blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 21 décembre 2019

Chaque dernier samedi du mois, L (Elle, Lui, L'autre, Liberté, LGBTQIA+), la newsletter Idées de Libération sur le féminisme, le genre et les sexuali


Greta Thunberg
Greta Thunberg face aux puissants: une verte et des pas mûrs
Désignée personnalité de l'année 2019 par le Time, Greta Thunberg n’est pas seulement une militante du climat ralliant à sa cause des millions de supporteurs à travers la planète. Par son engagement, elle bouscule le pouvoir masculin. Dès l’annonce de son sacre en une du magazine américain titré «Le pouvoir de la jeunesse», Trump a réagi d’un tweet empli de mépris: «Tellement ridicule. Greta doit travailler sur son problème de gestion de la colère, puis se faire un bon ciné avec un ami. Détends-toi, Greta, détends-toi.» Quelques jours auparavant, le président d’extrême droite du Brésil, Jair Bolsonaro, avait qualifié de «gamine» celle qui venait de condamner l’assassinat de deux indigènes en Amazonie. Et en septembre, Poutine lui trouvait des airs de «gentille fillette» qui devrait être protégée par ses parents d’excessives émotions.
Pourquoi une jeune fille à nattes suscite-t-elle tant d’agressivité chez les puissants de ce monde, tant de remarques la ramenant à son genre et à sa jeunesse? Figure majeure du «care», la philosophe américaine Carol Gilligan voit dans Trump l’incarnation du patriarcat. «Il n’a pas besoin de se justifier ou de s’excuser, les faits parlent pour lui: c’est lui qui domine, qui a gagné, qui a le pouvoir», décrypte-t-elle dans son dernier livre, Pourquoi le patriarcat?, paru à l’automne chez Flammarion. Pour Gilligan, Trump est «un chef d’Etat au pouvoir enraciné dans le genre». Or la démocratie, précise-t-elle, «n’est pas genrée, elle s’adresse à tous les citoyens». Jeunes et femmes aussi! C’est ce que lui rappelle tous les jours Greta Thunberg. A lui, à Poutine et à Bolsonaro.
 
Cécile Daumas
Photo Laerke Posselt. Vu pour Libération
Catholiques et musulmans: histoires de culte
En France, catholiques et musulmans seraient doublement en quête de sens. Dans une société plus individualisée, moins encadrée par les impératifs religieux, comment les fidèles des deux principales religions du pays vivent-ils et analysent-ils leur propre sexualité? C’est le sujet de la thèse que la sociologue Marion Maudet vient de soutenir en décembre (1). «Par le terme de “quête de sens”, je voulais dire deux choses: d’un côté, ils sont à la recherche d’un plaisir charnel, de l’autre, il veulent donner du sens à leurs pratique», explique l’universitaire. Son travail de recherche interroge à partir de la sexualité le processus de sécularisation de la société française, et les transformations de la pratique de la religion aujourd’hui. «Ce travail doctoral montre l’attention très forte portée à la conjugalité pour ces fidèles, et la prégnance d’un discours réflexif sur leur propre sexualité. Celle-ci est sublimée au sein du couple qui en constitue aussi les frontières.»
Léa Mormin-Chauvac
(1) «Sécularisation, genre et sexualité. Des catholiques et des musulmans en quête de sens (France, années 1970 et 2010)».
Illustration Fanny Michaëlis
Des femmes hautes en colère
L’image a fait le tour du monde. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, se tient debout, doigt levé, face à un Donald Trump menacé de destitution. Peu après cette réunion houleuse, le président américain poste sur Twitter la photo, accompagnée de cette légende: «Elle a totalement craqué à la Maison Blanche aujourd’hui. C’était très triste à voir. Priez pour elle, c’est une personne très dérangée!» Ainsi, la colère de Nancy Pelosi, 79 ans, représentante démocrate des Etats-Unis depuis 1987, ne serait pas causée par un désaccord politique, mais bien par un pétage de plombs, sinon le symptôme d’un mal-être psychologique plus profond. Le procédé est courant. Perçue au mieux comme un manque de maîtrise de soi, souvent preuve d’hystérie, la colère des femmes est signe de leur folie.
Dans le Pouvoir de la colère des femmes,l’essayiste féministe américaine Soraya Chemaly, directrice de mission au Women’s Media Center, revient sur cette disqualification de la colère féminine et ses conséquences psychosociales. Structurellement victimes d’injustice et de discrimination, les femmes ont de nombreuses raisons d’être en colère, et pourtant elles sont fortement incitées à maîtriser leurs émotions. Dissimulée sous le masque de la docilité, la colère systématiquement réprimée se transforme en un «ressentiment sourd, voire une haine de soi». La colère rentrée «ronge nos corps et nos esprits» et nous «freine sur tous les plans», écrit Soraya Chemaly. Comme l’explique l’actrice Adèle Haenel à Mediapart, sa fureur envers son agresseur sexuel s’est transformée à la faveur de son silence en une «colère qui part un peu dans tous les sens, y compris contre soi-même».
