Les Pays-Bas et la Belgique ont étendu ce droit aux individus atteints de souffrances psychiques. Paradoxalement, cette extension met en lumière les limites mêmes de cette légalisation.
Nous avons été tous choqués en apprenant qu’aux Pays-Bas on avait procédé au meurtre par euthanasie d’une jeune fille de 20 ans déprimée et anorexique. Les médecins croyaient que la souffrance psychique de cette adolescente, victime de viols entre 5 et 15 ans, était «sans issue». Et ce cas est loin d’être isolé. Depuis quelques années, aux Pays-Bas comme en Belgique, on recourt de plus en plus à l’euthanasie pour des personnes atteintes non seulement de maladies psychiques mais aussi à de souffrances d’ordre psychiatrique. Ainsi, un Bruxellois a organisé l’euthanasie de ses parents octogénaires parce qu’ils avaient peur de la solitude. Et aux Pays-Bas, une octogénaire a été euthanasiée parce qu’elle ne souhaitait pas aller vivre dans une maison de retraite. Ces personnes n’ont pas été assassinées sans leur consentement. Elles ont demandé à être euthanasiées parce qu’elles souffraient et leur requête a été acceptée. Cela signifie, en substance, que l’Etat entérine la décision des citoyens de se suicider en les aidant même à accomplir ce geste fatal au lieu de chercher à les en dissuader.
Certains rapprochent cette position de l’Etat à du nazisme, alors qu’il s’agit presque du contraire. C’est parce que la vie appartient à ceux qui la vivent et non à l’Etat que les premiers peuvent demander au second de les assister pour mourir. Cela évite des tentatives ratées et les handicaps qui pourraient en résulter. Et les régimes totalitaires ôtent la vie de ceux qui n’ont pas demandé à mourir.
Même si certains commentateurs tiennent ces mesures comme étant une perversion de l’euthanasie, celle-ci devant s’appliquer à des individus atteints de maladies physiques graves et incurables et non psychiques, elles constituent en réalité son expression la plus pure. En effet, le droit à l’euthanasie donne aux individus le pouvoir de décider s’ils souhaitent vivre ou mourir sans que l’Etat n’intervienne d’une manière paternaliste sur des choix aussi fondamentaux. Ce dernier doit seulement permettre, à ceux qui le souhaitent, de mourir dans de bonnes conditions. Les raisons que l’on invoque pour cesser de vivre sont après tout une affaire privée. Si l’Etat décide qu’il y a des bonnes ou des mauvaises raisons, il empiète sur ce choix souverain.