent sont aussi ceux dans lesquels l’unE des deux inévitablement craint pour soi-même, en tant que distinctE, et pour sa survie en tant que “moi” délimitéE . Cette angoisse est coextensive à la vie, car tout “moi” est soutenu et produit uniquement par un réseau de relations qui menacent aussi de le défaire. La réponse à cette dissolution de la distinction entre le “moi” et le “toi” peut être, comme Hegel nous l’enseigne, la destruction et l’agression ; je te nierai, pour m’assurer que j’existe. Mais on peut faire quelque chose avec cette angoisse, on peut l’élaborer, l’apprivoiser, on peut y réfléchir - c’est d’ailleurs là que réside, à mon sens, la tâche éthique de la psychanalyse. Pour devenir une personne capable de répondre à la vulnérabilité et à la singularité de l’autre, je dois travailler sur ces angoisses et sur ces peurs qui sont susceptibles de me conduire à présumer que l’autre est moi-même, à projeter sur elle/lui ou à l’incorporer, à refuser la séparation ou au contraire à l’exiger inconditionnellement. Cette lutte, qui relève de la psychanalyse, m’apparaît nettement comme la condition nécessaire à la réalisation de la relation éthique telle que [Adriana Cavarero] la conçoit".
Judith Butler, dialogue avec Adriana Cavarero, "La condition humaine contre 'nature'", 2005, traduction Caterina Rea et Sylvie Duverger
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