Si, chez les garçons, la colère est souvent perçue comme une preuve de vigueur, elle est d’autant moins acceptable chez les filles qu’elle représente la première défense contre l’injustice. La colère des femmes transgresse les normes de genre parce qu’elle est puissante et dangereuse. Loin d’être un obstacle, elle est un moyen de renverser l’ordre des choses, note Chemaly. La colère est une menace: elle porte en elle le germe de l’audace et du changement. La colère, écrivait la théoricienne féministe afro-américaine Audre Lorde, est chargée d’information et d’énergie, pour peu que l’on ne soit pas effrayé par sa charge subversive et son pouvoir destructeur. Correctement exprimée, structurée par l’action collective, elle permettrait, juge Soraya Chemaly, une «remise en cause du confort de l’ordre établi».
L.M-C.
 A lire Le Pouvoir de la colère des femmes, de Soraya Chemaly,
éd. Albin Michel, 340 pp., 21,90 €.
«De l’usage de la colère: la réponse des femmes au racisme» in Sister Outsider. Essais et propos d’Audre Lorde sur la poésie, l’érotisme, le racisme, le sexisme… d’Audre Lorde, éd. Mamamélis (Genève), 2003, 212 pp., 16 €.
Photo Twitter The White House
Le tampon s’affranchit des règles
Pour son neuvième numéro, le magazine Ordinary s’intéresse au tampon hygiénique, un produit né il y a bientôt cent ans aux Etats-Unis. Sous la houlette du directeur artistique Max Siedentopf, la publication a demandé à 20 artistes de plancher sur cet accessoire plutôt timoré en termes de créativité au regard de son histoire taboue. Comme pour les précédents numéros, qui traitaient de la paille en plastique, du rouleau de PQ ou du coton-tige, l’idée est de rendre extraordinaire un objet ordinaire par la magie de la photographie. Et avec le tampon, les photographes s’en sont donné à cœur joie.
Saisissant l’opportunité de la carte blanche, ils ont joué avec ce petit accessoire en forme de doigt, l'imprégnant de substances inattendues comme de l’œuf ou du vin, pour en faire un bouchon, pas très hermétique. Ils l’ont fourré dans une poche à douille ou dans une vulve, en laissant bien dépasser le fil du triangle pubien. Si les images n'échappent pas à la métaphore des fruits pour figurer le sexe féminin, elles évacuent l’incontournable liquide bleu des publicités. La photographe Caroline Fayette imbibe son tampon de sang bien rouge, épais et luisant: un effet visuellement réjouissant, presque alléchant. Lisa Jahovic en explore le potentiel matriciel puisqu’elle transforme le bout de coton en terre féconde où l’on fait pousser des lentilles. Tandis que l’adepte du gif Erma Fiend en fait une mini-fusée qu’un jeune modèle se prend en pleine poire, l’éborgnant au passage.
Une femme utiliserait entre 10 000 et 15 000 tampons en trente ans de règles: difficile d’ignorer que ces engins polluants mettent plusieurs centaines d’années à se dégrader. 
Clémentine Mercier
 A lire Ordinary #9 Tampon, 20 €.
ordinary-magazine.com
Photos Ordinary et Erma Fiend / Ordinary
«The L Word»: retour de femmes
Emotion indescriptible des fans que nous avons été dans les années 2004-2009 de The L Word: la série culte au casting 100% lesbien revient sur Canal+ avec ses principales héroïnes, accompagnées d’une toute nouvelle génération. Depuis le 9 décembre, on peut retrouver, une décennie après leur avoir fait nos adieux, la super classe Bette (Jennifer Beals), la médiatique et loufoque Alice (Leisha Hailey) et la tombeuse Shane (Katherine Moenning) –dont le retour à L.A., après dix ans d’absence, est le prétexte narratif à ces retrouvailles. La nouvelle série nous fait voir à quel point les choses ont changé… ou pas –en sus du plaisir de revoir des personnages auxquels nous étions tous attachés, et je laisse la phrase au masculin, car la série eut de nombreux fans des deux sexes et de toutes sexualités. Je me rappelle en avoir parlé régulièrement avec le regretté Ruwen Ogien, qui adorait, même si, comme moi, il avait des doutes sur les dernières saisons. A la vision des premiers épisodes de The L Word: Generation Q, on comprend à quel point ce retour était nécessaire. La série impose à nouveau le monopole lesbien et, seconde marque de fabrique, le sexe cru: la première scène du premier épisode, avec cunnilingus et sang des règles à l’image, affiche à la fois l’héritage (on est bien dans The L Word) et franchit un pas supplémentaire. Des choses sont montrables aujourd’hui qui ne l’étaient pas en 2009. Il fallait aussi à la série de nouveaux personnages plus diversifiés pour ces nouvelles générations: Finley, Micah (Leo Sheng, un vrai transgenre d’origine chinoise), Sophie, une Dominicaine de New York, etc.: tout le spectre du LGBTQ est représenté. Sandra Laugier, philosophe
 A voir The L Word: Generation Q (8 épisodes). Sur Canal +, les lundis à 22h40.
