— 30 novembre 2020
Une équipe du Samu de Lyon lors du transfert d’un patient à l’hôpital, mi-novembre. Photo Hugo Ribes. ITEM
Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.
Par Eric Favereau — 30 novembre 2020
Une équipe du Samu de Lyon lors du transfert d’un patient à l’hôpital, mi-novembre. Photo Hugo Ribes. ITEM
Frédéric Manzini publié le
« On ne demande jamais pardon que pour l’impardonnable. » C’était fort de ce paradoxe que Jacques Derrida avait entamé son séminaire à l’EHESS en 1997-1998, retranscrit dans un premier volume paru l’an dernier et dans lequel il avait notamment insisté sur le caractère inconditionnel du pardon. Dans ce volume II, qui couvre les années 1998-1999, le philosophe de la déconstruction s’intéresse plus particulièrement à sa dimension politique : de Nelson Mandela (après la fin de l’apartheid) à Desmond Tutu (et la commission « Vérité et Réconciliation » toujours en Afrique du Sud) en passant par Bill Clinton (empêtré dans l’affaire Monica Lewinsky), l’actualité lui offre autant d’occasions de méditer sur le sens que revêtent le pardon et le parjure – puisque, selon lui, le pardon « est toujours pardon d’un parjure » – dans le grand théâtre du monde.
Aider les enfants à comprendre les enjeux de la pandémie et devenir acteur de leur éducation dès la maternelle, c’est l’ambition de ce petit livret.
Par Josiane Kouagheu Publié le 27 novembre 2020
Frida est concentrée sur le fascicule ouvert devant elle. Crayon rouge à la main, elle colorie « le monstre ». « C’est le coronavirus. C’est un vilain microbe », murmure la fillette âgée de 4 ans, sans lever les yeux. Par moments, elle s’interrompt pour observer les « petites cornes, les yeux et la bouche du méchant ». Dans cette salle de classe de maternelle du groupe scolaire Le Globe, un établissement privé primaire et bilingue de Douala, la capitale économique du Cameroun, les 19 élèves se familiarisent avec « Fight Covid Cameroon, le livret de coloriage des superhéros contre le covid-19 » de 24 pages.
« Depuis le début de la pandémie, les enfants entendent parler du coronavirus à la maison, à la télévision et même dans leur école depuis la rentrée d’octobre, mais ils n’avaient pas encore vu d’image en face d’eux. Ils sont très émus », sourit Florence Cécile Kameni, l’une des deux maîtresses, en déambulant entre les tables un œil sur le travail de ses petits élèves. Yvan, 4 ans, est fasciné par la couverture du livre. On y voit un petit garçon et une petite fille, tous masqués, entourés de fleurs et sautillant de joie. « Chacun de vous est soit lui, soit elle, leur explique Prodencia Ngoh, l’enseignante d’expression anglaise. Vous êtes les superhéros qui luttent contre le méchant coronavirus. »
30 novembre 2020
Au Japon, les suicides tuent largement plus que la Covid-19. Rien que pour le mois d’octobre, on dénombre 2153 décès par suicide, contre « seulement » 7 décès dû au virus. Et on compte à ce jour, un total de 2106 décès par Covid... sur toute l’année, selon les données officielles.
Dans un rapport publié lundi, les magistrats financiers mettent en cause les inégalités territoriales et réclament une meilleure coordination des services de l’aide sociale à l’enfance avec ceux de la justice.
Par Solène Cordier Publié le 30 novembre 2020
Fin 2018, près de 330 000 jeunes (306 800 mineurs et 21 400 jeunes majeurs) étaient pris en charge au titre de la protection de l’enfance en France. De la simple mesure éducative jusqu’au placement, cette mission est dévolue aux départements depuis les lois de 1983 sur la décentralisation, et en grande partie assurée par le secteur associatif. Le coût de cette politique publique s’élève à 8,4 milliards d’euros par an, dont 7,99 milliards à la charge des départements. C’est donc bien à un « enjeu social majeur », comme elle le définit elle-même, que la Cour des comptes consacre un rapport au titre éloquent « La protection de l’enfance, une politique inadaptée au temps de l’enfant », rendu public lundi 30 novembre.
Par Anne Diatkine, Photo Akatre —
Photo Akatre
On garde en tête une réflexion d’Anne Dufourmantelle, peu de temps avant sa disparition accidentelle, le 21 juillet 2017. La psychanalyste s’étonnait du nombre croissant de patients qui, plutôt que de considérer l’oubli d’un rendez-vous comme un acte manqué, l’expliquait par un raté de leur agenda électronique : «Ce n’est pas moi, c’est lui qui ne m’a pas alerté.» Jusqu’à quel point, poursuivait-elle, l’accusation est-elle à prendre au pied de la lettre ? Si nous ne sommes plus les auteurs de nos oublis et qu’on se défausse sur un «autre», fût-il un robot, notre mémoire est-elle en train de muter ?
Il y a aussi cette expérience que chacun a déjà éprouvée. On perd ou on nous vole un outil numérique. L’objet est remplaçable, et pourtant, sa perte produit un réel désarroi. Pour peu que la sauvegarde n’ait pas été faite, une partie de nos souvenirs est détruite à jamais et ne sera pas récupérable. Notre mémoire humaine et subjective ne les a pas stockés. On ne sait plus quelles photos d’enfants on avait entassées distraitement dans la mémoire de l’outil, alors que chacune était susceptible de raviver des moments particuliers égarés à jamais sans leur support visuel. Peut-être n’avait-on même pas regardé avec attention ce qu’on photographiait, déléguant ainsi notre perception à l’objet ? D’ailleurs, ces vacances, les a-t-on vraiment vécues ? Ne sont-elles pas désormais évanouies ? Lorsqu’une inondation noie des albums photos, on déplore le dégât et regrette l’avanie. La perte numérique, elle, s’apparente à une amputation. Simple métaphore ?
La philosophe Catherine Malabou, autrice notamment de Que faire de notre cerveau ? (1), suppose effectivement que les outils numériques qui permettent de déléguer sa subjectivité (comme le montrent nombre d’applications qui mettent à la portée d’inconnus nos émotions les plus intimes) modifient ses limites.
Publié le 19/11/2020
Octave Larmagnac-Matheron publié le
« Le Covid-19 n’est pas une pandémie », affirmait Richard Horton, le rédacteur en chef du plus célèbre journal médical britannique, The Lancet, il y a peu. Certes, sa propagation est devenue un problème mondial (pan- en grec désigne le « tout »). Mais constater sa diffusion rapide à l’échelle du globe est insuffisant : si le virus s’est développé avec une telle virulence, c’est qu’il profite de l’entrelacement de nombreux autres facteurs pathologiques affectant la santé humaine de manière structurelle.
« C’est une syndémie » – du grec syn-, « avec ». Ce que vient confirmer une étude détaillée publiée elle aussi dans le Lancet le 17 octobre : « L’interaction du Covid-19 avec la hausse mondiale continue ces trente dernières années des maladies chroniques et de leurs facteurs de risques, dont l’obésité, l’hyperglycémie et la pollution atmosphérique, a créé les conditions d’une tempête, alimentant le nombre de morts du Covid-19. » Et les scientifiques à l’origine de l’étude d’ajouter que « de nombreux facteurs de risques et maladies non transmissibles étudiés dans ce rapport sont associés avec un risque accru de formes graves de Covid-19, voire de décès ».
Nos sociétés étaient, sans peut-être s’en rendre compte, malade avant même de tomber vraiment malade. Avant d’être victimes d’un corps étranger, elles se sont elles-mêmes empoisonnées par leurs propres modes de vie. Le Covid-19 est un révélateur, la partie émergée de l’iceberg : son irruption nous montre combien le rapport entre santé et maladie sont plus ambigus qu’il n’y paraît.
Philippe Garnier publié le
[...] Où réside la singularité d’un individu ? Cette singularité est-elle duplicable ? Comment une telle duplication serait-elle vécue, non seulement par les intéressés eux-mêmes, mais par l’humanité tout entière ? Telles sont, parmi beaucoup d’autres, les questions que soulève le roman L’Anomalie. Dans l’esprit de l’Oulipo – qui accueillit naguère Raymond Queneau, Georges Perec et Italo Calvino –, Hervé Le Tellier construit un vaste puzzle où l’ensemble de la planète est sommé de réagir à une situation impensable.
« Je ne comprends pas. Le même avion s’est posé deux fois ? », s’étonne un agent de la CIA. En juin 2021, un Boeing 787 d’Air France desservant la ligne Paris-New York traverse un cumulonimbus supercellulaire suivi d’une tornade de grêlons. Sorti de la tourmente, il se voit refuser l’atterrissage à Kennedy Airport. Il est dirigé vers une base militaire où le FBI interroge l’équipage et les passagers. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et cependant tueur à gages ; Slimboy, star nigériane de la musique afro-pop, obligé de masquer son homosexualité ; Joanna, ambitieuse avocate afro-américaine ; ou encore Victor Miesel, écrivain français confidentiel, auteur d’un roman intitulé L’Anomalie. Qui sont-ils ? Trois mois plus tôt en effet, le même vol Air France 006, endommagé de la même façon, piloté par le même commandant et avec, à son bord, les mêmes passagers, s’est posé à l’aéroport JFK. Les experts sont formels : tout concorde au moindre détail près, jusqu’aux impacts des grêlons sur les vitres et aux passeports des voyageurs. Bientôt, chacun de ces personnages arrivés en juin 2021 sera confronté à son double arrivé en mars de la même année.
Par E. Dal'Secco & C.Rogeret 1er décembre 2020
Hausses des conduites addictives, des dépressions, de l'isolement... "Le confinement fait craindre le pire pour la psychiatrie", s'alarme Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam*. Quelles réponses concrètes pour parer à l'urgence ?
* Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques
« Il y a quelques semaines, il y a eu une alerte sur une augmentation du nombre de tentatives de suicides des adolescents. Les autorités se sont inquiétées et, après enquête, ces tentatives sont en nombre équivalent à l'an dernier, avant l'épidémie de Covid . L'impression d'une hausse, ressentie par les soignants des urgences pédiatriques, venait du fait que, les autres types d'urgences ayant baissé avec le confinement, la psychiatrie prenait une part plus grande dans leur quotidien.
Je donne cet exemple, non pas pour relativiser l'impact du Covid sur la santé mentale et morale des Français, mais pour mettre en lumière un manque : contrairement aux épidémiologistes qui disposent d'indicateurs précis et de modèle mathématiques, nous ne disposons pas, en psychiatrie, de remontées nationales.
Par Olivier Monod — 1 décembre 2020
Dans une chambre d'étudiant qui rencontre des troubles psychologiques, à Rouen, le 25 novembre 2020. Photo Thibault Camus. AP
Saphia Guereschi. 30/11/2020
Le 26 novembre dernier, une semaine avant son congrès triennal, le Syndicat national des infirmier.es conseiller.es de santé (SNICS) a tenu un congrès extraordinaire pour évoquer les nombreuses missions demandées aux infirmières de l’Éducation nationale en cette période de crise, au mépris des besoins des élèves. Le point avec Saphia Guereschi, la présidente.
