La Ministre de la Santé Marisol Touraine le 19 juin 2014 lors de son discours présentant les orientations de la loi de santé a évoqué en priorité le vieillissement et les grandes maladies chroniques. La Ministre a d’abord situé la prévention comme « socle », puis le service territorial comme outil majeur de son plan. Pour expliciter ce ‘service territorial’ la Ministre a précisé : « Il y a 40 ans la psychiatrie a eu l’intuition du territoire » !
C’est en effet dans les années 70 que le Ministre de la Santé de l’époque a mis en place la sectorisation dans l’ensemble de la France comme cadre de l’application de la Nouvelle Politique pour la psychiatrie, la Politique de Secteur (circulaires des 14 et 15 mars 1972).
Certes le projet avait été élaboré par un groupe de psychiatres et d’administrateurs entre 1939 et 1945 au lendemain des terreurs de la guerre et en plein espoir de solidarité nationale pour l’avenir, puis officialisé par la circulaire du 15 mars 1960 : « une équipe pluridisciplinaire pour une population de 66.666 habitants, un ‘secteur’ ». Rappelons que le terme de territoire plus simple avait été d’abord utilisé, c’est celui de secteur moins connu qui a été choisi car correspondant alors à la division d’activité des Assistantes Sociales, il a été conservé alors que le sens plus précis de cette politique abandonnant la psychiatrie asilaire hospitalière, aurait dû être « la Psychiatrie dans la Cité ».
Ainsi le service public de Psychiatrie est remis officiellement à l’honneur en 2014 par la Ministre de la Santé qui annule ainsi le discours démolisseur de Nicolas Sarkozy du 2 décembre 2008 ( celui-ci avait tenté d’effacer d’une phrase 50 ans de psychiatrie de service public, ne parlant que de danger et d’enfermement, ceci avait été concrétisé par la triste loi du 5-7-2011 désignant le malade mental comme un délinquant potentiel à enfermer préventivement avec un traitement sans consentement et sous contrôle familial).
La psychiatrie au lieu d’être centrée sur le judiciaire est ici réinscrite dans le champ médical.
De plus le modèle de la psychiatrie de secteur est promu comme étant la ‘démarche’ qui sera celle de l’ensemble de ce champ, explicitée par le rappel de ses trois principes : « continuité, disponibilité, proximité »
La continuité des soins, ou la capacité des soignants à montrer les liens qu’il est utile de tisser entre les étapes successives des divers soins de la même personne quelle que soit leur durée.
La permanence de la disponibilité des mêmes soignants, garants de la mémoire des soins, ou la mise en place d’une veille prête à toute éventualité dans son évolution au long cours et constituant ainsi une part de prévention et de traitement.
La proximité, ou la nécessité pour les soignants à se situer « prés de chez eux », proche du lieu de vie du patient.
Rappelons que ces trois principes avaient été conçus par un groupe de psychiatres et d’administrateurs lors de l’expérience de la Résistance à la recherche de ce qui, dans le projet de la société solidaire espérée pour l’avenir, allait « accueillir » cette politique de soin, où la présence et le rappel de « l’humain » paraissaient si absents et pourtant si essentiels.
N’est-il pas évident aujourd’hui que dans notre société de plus en plus technique, standardisée ces principes prennent la force de valeurs autour de la dimension humaine de tout soin !