Incluse par l’OMS au rang des médicaments essentiels[1], la méthadone constitue depuis une cinquantaine d’années un traitement de substitution aux opiacés. Or si ce traitement de la dépendance aux opiacés est bien éprouvé, la plupart des établissements pénitentiaires aux États-Unis refusent à leurs « usagers » toxicomanes qui recevaient ce médicament avant leur incarcération la poursuite de ce protocole thérapeutique en prison. Cet arrêt est parfois progressif, mais le plus souvent brutal, déplorent les auteurs d’une étude récente publiée par The Lancet. Comme on peut le pressentir, cet arrêt du traitement de substitution peut susciter une résurgence des problèmes de sevrage et rend les intéressés « plus sensibles à une rechute de leur toxicomanie après leur libération. »
Réalisée sur une population de 283 prisonniers (142 pouvant poursuivre leur traitement à la méthadone en prison et 141 étant contraints à un arrêt imposé de ce protocole), une étude réalisée dans l’état de Rhode Island (USA) confirme ce phénomène préoccupant. Cette situation semble d’autant plus anormale qu’elle se révèle discriminatoire, puisque d’autres détenus avec de graves maladies chroniques (cancer, diabète, SIDA...) ont l’autorisation de poursuivre ce traitement par la méthadone, s’ils souffrent d’une dépendance aux opiacés, parallèlement à leur affection somatique : deux poids, deux mesures... Les auteurs constatent que les sujets assignés au protocole méthadone sont «deux fois plus nombreux » à poursuivre leur traitement contre la dépendance aux opiacés après leur sortie de prison (Rapport de Risques Corrigé = 2,04 ; intervalle de confiance à 96 % : 1,48–2,80). Le constat de ces évolutions contrastées plaide pour une poursuite du protocole méthadone en prison, d’autant plus qu’il n’existe « aucune différence significative dans la survenue de sérieux effets adverses » (décès, overdoses, hospitalisations) entre les sujets restant sous méthadone en prison, et ceux contraints d’interrompre leur traitement du fait de la détention.
Fort logiquement, les auteurs préconisent donc la « poursuite du traitement par la méthadone durant une incarcération », pour éviter une solution de continuité dans la prise en charge du détenu toxicomane et optimiser les chances d’un « meilleur engagement » de l’intéressé à la poursuite de ce traitement après sa sortie de prison. Cette pérennité de la prise en charge thérapeutique peut elle-même « réduire le nombre de décès par surdose et les comportements à risque. »
[1] http://whqlibdoc.who.int/hq/2005/a87351_fre.pdf?ua=1
Dr Alain Cohen
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