| 15.08.2018
C’est un appel solennel qu’a souhaité lancer aujourd’hui le collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : face à l’exposition croissante des jeunes à la pornographie, via Internet, la société savante apostrophe les autorités et demande que soit appliquée la loi sur la protection des mineurs.
Il faut dire que les chiffres interpellent : selon une étude Ipsos publiée le 8 juin, un jeune de 14 à 24 ans sur cinq (21 %) dit regarder de la pornographie au moins une fois par semaine (15 % chez les 14-17 ans), 9 % une fois par jour et 5 % plusieurs fois par jour.
En 2017, une enquête Ifop menée chez les 15-17 ans avait pour sa part montré que 63 % des garçons et 37 % des filles de cette tranche d’âge avait déjà sur un site pour y voir des films ou des images (contre 53 et 17 % en 2013). Le Dr Serge Hefez pédo-psychiatre à l'hôpital Pitié-Salpêtrière va plus loin estimant « que la plupart des adolescents ont vu des images pornographiques avant 14 ans. »
Ce visionnage d’images X n’est pas toujours volontaire. Dans l'enquête Ifop, 50 % des sondés disent être tombé dessus sans l’avoir cherché.
Une législation insuffisante
Devant l’ampleur du phénomène, le CNGOF s’étonne de l’absence de législation sur l’accès aux contenus inappropriés pour les enfants. Pour le Pr Israel Nisand, président du CNGOF et fer de lance de la mobilisation actuelle, « les fournisseurs d’accès devraient avoir l’obligation d’empêcher les mineurs de consulter les sites à caractères pornographiques en imposant des codes fournis à partir de la présentation de la preuve de la majorité ou en exigeant une carte bancaire systématique. » Pour ceux qui ne respecteraient pas ces obligations, « il faut les attaquer au porte-monnaie en leur infligeant des pénalités qui ne soient pas symboliques. »
Les médecins inquiets
« Je n’ai rien contre la pornographie en soi, se défend le Pr Nisand, mais les enfants n’ont pas l’appareil critique pour se mettre à distance de ces images souvent violentes, humiliantes pour les femmes et transgressives qui sont pour lui l’expression de la réalité. »
En s’imposant de façon inconsciente comme un modèle chez les jeunes, la pornographie ferait émerger des normes et des pratiques nouvelles. Avec à la clé, « une structuration de la sexualité sur un mode anxieux » pour les adolescents qui veulent s’y conformer, alerte le Dr Marie-Hélène Colson, médecin sexologue à Marseille. Troubles de l’érection, troubles du désir, la sexologue pointe aussi les dégâts potentiels d’une sexualité « complètement décentrée de l’affectivité et de l’émotion. »
La première expérience de pornographie « peut aussi être vécue par certains comme un véritable traumatisme », alerte de son côté le Dr Hefez et en avoir les conséquences, avec notamment l’instauration d’une véritable addiction.
Ainsi, même si les données de la littérature manquent encore pour objectiver et quantifier clairement les conséquences de la pornographie chez les jeunes, gynécologues, sexologues et pédopsychiatre se rejoignent dans leurs inquiétudes et s’accordent sur la nécessité d’agir vite.
Outre l’application de la loi sur la protection des mineurs, le CNGOF milite aussi pour que soit développée une véritable éducation à la sexualité dans les écoles. Prévue par la loi de 2001, celle-ci est loin d’être systématique pour le moment.
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