Equanil : intérêt "faible", intoxications, mais 503 000 prescriptions par an
23.12.10
C'est un cas d'école : un médicament posant de graves problèmes en cas d'absorption massive. Cela a amené l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à restreindre ses indications, mais il est toujours sur le marché. Commercialisé sous le nom d'Equanil par Sanofi-Aventis, le méprobamate a un service médical rendu jugé "faible" et fait l'objet d'un suivi national de pharmacovigilance.
Cet anxiolytique apparaît sur le marché français en 1956. Il a été largement utilisé pour traiter l'anxiété, mais aussi les difficultés à s'endormir, les contractures musculaires douloureuses et comme aide au sevrage chez les personnes alcoolo-dépendantes. En novembre, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a rappelé que ce produit a été donné, hors des indications de l'autorisation de mise sur le marché, pour la maladie d'Alzheimer et les épisodes dépressifs.
Or les intoxications au méprobamate ne sont ni rares ni bénignes. Elles peuvent aller jusqu'au coma profond avec défaillance cardiaque en cas d'ingestion d'une dose importante. "Cela fait vingt ans que nous disons qu'il faut retirer l'Equanil du marché", s'emporte un médecin d'un centre régional de pharmacovigilance, qui ne souhaite pas être identifié.
"UNE HISTOIRE FRANÇAISE"
Depuis sa mise sur le marché, Sanofi-Aventis a rapporté 308 cas d'intoxication au méprobamate, parmi lesquels 100 surdosages, dont au moins 86 sont intentionnels et 77 ont entraîné des comas. L'Afssaps parle de "problème majeur" et a saisi les centres antipoison en 2004.
Pour Hélène Verdoux, professeur de psychiatrie à l'université Bordeaux-II, le méprobamate et sa famille représentent "des attentats à la santé publique" et "font partie des produits les plus dangereux, alors qu'il existe des alternatives (les benzodiazépines) ayant un profil bénéfice-risque plus favorable. On se demande pourquoi ils sont encore sur le marché."
En décembre 2000, l'Agence a entrepris une réévaluation des spécialités contenant du méprobamate. Elle a restreint, en février 2006, l'indication de l'Equanil en comprimés et de ses génériques à "l'aide au sevrage chez le sujet alcoolo-dépendant lorsque le bénéfice-risque des benzodiazépines ne paraît pas favorable". En 2009, Sanofi-Aventis a notablement diminué le nombre de comprimés par boîte. La notice du produit a été modifiée et les professionnels de santé ont été informés des changements par le laboratoire.
Selon des données de 2010, il y a eu, en un an, quelque 503 000 prescriptions d'Equanil en France, la forme injectable n'en représentant que 1 000. Président de la commission du médicament à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et exerçant depuis de nombreuses années diverses fonctions dans des commissions de l'Afssaps, le professeur Jean-François Bergmann reconnaît les difficultés à faire disparaître le méprobamate du marché : "C'est une histoire française. Les autres pays d'Europe ne veulent pas de ce médicament. Le jour où sortira l'affaire de l'Equanil, les uns et les autres seront aussi mal à l'aise qu'avec le Mediator."
Sollicité par Le Monde, Sanofi Aventis n'a pas souhaité faire de commentaire.
Paul Benkimoun
23.12.10
C'est un cas d'école : un médicament posant de graves problèmes en cas d'absorption massive. Cela a amené l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à restreindre ses indications, mais il est toujours sur le marché. Commercialisé sous le nom d'Equanil par Sanofi-Aventis, le méprobamate a un service médical rendu jugé "faible" et fait l'objet d'un suivi national de pharmacovigilance.
Cet anxiolytique apparaît sur le marché français en 1956. Il a été largement utilisé pour traiter l'anxiété, mais aussi les difficultés à s'endormir, les contractures musculaires douloureuses et comme aide au sevrage chez les personnes alcoolo-dépendantes. En novembre, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a rappelé que ce produit a été donné, hors des indications de l'autorisation de mise sur le marché, pour la maladie d'Alzheimer et les épisodes dépressifs.
Or les intoxications au méprobamate ne sont ni rares ni bénignes. Elles peuvent aller jusqu'au coma profond avec défaillance cardiaque en cas d'ingestion d'une dose importante. "Cela fait vingt ans que nous disons qu'il faut retirer l'Equanil du marché", s'emporte un médecin d'un centre régional de pharmacovigilance, qui ne souhaite pas être identifié.
"UNE HISTOIRE FRANÇAISE"
Depuis sa mise sur le marché, Sanofi-Aventis a rapporté 308 cas d'intoxication au méprobamate, parmi lesquels 100 surdosages, dont au moins 86 sont intentionnels et 77 ont entraîné des comas. L'Afssaps parle de "problème majeur" et a saisi les centres antipoison en 2004.
Pour Hélène Verdoux, professeur de psychiatrie à l'université Bordeaux-II, le méprobamate et sa famille représentent "des attentats à la santé publique" et "font partie des produits les plus dangereux, alors qu'il existe des alternatives (les benzodiazépines) ayant un profil bénéfice-risque plus favorable. On se demande pourquoi ils sont encore sur le marché."
En décembre 2000, l'Agence a entrepris une réévaluation des spécialités contenant du méprobamate. Elle a restreint, en février 2006, l'indication de l'Equanil en comprimés et de ses génériques à "l'aide au sevrage chez le sujet alcoolo-dépendant lorsque le bénéfice-risque des benzodiazépines ne paraît pas favorable". En 2009, Sanofi-Aventis a notablement diminué le nombre de comprimés par boîte. La notice du produit a été modifiée et les professionnels de santé ont été informés des changements par le laboratoire.
Selon des données de 2010, il y a eu, en un an, quelque 503 000 prescriptions d'Equanil en France, la forme injectable n'en représentant que 1 000. Président de la commission du médicament à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et exerçant depuis de nombreuses années diverses fonctions dans des commissions de l'Afssaps, le professeur Jean-François Bergmann reconnaît les difficultés à faire disparaître le méprobamate du marché : "C'est une histoire française. Les autres pays d'Europe ne veulent pas de ce médicament. Le jour où sortira l'affaire de l'Equanil, les uns et les autres seront aussi mal à l'aise qu'avec le Mediator."
Sollicité par Le Monde, Sanofi Aventis n'a pas souhaité faire de commentaire.
Paul Benkimoun
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire