Dès le 19ème siècle, Durkheim démontra que « l’affiliation à une religion réduit le risque de suicide » mais le mécanisme précis de cette protection reste inconnu. Or, le The British Journal of Psychiatry vient de publier une étude visant à actualiser les travaux de Durkheim sur ce thème et portant sur une population d’Irlande du Nord (pays caractérisé par « un haut niveau de religiosité et de fréquentation des églises ») de plus de 1 100 000 sujets âgés de 16 à 74 ans (« Catholiques Romains, Protestants ou athées ») suivis pendant 9 ans. Les auteurs voulaient départager deux hypothèses initiales : si le facteur déterminant (de cette protection contre le suicide) consiste surtout dans la fréquentation d’une église, on devrait constater un taux de suicide plus faible chez les Catholiques car ils vont plus souvent à l’église (67 % d’entre eux s’y rendant au moins une fois par semaine, comparativement à 49 % des Chrétiens évangélistes et à 29 % des protestants). En revanche, si le critère principal réside surtout dans la « religiosité » (sensibilité tendant à accorder une importance excessive aux rites et aux traditions), ce risque de suicide sera plutôt minimisé chez les Chrétiens « conservateurs. »
Recensant 1 119 cas de suicide parmi cette cohorte de plus d’un million de personnes, l’étude montre en fait « des risques (de suicide) similaires chez les Catholiques Romains, les Protestants et les athées ». Les données statistiques ne confirment pas une réduction particulière du risque d’autolyse chez les Catholiques, plus enclins à fréquenter une église. Il existe cependant un taux minimal de suicide « chez les Chrétiens conservateurs, comparativement aux Catholiques » et donc aussi aux autres affiliations religieuses : HR= 0,71 (intervalle de confiance à 95 % de 0,52 à 0,97). On observe ainsi des risques de suicide équivalents chez les sujets « avec ou sans affiliation religieuse » et, contrairement à l’hypothèse de Durkheim, il n’est pas rapporté une importance prioritaire de la fréquentation de l’église et du « sens de la communauté » (sentiment d’appartenance à un groupe) comme facteur essentiel de protection contre le suicide.
Toutefois, précisent les auteurs, l’appartenance religieuse constitue une « mauvaise mesure de la religiosité, sauf pour un petit groupe de Chrétiens conservateurs. » De surcroît, il reste envisageable que le faible risque de suicide enregistré chez ces Chrétiens conservateurs soit attribuable à un facteur lié seulement de façon indirecte à la religion (et non directement à leur pratique religieuse), comme un modus vivendi les incitant à adopter des comportements moins risqués (notamment à réduire leur consommation d’alcool).
Dr Alain Cohen
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