PAR KARINE DURAND le 9 septembre 2023
Cette histoire plus ou moins fictive prétend que « si l'on plonge subitement une grenouille dans de l'eau chaude, elle s'échappe d'un bond ; alors que si on la plonge dans l'eau froide et qu'on porte très progressivement l'eau à ébullition, la grenouille s'engourdit, s'habitue à la température, et s'endort, pour finir ébouillantée ». La fable tirerait son origine des terribles expériences du scientifique allemand Friedrich Goltz en 1869 : afin d'étudier le système nerveux, celui-ci plongeait des grenouilles intactes, et d'autres à qui il avait retiré une partie du cerveau, dans de l'eau chaude pour voir la vitesse à laquelle elles tentaient de s'échapper. Un peu plus tard, l'Institut Johns-Hopkins se livre à des expériences similaires, à quelques différences près, en 1882 : les grenouilles sont plongées dans de l'eau chauffée de manière progressive, avec une température qui augmente de 0,002 °C par seconde. La légende dit que les grenouilles étaient retrouvées mortes sans avoir bougé quelques heures après. Ce constat pourrait presque faire penser à... celui que l'espèce humaine vit en ce moment !
Alors que la réchauffement climatique lié aux émissions de gaz à effet de serre issu des activités humaines est désormais un consensus scientifique, l'humanité, pour sa grande majorité, assiste patiemment à la hausse des températures, d'années en années. Mais ce réchauffement planétaire n'est pas forcément progressif, il s'accélère dangereusement et produit même des phénomènes extrêmes. Sauf que contrairement à la grenouille dans son eau qui chauffe, l'humanité ne peut pas s'échapper de la Terre : elle doit changer le cours des choses. La tâche est immense et complexe, alors l'humanité préfère penser à l'adaptation : elle choisit finalement de vivre dans ce bain bouillant.
Les décisions sont prises après les grandes catastrophes
Ce comportement n'a, au final, rien de nouveau. Si l'on prend l'exemple de la météorologie en France, ce sont les grandes catastrophes qui ont mené à des prises de décision, pour s'adapter et « mieux vivre » avec le danger. Il paraît désormais impensable de vivre dans un monde sans alerte météo : et pourtant, c'est seulement à la suite des deux tempêtes historiques de 1999 responsables de près de 100 morts (précisons que celles-ci n'ont pas de lien avéré avec le changement climatique) que les vigilances jaune, orange et rouge de Météo France ont vu le jour en France. De même, ce n'est qu'après la canicule de 2003, responsable de 15 000 morts en France, que la vigilance canicule a été lancée, tout comme que le « plan canicule » qui vise à protéger les personnes les plus sensibles. Près de 20 ans plus tard, l'été historique de 2022 est à l'origine de 5 000 décès. En 2023, le niveau des nappes phréatiques est anormalement bas pour près de 70 % d'entre elles, et plus de 80 villages du sud de la France sont privés d'eau potable.
Au niveau global, les signaux sont nombreux en 2023 : incendies sans précédent au Canada et en Grèce, surchauffe de la Sibérie en juin dernier et température record dans le océans depuis janvier, entre autres. Mais les catastrophes ne semblent toujours pas assez grandes pour que les différents États du monde s'accordent et prennent des décisions majeures. La crise de la biodiversité, le manque d'eau potable, les pandémies engendrées par la fonte des glaces, et probablement plus encore, les migrations climatiques qui mèneront à des conflits, seront peut-être les déclencheurs d'un saut, non pas en dehors de la casserole, mais d'un saut vers l'action commune en faveur de la Planète. D'ici là, la température continuera de monter, et il faut espérer que l'humanité ne s'endorme pas, comme la grenouille dans son bain chaud.
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