Comme le montre une étude publiée par Transcultural Psychiatry, les guérisseurs traditionnels (healers) conservent un rôle important en Afrique du Sud, parmi les patients souffrant d’une problématique psychiatrique.
Dans cette enquête portant sur 254 sujets, près d’un tiers des participants (31 %) ont consulté un tel guérisseur durant l’année écoulée, avec un recours beaucoup plus fréquent chez les sujets Noirs (61 %) que chez les Métis (21 %) et chez les Blancs (17 %), probablement pour des raisons évidentes de continuité dans le crédit culturel porté par les familles des intéressés à ces « soigneurs traditionnels », perçus comme une alternative à la médecine de type « européen » ou « occidental. »
Pas de concurrence avec les médecins
Les femmes (53,15 %) sont un peu plus nombreuses que les hommes (46,85 %) à consulter un guérisseur. Mais le constat sans doute le plus important est la prudence relative affichée par ces « professionnels » alternatifs aux (vrais) médecins : en effet, près de 62 % des guérisseurs s’abstiennent de tout commentaire sur le traitement psychiatrique prescrit à leurs « clients » par des « confrères » (réellement diplômés d’une faculté de médecine). Mieux, près de 30 % des guérisseurs « conseillent la poursuite du traitement préconisé par un médecin. » L’arrêt de ce traitement n’est recommandé par le guérisseur que dans 5,1 % des cas, et cet arrêt est même provisoire dans 1,3 % des cas où le guérisseur conseille « d’arrêter puis de reprendre plus tard » le traitement prescrit par son « concurrent » diplômé.
Il n’y a pas que le critère d’efficacité
Sans surprise, la confiance mise dans les guérisseurs est plus forte chez les patients « avec un moindre niveau d’éducation » qui les consultent plus souvent. Curieusement, même si la plupart (58 %) des personnes s’adressant aux guérisseurs estiment que le traitement prescrit par un médecin s’est révélé « plus utile pour eux que celui du guérisseur », cette même majorité (58 %) a « l’intention de consulter à nouveau » un guérisseur ! Autrement dit, le critère d’efficacité ne paraît pas seul en cause. Peut-être le guérisseur sait-il se montrer plus attentif, plus humain, prendre plus de temps que le médecin, cet atout pouvant alors compenser sa méconnaissance des traitements psychotropes ?
Un bémol toutefois, cette situation que les psychanalystes seraient tentés de présenter comme une relation efficace de « transfert et contre-transfert » va parfois trop loin, puisque 22% des consultant(e)s déclarent « avoir déjà été abusé(e)s par un guérisseur !»
Dr Alain Cohen
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