Les algorithmes sont devenus nos nouveaux patrons, nos nouveaux collègues de travail, non sans créer de nouvelles tensions dans les rapports de travail…
On peut s’en prendre aux algorithmes ou aux limites de l’économie collaborative (voire notre dossier). Mais sont-ils les seuls en cause ? Aux récents Etats généraux de la révolution numérique, Noémie de Grenier, de la coopérative d’activité Coopaname, rappelait que pour répondre à l’individualisation de la société que nous proposent les entreprises algorithmiques – les entreprises du travail à la demande comme Uber ou Take eat easy, ces entreprises de la Gig Economy, cette économie des petits boulots -, il existe déjà des réponses basées sur la solidarité.
L’économie sociale a donné naissance aux syndicats, aux associations et aux formes coopératives. Se rassembler pour se protéger les uns les autres est depuis longtemps une aspiration de la société. En Belgique, où le statut d’autoentrepreneur n’existe pas, expliquait-elle, les aspirants coursiers de Take eat Easy ont du s’inscrire chez SMart, une coopérative pour obtenir un statut leur permettant de travailler d’une manière indépendante. Face à ce soudain afflux de nouveaux indépendants, SMart a pu plus facilement les identifier et leur permettre de se coordonner les uns avec les autres, explique également le journal belge Le Vif dans le dossier qu’il consacre au problème. Après avoir aidé les coopérateurs à prendre la mesure des mauvaises conditions de rémunération qu’offrait Take eat Easy, la coopérative a lancé une convention-cadre pour aider les coopérateurs souhaitant travailler avec ce type de plateformes, visant à imposer des conditions de travail décentes (salaire horaire minimum avec un montant de base garantie par soirées, comprenant les temps d’attente, ainsi que des obligations en matière d’assurance ou d’équipement…).
En fait, rappellait Noémie de Grenier, pour se prémunir des risques d’auto-exploitation, l’organisation collective reste la meilleure réponse. Si la coopérative se défend d’être l’unique solution à l’ubérisation, Noémie de Grenier souligne que “l’individualisation induit toujours de la précarité”. Le travail isolé et précaire n’est jamais émancipateur. Bien des auto-entrepreneurs travaillent en-deçà du Smic, même après plusieurs années sous ce régime.