A Paris, le chef de service de pédopsychiatrie de l’hôpital Robert-Debré tire la sonnette d’alarme. A Amiens, la grève se poursuit depuis juin.
La psychiatrie publique n’en finit pas de craquer. A Paris, Richard Delorme, le chef de service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré, un établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) situé dans le nord-est de la capitale, a adressé le 6 juillet une lettre à la direction de l’établissement pour l’avertir de la situation devenue « critique » pour les personnels mais « plus encore » pour les patients et leurs familles.
Dans ce courrier, dont Le Monde a eu connaissance, le médecin fait valoir que plus d’un tiers (37 %) des effectifs infirmiers de son service sont en arrêt maladie ou en accident du travail, soit 7 personnes sur 19, ce qui entraîne une « désorganisation des plannings » et aggrave « la fatigue des équipes ». Ces derniers mois, celles-ci ont dû faire face à un accroissement du nombre de patients « complexes et violents » et, de ce fait, à une « augmentation significative » du nombre d’agressions (64 signalements en un semestre).
Alors qu’en dix ans le nombre de passages en première consultation d’orientation, dans ce service, a « quasiment quadruplé » (de 600 à 2 300), tout comme celui aux urgences pédiatriques pour motif pédopsychiatrique (de 400 à 1 500), Richard Delorme déplore la pénurie de lits d’hospitalisation en Ile-de-France pour faire face à ces situations urgentes, « l’incapacité, voire le refus de plus en plus fréquent » des services de pédiatrie hospitaliers de prendre en charge des patients pour des indications pédiatriques, ou encore « l’insuffisance » du réseau de consultation psychiatrique dans la région.
Même si les mobilisations ont baissé en intensité au cœur de l’été, des médecins et des soignants continuent un peu partout en France d’alerter sur la dégradation de leurs conditions de travail, comme galvanisés par les succès des grévistes de la faim à l’hôpital du Rouvray, à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), qui ont obtenu le 8 juin la création de 30 postes, puis par celui des grévistes du Havre, qui ont obtenu le 11 juillet la création de 34 postes, après trois semaines de mobilisation.
Tentes plantées devant l’hôpital
« Avant le Rouvray, il y avait un certain marasme, souligne Isabelle Bouligaud, infirmière en psychiatrie et représentante FO à l’hôpital psychiatrique de Saint-Etienne. En obtenant des choses, ils ont montré que ça servait à quelque chose de se mobiliser. »Alors que le CHU de Saint-Etienne a été épinglé fin février par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté pour des traitements « inhumains » à l’égard de patients accueillis aux urgences faute de place en psychiatrie, un collectif (la Psy Cause) a mené ces dernières semaines différentes opérations (die-in, marche funèbre) dans la ville pour réclamer 10 postes supplémentaires de psychiatres, 42 d’infirmiers et 15 d’aides-soignantes. « Mais notre première revendication est déjà de ne pas perdre ce qu’on a », précise Nicolas Moulin, de la CGT.
Mobilisés depuis le 15 juin, des salariés de l’hôpital Philippe-Pinel, à Amiens, ont planté leurs tentes devant l’entrée de l’établissement, après avoir brièvement occupé les locaux de l’agence régionale de santé. Ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail et la fermeture fin juin d’un quatrième service en quatre ans. « Les patients de ce service vont être redéployés dans des unités déjà surchargées », regrette une infirmière et porte-parole du collectif Pinel en lutte.
« On nous dit que c’est pour le virage ambulatoire, mais les centres médico-psychologiques sont surchargés, les délais d’attente sont très longs, les médecins s’en vont… », énumère-t-elle, estimant ne plus avoir les moyens d’exercer son métier « dignement ». Parmi les revendications des grévistes : la création de 60 postes d’infirmiers et médecins, l’ouverture de deux unités avec des moyens spécifiques, la titularisation de tous les emplois précaires…
Dans les hôpitaux psychiatriques parisiens, la colère gronde également. Réunis sous l’appellation de La Psychiatrie parisienne unifiée, les syndicats dénoncent la diminution du nombre de jours de repos liée à la fusion début 2019 des établissements parisiens (Maison-Blanche, Sainte-Anne, Perray-Vaucluse) et annoncent une journée de grève le 6 septembre.
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