Comment l’effet placebo peut-il intervenir dans le traitement de la dépression ? Une nouvelle étude publiée dans JAMA Psychiatry, le 30 septembre, montre que la sensibilité d’une personne dépressive à l’effet placebo déterminerait sa réponse au traitement par antidépresseurs.
Un placebo est une substance chimiquement inactive administrée comme un vrai traitement. L’effet placebo est le bénéfice tiré par un patient de ce « traitement ». Il fonctionne, entre autres, par le biais d’un système cérébral « antidouleur » appelé le système μ-opioïde. Des molécules aux propriétés analgésiques sont libérées dans certaines zones du cerveau, améliorant l’état du patient. Dans plusieurs pathologies, telles que Parkinson ou la schizophrénie, 40 % des réponses seraient dues à l’effet placebo.
Pour leur étude, les chercheurs de l’université du Michigan ont recruté 35 personnes atteintes de dépression majeure, non traitées. Elles ont été réparties de manière aléatoire en deux groupes. Pendant une semaine, le premier groupe prenait un placebo dit « actif », décrit aux participants comme un antidépresseur à action rapide. L’autre groupe constituait le contrôle en prenant le même placebo mais le sachant « inactif ». La deuxième semaine, les groupes ont permuté.
Avant et après chaque prise d’un traitement placebo, les volontaires ont évalué leur état dépressif avec des échelles de mesures standards. Les résultats ont montré que la prise du placebo « actif » serait associée à une diminution des symptômes dépressifs dans la majorité des cas.
Une tomographie par émission de positrons (PET scan) a été pratiquée après la prise de placebo « actif » pour étudier son effet sur le système μ-opioïde. Une forte libération d’opioïdes a été observée dans les régions du cerveau impliquées dans les émotions et la dépression. Cette réponse était plus forte chez les participants ayant fait état d’une amélioration de leurs symptômes.
« Une preuve objective »
« C’est la première fois que nous obtenons une preuve objective de l’implication de ce système dans la réponse aux placebos et aux antidépresseurs, et la variation dans la réponse est associée à une variation dans le ressenti des symptômes », explique Marta Peciña, première auteure de l’article et professeure assistante de recherche au département de psychiatrie de l’université du Michigan.
Dans la dernière partie de l’étude, un traitement par antidépresseurs a été prescrit aux participants pendant dix semaines. Ceux-ci ont évalué l’évolution de leurs symptômes durant cette période. Les résultats montrent que les personnes répondant le mieux au traitement étaient celles qui répondaient le mieux au placebo « actif », avec 43 % d’amélioration des symptômes à la fin de l’essai clinique.
« Cette partie de l’expérience aurait aussi dû être réalisée en aveugle. Ici, le médecin et le participant savaient quel médicament était donné et quel effet il était supposé avoir. Ce n’est pas forcément le médicament qui agit mais la conviction de son effet », tempère Jean-Jacques Aulas, psychopharmacologue au CHU de Saint-Etienne et spécialiste de l’effet placebo.
Les auteurs de l’étude envisagent pourtant de se servir de l’effet placebo comme un marqueur de la réponse au traitement de la dépression. « Les gens sensibles à l’effet placebo ont statistiquement plus de chances de répondre au traitement », traduit Patrick Lemoine, psychiatre et écrivain. Mais ça ne semble pas réalisable, car « le protocole mis en place par l’équipe est très lourd et onéreux », constate Jean-Jacques Aulas.
Constituant la première étude du genre, « ces travaux aident à mieux comprendre la dépression et le fonctionnement de l’effet placebo, tout en prouvant encore une fois sa grande efficacité », affirment Patrick Lemoine et Jean-Jacques Aulas. Mais pour ce dernier, les résultats restent à confirmer : « Trente-cinq personnes évaluées, c’est peu. Un test statistique sur un faible échantillon a une grande chance de mettre en évidence des différences non représentatives, liées au hasard. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire