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lundi 9 novembre 2015

Un « effet Dodo » quand on compare les psychothérapies !







« Tout le monde a gagné, tout le monde aura un prix » : ainsi s’exprime le Dodo dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll pour comparer les protagonistes d’une course[1]. Par référence à cette situation où il est impossible de départager des concurrents, on parle d’un « effet Dodo [2] » expliquent trois universitaires exerçant à Louvain et à Gand (Belgique) dans un article sur l’efficacité des psychothérapies.

Toutes les méthodes se valent ou presque

S’il existe « pas moins de 400 méthodes de psychothérapies », les auteurs rappellent que « les différences d’efficacité entre celles ayant été comparées » dans des études contrôlées se révèlent « faibles et non significatives. » Autrement dit, toutes les psychothérapies (comportementales, cognitives, cognitivo-comportementalistes, psychodynamiques, systémiques ou centrées sur la personne) se trouvent dans la même situation que les participants à la course arbitrée par le Dodo : « toutes les psychothérapies pratiquées de bonne foi se valent » en termes d’efficacité, aucune technique ne permettant, comparativement aux autres, d’induire « plus de changements thérapeutiques. »
Nonobstant leur foisonnante diversité, leurs divergences théoriques et les différentes façons de les comparer, les psychothérapies suscitent toujours le même constat : il n’existe pas de différence significative entre elles. Les études contrôlées ne permettent pas de démontrer qu’une thérapie particulière serait plus efficace qu’une autre, « même dans le cadre de troubles spécifiques. » Une interrogation s’impose alors : « comment comprendre que des thérapies si différentes conduisent à un résultat si proche ? »
Les auteurs évoquent trois possibilités principales :
1°) Des thérapies diverses pourraient converger vers des résultats voisins, comme des routes distinctes conduisant en définitive à la même destination, ou des médicaments différents à l’effet très proche.
2°) Certains effets pourraient éventuellement différer d’une thérapie à l’autre, mais sans être décelés par les recherches actuelles pour des raisons méthodologiques : durées des suivis, seuils de discrimination des évaluations cliniques, effectifs des populations étudiées,etc.
3°) Malgré leurs différences, toutes les thérapies pourraient agir sur des « facteurs communs » qui correspondraient aux véritables liens avec un effet curatif.

Ça marche parce que le « client » y croit, entre autre…

Cette hypothèse de « plus petits dénominateurs communs » aux multiples approches des thérapies retient particulièrement l’attention des chercheurs. Par exemple, les attentes du « client » (mot préféré par les auteurs au terme « patient » pour souligner la « démarche active et volontaire » du sujet sollicitant une aide psychothérapeutique) pourraient contribuer à son amélioration : le fait de « croire en l’efficacité de la thérapie où il s’engage, l’effet placebo, la relation de transfert ou d’« alliance thérapeutique », l’empathie éprouvée par le thérapeute à son égard.... tous ces facteurs implicites pourraient se révéler décisifs. Selon les auteurs, « la plus grande part du changement thérapeutique (30 %) » viendrait de ces facteurs communs, une proportion double des parts imputables aux attentes du client au sujet de sa thérapie (15%) et aux effets propres des techniques psychothérapeutiques spécifiques (15 % également).
Il est toutefois difficile d’apprécier objectivement l’efficacité d’une psychothérapie, car cette évaluation peut concerner des critères dont la hiérarchie demeure arbitraire : « réduction des symptômes, amélioration de la capacité à tenir des rôles sociaux et professionnels, qualité de vie, effets secondaires, rapport coût/efficacité, possibilité que la thérapie soit appliquée dans des situations variées et par différentes catégories de professionnels de la santé mentale... » Mais quoi qu’il en soit, le psychothérapeute «compétent et efficace » (pléonasme ?) doit s’avérer, pour les auteurs, un professionnel «flexible, intégrant des éléments de courants différents » et sachant toujours « s’adapter aux particularités et aux besoins de son client. »
[2] Bruce E. Wampold & coll. : A meta-analysis of outcome studies comparing bona fide psychotherapies : Empirically, “all must have prizes”, Psychological Bulletin, 122, 1997a, p. 203-215.

Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCE
Jaeken M et coll. : Qu’est-ce qui détermine l’efficacité d’une psychothérapie ? Brève mise à jour scientifique. Bulletin de psychologie 2015 ; 3 : 237-242.

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