02/08/2015
La communication qui est faite auprès du grand public au sujet du poids est marquée par des messages extrêmes : d’un côté il existe un idéal de la minceur, voire de la maigreur qui peut aboutir à des complexes chez des personnes de corpulence normale. A l’inverse, l’obésité est présentée comme une pathologie chronique, mais ce sont souvent des cas d’obésité sévère qui sont pris comme exemples pour illustrer la maladie. Cela pourrait banaliser l’obésité modérée qui finirait par être considérée comme une situation normale.
Pour évaluer la perception de l’image corporelle chez des adolescents, des chercheurs anglais ont analysé les données collectées dans l’enquête Health Survey For England, entre 2005 et 2012, chez 2 668 garçons et 2 311 filles âgés de 13 à 15 ans. Le poids était mesuré à domicile par un investigateur à l’aide d’un pèse personne portatif. Le statut pondéral était défini selon des critères internationaux (International Obesity Taskforce Criteria). La perception corporelle était évaluée par la réponse à la question suivante : « Compte tenu de votre âge et de votre poids, diriez-vous que vous avez un poids normal, trop lourd ou trop léger ? ».
Pas de vrai diktat de la minceur
Dans la catégorie des sujets de corpulence normale, 83 % des adolescents se sont correctement auto-évalués. Seuls 7 % considéraient avoir un excès pondéral et 10 % se trouvaient trop maigres. Des différences sont toutefois notées entre les deux sexes : les filles se perçoivent plus souvent en excès de poids (11 % vs 4 %) et moins fréquemment trop maigres (6 % vs 13 %) comparativement aux garçons.
Parmi les adolescents en surpoids ou obèses, les erreurs sont en revanche plus fréquentes : 32 % des jeunes filles et 47 % des garçons estiment avoir un poids normal ou trop faible. En introduisant l’année de l’évaluation comme covariable dans l’analyse statistique, les chercheurs montrent qu’il n’y a pas eu d’évolution nette des troubles de la perception corporelle entre 2005 et 2012.
Les résultats de cette étude sont donc marqués par une bonne et une mauvaise nouvelle : d’un côté l’idéal minceur, véhiculé par un certain nombre de messages de communication ne semble pas, autant qu’on pourrait le penser, créer un trouble de la perception corporelle laissant croire aux jeunes qu’ils sont tous en surpoids. Il faut toutefois nuancer ces propos : il est possible que certains adolescents soient plus sensibles que d’autres aux messages qu’ils reçoivent créant chez une minorité d’entre eux une dysmorphophobie.
Mais une sous-estimation de la corpulence
Ce qui est plus inquiétant c’est la sous-estimation de la corpulence perçue chez près de la moitié des jeunes garçons et presque un tiers des adolescentes en excès de poids. Le risque pour eux est de laisser s’installer un surpoids puis une obésité sans s’en rendre compte et qu’il sera difficile de faire régresser.
Les raisons du trouble de perception corporelle chez les adolescents en excès pondéral sont difficiles à établir. Comme les auteurs le suggèrent, cela peut être facilité par une communication beaucoup plus centrée sur l’obésité sévère que sur le surpoids et l’obésité de grade I, banalisant ainsi l’excès pondéral moins sévère. Mais on peut aussi émettre d’autres hypothèses. Notamment, le contexte familial pourrait évidemment jouer un rôle majeur : un enfant dont l’entourage présente un excès pondéral a certainement tendance à considérer le surpoids et l’obésité comme une situation normale.
En pratique, il convient, lorsqu’on prend en charge un adolescent de corpulence élevée, d’examiner en premier lieu sa perception corporelle, avant d’entamer toute démarche de conseil auprès de lui et de sa famille.
Dr Boris Hansel
Article rédigé dans le cadre de la rubrique nutrition, soutenue par Lesieur. Le choix des sujets et la ligne éditoriale sont sous l'entière responsabilité du JIM.
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