Photos Showtime Networks Inc
Jouir au doigt et à l’œil
Des doigts, des langues, des vagins, des pénis, des dicklits, des glands, des clitoris, des lèvres... et pas une seule pénétration (péno-vaginale). Dans Jouissance Club, une cartographie du plaisir, on apprend, petits schémas à l’appui, «à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur le sexe sans passer par [cette case]». L’auteure, Jüne Plã, 34 ans, graphiste, tient le compte Instagram Jouissance Club. Ses 308 000 abonnés y apprennent à «trouver les meilleures techniques de doigtage» et «parfaire leur suçage». Le but: jeter définitivement à la corbeille le tristement banal scénario «préli-coït-éjac». Comment? En «imaginant un instant à quoi pourrait ressembler le sexe si la pénétration n’était qu’une option parmi d’autres». Une sexualité basée sur quelques indispensables piliers, parmi lesquels le consentement, la communication, la créativité, les caresses et le respect. Jüne Plã le réclame: «Plus de cunni, plus de prostat sex.» A vos langues et à vos doigts. 
L.M-C.
 A lire Jouissance Club, une cartographie du plaisir, de Jüne Plã,
éd. Marabout, en librairies le 15 janvier, 214 pp., 16,90 €.
Soasig Chamaillard: hack a virgin!
Depuis 2005, la plasticienne nantaise Soasig Chamaillard détourne des Madones du droit chemin –«si tant qu’il y en ait un», sourit-elle. Et leur fait vivre une nouvelle vie, métamorphosées en geisha, Maître Jedi, rockstar ou Super Mario.
Sa première Vierge Marie, dénichée chez Emmaüs par son père, avait un pied un peu cassé. En essayant de la réparer, l’artiste se demande comment elle peut transformer cette figure féminine «un peu parfaite, difficile à avoir chez soi». «Je ne me sentais pas légitime de l’avoir, pas forcément en raison de croyances, mais plutôt à cause de tout ce qu’elle véhicule de l’image de la femme dans la société dans laquelle nous vivons». Ses vierges détournées sont toujours recyclées, pour «passer de l’objet de fabrication en série à l’objet unique artistique». Le travail de Soasig Chamaillard questionne la place de la femme dans la culture, «sa sous-représentation, sa diabolisation. La femme doit être pure, parfaite, mère aimante. Mais elle est aussi la sorcière mystérieuse, l’Autre puisque l’homme est la référence». 
L.M-C.
 A voir Les œuvres de Soasig Chamaillard sont exposées à la galerie Albane, à Nantes. Son dernier catalogue est en vente ici.
Photos Soasig Chamaillard
  • Féminazies, une analyse de la nouvelle insulte antiféministe par le philosophe Paul B. Preciado.
  • L’écrivaine canadienne Margaret Atwood publie les Testaments, la suite de sa célèbre dystopie féministe la Servante écarlate. Portrait.
  • Pour la philosophe américaine Carol Gilligan, théoricienne majeure de l’éthique «care», le patriarcat ne se limite pas à une domination économique et politique, il comporte un aspect psychologique qui consiste en un détachement émotionnel, un manque d’empathie qu’on inculque aux hommes dès l’enfance.
  • Dans l’Instinct paternel, plaidoyer pour des nouveaux pères, la sociologue Christine Castelain-Meunier voit l’avènement d’une génération de plus en plus engagée dans l’éducation.
Et tous les mois dans Libé, un récap de l’actualité vue au prisme des femmes: tous les épisodes sont là. 
Cette newsletter est la vôtre! L vient de sortir, à vous de nous faire parvenir infos, réflexions, pistes et suggestions à l’adresse suivante :
La newsletter féminisme, genre et sexualité de Libération
Par Cécile Daumas, Léa Mormin-Chauvac, Sandra Laugier et Clémentine Mercier
Edition: Bénédicte Mauduech
Conception graphique: Nicolas Valoteau et Nikola Cindric
Photo: Alessandro Zuffi



Aucun commentaire: