05/12/2019
est professeure de philosophie et de women’s studies à l’université du Michigan. Son travail porte sur les problèmes de philosophie politique contemporaine, notamment les inégalités raciales et les limites éthiques des marchés. En 2017, elle a publié Private Governement (Princeton University Press, 2017, non traduit), une critique philosophique de l’autorité sur les lieux de travail.
Entretien
« Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », cela va sans dire – sauf de 9 à 17 heures, cinq jours par semaine ! La philosophe américaine Elizabeth Anderson jette un regard neuf sur les « gouvernements privés » que forment les entreprises et nous explique pourquoi les employés doivent avoir davantage voix au chapitre.
Le livre d’Elizabeth Anderson, Private Government: How Employers Rule Our Lives (and Why We Don’t Talk About It) – en français Gouvernement privé : comment les employeurs dirigent nos vies (et pourquoi nous n’en parlons pas), paru en 2017 – s’ouvre sur un important paradoxe historique : alors que le libre marché est souvent vu comme une source d’inégalité sociale, certains de ses premiers défenseurs – dont Adam Smith – étaient en réalité de farouches égalitaristes. Ils imaginaient des individus sans maître, travaillant à leur compte, libres de profiter des fruits de leur labeur. Deux siècles plus tard, l’image est très différente : tous les jours, des millions d’employés se soumettent à l’autorité d’employeurs non élus qui n’ont aucun compte à leur rendre – Anderson parle de « gouvernement privé », et un quart des Américains y voient une forme de « dictature ». Au cœur de la société libérale se niche une contradiction, fait-elle remarquer : nous sommes attachés à nos idéaux fondateurs de liberté et d’égalité, que nous nous efforçons de protéger de l’autorité de l’État ; pourtant, nous passons l’essentiel de nos journées à suivre des ordres arbitraires sur lesquels nous n’avons qu’une prise minimale, voire nulle. Comment cette situation s’est-elle instaurée ? Et pourquoi n’en parlons-nous jamais ?
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