Les conséquences de l’exposition in utero aux antidépresseurs ont déjà fait l’objet de nombreux travaux. Ces derniers se sont surtout centrés sur les risques de troubles du spectre autistique chez l’enfant, mais avec des résultats contradictoires. Le British Medical Journalpublie les résultats d’une nouvelle étude qui élargit le domaine de recherche en se consacrant cette fois au lien entre l’exposition in utero aux antidépresseurs et toute pathologie psychiatrique.
Une incidence de pathologies psychiatriques plus élevée chez les enfants
Sur une cohorte de plus de 905 mille enfants nés au Danemark entre 1998 et 2012 et suivis jusqu’en 2014, 32 400 ont fait l’objet d’un diagnostic de pathologie psychiatrique (troubles du spectre autistique, troubles de l’humeur, troubles névrotiques et somatoformes, troubles du comportement et émotionnels, retard mental).
Les enfants étaient catégorisés en 4 groupes selon la situation de la mère avec la prise d’antidépresseurs au cours des 2 ans précédant la grossesse et pendant celle-ci : pas d’exposition, arrêt des antidépresseurs juste avant la grossesse, poursuite des antidépresseurs pendant la grossesse et enfin initiation d’un traitement antidépresseur au cours de la grossesse.
L’incidence cumulée sur 15 ans des pathologies psychiatriques est de 8 % pour les enfants non exposés. Elle est de 11,5 % pour les enfants dont la mère avait arrêté le traitement avant la grossesse, de 13,6 % pour ceux dont la mère a continué son traitement et de 14,5 % pour ceux dont la mère a commencé un traitement pendant sa grossesse.
L’impact de la pathologie maternelle et…du père
Pour les auteurs, l’exposition à un antidépresseur n’est pas seule responsable d’une augmentation du risque de pathologie psychiatrique chez la descendance. Il est possible que la pathologie de la mère joue un rôle notable, par l’intermédiaire d’une sensibilité génétique, du stress environnemental auquel est soumis l’enfant et/ou de la façon dont les parents s’occupent de lui.
Une analyse parallèle montre d’ailleurs que la prise d’antidépresseur par le père pendant la grossesse est elle aussi associée à une augmentation du risque de pathologie psychiatrique chez l’enfant, à un degré moindre toutefois que le traitement de la mère. Le risque de pathologie psychiatrique de l’enfant ne varie pas en revanche selon la classe d’antidépresseur.
Interrompre ou pas le traitement ?
La question se pose alors de la nécessité d’interrompre ou non un traitement anti-dépresseur avant une grossesse. Le risque de pathologie psychiatrique est supérieur de 27 % chez les enfants dont les mères n’ont pas interrompu leur traitement (Hazard Tatio 1,27 ; intervalle de confiance à 95 % 1,17 à 1,38) comparé à ceux dont les mères ont arrêté leur traitement avant la grossesse. En terme de santé publique, cela signifie que 0,5 % de la totalité des pathologies psychiatriques pourraient être évitées si les mères interrompaient leur traitement avant la grossesse, en admettant qu’aucun autre facteur n’intervienne dans l’association.
La décision est donc difficile et les auteurs renvoient aux recommandations de l’Association américaine d’obstétrique et de gynécologie dont les conclusions sont qu’une patiente n’ayant pas présenté de symptômes dépressifs ou seulement des symptômes légers depuis 6 mois peut éventuellement interrompre son traitement en vue d’une grossesse. En revanche, mieux vaut poursuivre le traitement pour les patientes ayant des antécédents de dépression sévère ou de rechutes.
Dr Roseline Péluchon
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