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Par Agnès Dherbeys
Entre les années 1970 et 1980, la Corée du Sud a "exporté" plus d'enfants que n'importe quelle autre nation. Sur les 156 242 orphelins listés entre 1953 et 2004, 15 000 ont été accueillis en France. J'étais l'une d'entre eux. J'ai aujourd'hui 37 ans. Je considère mon adoption comme réussie. J'ai eu une enfance heureuse. Mes parents, Jacqueline et Robert Dherbeys, m'ont chérie et élevée avec beaucoup d'amour dans une petite ville postindustrielle de la Drôme. Nous étions huit Coréennes presque du même âge à avoir été adoptées par des habitants de cette commune. J'étais instinctivement attirée par elles et curieuse, mais je ne me souviens pas que nous ayons jamais discuté de nos origines communes. En 2007, ma mère est décédée d'un cancer généralisé. A ce jour, je ne suis pas encore sûre d'avoir fait mon deuil. Peu après sa mort, mon désir de découvrir la Corée s'est timidement révélé. Auparavant, je craignais sincèrement de blesser mes parents : parfois, les mots ne compensent pas les confusions du cœur, d'autant que la communication n'était pas notre fort. J'imagine que ce manque d'intérêt masquait aussi une peur de l'inconnu, un trac irrationnel d'ébranler les fondements sur lesquels je m'étais construite.