Dans deux rapports, Médecins du monde et le Secours catholique dressent le portrait de la pauvreté en France. Bien qu'étant un droit, les deux associations rappellent que l'accès à la santé reste problématique pour les personnes précaires et démunies. La généralisation du tiers payant et la réduction des déserts médicaux s'imposent comme solutions.
L'état de santé des personnes démunies ou en situation de précarité est fragile. Et cette fragilité est accentuée par leur situation. Un cercle vicieux dont il est difficile de sortir, relève le Secours catholique dans son rapportstatistique 2014 dédié à "La fracture mobilité". Ce constat est aussi fait par Médecins du monde dans son quinzième observatoire de l'accès aux droits et aux soins des plus démunis en France. Plus de la moitié des 98% des patients reçus dans leurs centres vivant en dessous du seuil de pauvreté souffrent d'une pathologie chronique, "potentiellement grave en l'absence de prise en charge". Pour les deux associations, des mesures doivent être prises. Et le tiers payant généralisé proposé dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé apparaît comme l'une des réponses pour améliorer l'accès aux soins.
Plaidoyer pour la généralisation du tiers payant
Médecins du monde note que plus d'un patient sur dix évoque des difficultés financières dans l'accès aux soins. Globalement, elles concernent l'impossibilité d'avancer les frais ou de souscrire à une complémentaire santé. De ce fait, indique l'association, la généralisation du tiers payant constitue "un outil efficace" pour l'accès à la médecine de ville, la lutte contre les retards et le renoncement aux soins. De son côté, le Secours catholique indique que l'accès aux soins est parfois compromis par l'élargissement des déserts médicaux. "Le nombre de médecins de campagne diminue, les praticiens sont peu enclins à ouvrir des cabinets dans des zones dites "sensibles" et nombre d'hôpitaux sont situés maintenant dans des zones excentrées des villes pour des questions de coûts", note l'association. Par conséquent, les personnes en situation de précarité "ne se soignent pas suffisamment en raison du manque de ressources". Et l'éloignement accentue le phénomène. Dans sa partie dédiée à la mobilité, elle constate que dans le domaine de la santé les personnes précaires les plus âgées (de 60 ans et plus) sont ainsi "particulièrement contraintes". Parmi elles, beaucoup sont invalides ou en mauvaise santé et ont donc besoin de se déplacer "mais doivent limiter leurs déplacements pour cette même raison". La généralisation du tiers payant leur permettrait "de consulter plus près de chez elles mais pour se rendre à l'hôpital, c'est plus difficile". Souvent, problèmes de santé et financiers "se cumulent". Le Secours catholique relève également que 77,5% des inactifs (moins de 60 ans) sont aussi contraints de limiter leurs déplacements et ces limitations portent le plus souvent sur la santé. Favoriser des services plus proches constituerait une solution.
Intervenir en milieu rural
En Ille-et-Vilaine, une démarche "unique en France" est mise en place, indique le Secours catholique. Il s'agit du "bouclier rural" qui a pour ambition de garantir à tous les bretons l'accès à toute une gamme de service dont la santé "quel que soit le lieu où ils habitent". Le département a prévu dans ce cadre une enveloppe de 2 millions d'euros. Elle sera notamment destinée en milieu rural à favoriser l'installation des jeunes médecins. En Auvergne, Médecins du monde a ouvert en mai 2013 un dispositif accompagnant les personnes vulnérables en milieu rural. Plus de 300 consultations sociales, plus de 100 consultations de santé et plus de 100 accompagnements physiques y ont été effectués à ce jour.Une loi de Santé insuffisante pour les plus précaires
Parallèlement à son soutien pour la généralisation du tiers payant, Médecins du monde demande l'augmentation du seuil d'attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) "au niveau du seuil de pauvreté" (1 000 euros en 2013 selon les chiffres du Secours catholique). Et ceci dans le but "d'améliorer aux soins des personnes de grande précarité". L'association recommande aussi la fusion de l'aide médicale d'État dans la CMU. Une réforme "pragmatique sur les plans économique et humain puisqu'elle permettrait un accès aux soins précoce et donc moins coûteux, une simplification pour les patients comme pour les professionnels de santé". Une disposition absente du projet de loi de Santé qui "reste en-deçà des enjeux d'accès aux soins et aux droits". En effet, le texte ne "sécurise pas assez" les structures de premier recours comme les centres de santé, les permanences d'accès aux soins de santé... et ceci alors que beaucoup "sont en difficulté voire menacées, alors qu'elles sont essentielles". Elle dénonce aussi le fait que le projet de loi ne prévoit rien sur les dispositifs de prévention pour aller à la rencontre des populations déshéritées et "néglige les efforts nécessaires en matière de médiation et d'interprétariat professionnel".
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