Saphia Guereschi : Notre objectif a été de nous mobiliser pour obliger le ministre de l’Éducation nationale, le Premier ministre et le ministre de la Santé, à savoir trois des interlocuteurs politiques qui gèrent la crise, à nous donner plus de moyens. Aujourd’hui, ils prennent des décisions qui vont à l’encontre de notre expertise et des besoins des élèves. La crise aurait dû les amener à créer des postes d’infirmières scolaires. Déjà avant la crise, nous dénoncions le manque de moyens. Mais depuis, avec le nombre de missions qu’on nous demande de remplir, c’est intenable.
JULIE DELVALLÉE PUBLIÉ LE 29/11/2020
On aurait peine à croire qu’il s’agisse d’une publicité. Pendant 3 minutes, la nouvelle copie publicitaire d’Intermarché suit les points de vue d'un infirmier à l'hôpital et d'une famille, une mère et son fils, dans l'attente de la guérison du père. Pour remercier le soignant, la famille confectionne un buffet pour l’équipe hospitalière, avec des produits achetés dans l’enseigne des Mousquetaires. A peine voit-on le nom Intermarché sur un sachet kraft avant le logo final qui termine la publicité.
Par Marlène Thomas, Photos Cha Gonzalez —
REPORTAGE
Au centre d'écoute du 3919, à Paris, une trentaine d’écoutantes professionnelles répondent aux appels de témoins ou de victimes de violences conjugales. Photo Cha Gonzalez pour Libération
Peu de lieux condensent autant de détresse et d’espoir. Les locaux abritant le 3919, la ligne nationale d’écoute, de soutien et d’orientation dédiée aux femmes victimes de violences, sont de ceux-là. Un peu plus d’un an après l’immersion d’Emmanuel Macron à l’ouverture du Grenelle des violences conjugales, la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), créatrice et gestionnaire de cette ligne depuis 1992, nous a rouvert les portes de Violence Femmes Info. «Vous pourriez ouvrir vingt-quatre heures sur vingt-quatre et vous étendre à cet étage?» : l’interrogation du chef de l’Etat résonne amèrement en cette fin novembre. Plutôt que de rallonger les subventions de la FNSF pour parvenir à cet objectif, le gouvernement a opté pour l’ouverture d’un marché public. Aux côtés de la FNSF, les associations féministes sont vent debout contre cette mise en concurrence. Se réfugiant derrière des dispositions légales, la ministre chargée de l’Egalité Elisabeth Moreno a assuré que ce marché se fera dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Pas de quoi rassurer les troupes sur l’avenir de ce service essentiel.
Par Tiphaine Le Roy —
Photo d'illustration. Lucas Barioulet. AFP
Nés en 2002, ils devaient fêter leur majorité en 2020. Mais la pandémie a fauché ce moment charnière inoubliable, et les a privés de ce rite de passage comme de l’insouciance propre à leur âge.
Par Pascale Krémer Publié le 27 novembre 2020
La fête de leurs 18 ans se joue à la roulette russe. Né en avril ? Confinement, on oublie les réjouissances… Né en juillet ? Déconfinement, fiesta ! Fin octobre ? Couvre-feu, au lit avec les poules. Novembre ? Reconfinement, pas de bol… Pour qui est né en 2002, la célébration, tant attendue, de la majorité dans l’excitation et les effluves d’alcool tient du coup de chance.
Côté veine, Mathieu, qui étudie de près mais à distance la communication à l’IUT de Troyes. Le 22 juin, il a pu réunir chez lui une trentaine de copains, même si la « peur qu’un cluster se développe dans la maison » lui traversait régulièrement l’esprit. Versant malchance, Matthéo, à Grande-Synthe (Nord), né en octobre. Déscolarisé depuis deux ans, tout nouvellement en service civique, le jeune homme aux longs cheveux châtains avait, depuis belle lurette, planifié une fête mémorable dans une salle de quartier. « On aurait dansé toute la nuit, j’aurais joué avec mon groupe de metal. » Le Covid-19 a douché son enthousiasme. « Deux copains sont venus prendre un verre chez moi. Forcément, c’était un peu pourri. Je n’aurai pas de souvenirs. »