Insultes, violences physiques, attaques à connotation sexuelle, sociale, raciste… Selon l’association e-Enfance, « 10 % des écoliers et des collégiens rencontrent des problèmes de harcèlement, et, pour 6 % d’entre eux, on peut le qualifier de sévère à très sévère ». Le phénomène prend plus d’ampleur avec les smartphones et autres tablettes, comme en témoigne la récente affaire de l’application anonyme Gossip, qui inquiète les syndicats lycéens, le monde enseignant et le ministère de l’éducation nationale.
La prévention du harcèlement scolaire, « cyber » ou non, constitue de fait un enjeu de santé public, ainsi que le rappelle une étude publiée mardi 2 juin dans le British Medical Journal (BMJ). Une équipe de chercheurs dirigée par Lucy Bowes (département de psychologie de l’université d’Oxford) a en effet mis en évidence le lien entre harcèlement à l’adolescence et dépression chez le jeune adulte.
« Une certaine intimidation »
Pour ce faire, elle s’est appuyée sur une étude d’observation longitudinale, menée auprès de 3 898 participants issus de la cohorte britannique Avon. Parmi les 683 adolescents qui avaient rapporté être fréquemment (plus d’une fois par semaine) victimes de harcèlement scolaire à 13 ans, 14,8 % présentaient cinq ans plus tard des symptômes de dépression. Parmi les 1 446 adolescents qui avaient subi « une certaine intimidation » (de un à trois fois sur six mois), 7,1 % étaient déprimés à 18 ans. Des chiffres à comparer aux 5,5 % des 1 769 jeunes de 13 ans à n’avoir subi aucun harcèlement, qui étaient aussi devenus dépressifs.
Conclusion, les enfants harcelés ont jusqu’à trois fois plus de risques d’être dépressifs à l’âge de 18 ans que ceux qui ne l’ont pas été. Jusqu’à 30 % de la dépression à l’âge adulte jeune pourrait être causée par le harcèlement à l’adolescence, expliquent les auteurs. Certes, il s’agit d’une étude observationnelle, tempèrent-ils, mais des actions visant à lutter contre le harcèlement à l’école contribueraient sans doute, selon eux, à réduire le risque de dépression plus tard. Dans tous les cas, le docteur Maria Ttofi (université de Cambridge) appelle à plus de prévention dans ce domaine, que ce soit à l’école, par les parents et les soignants.
« Tellement sensibles à l’image de soi »
« C’est une question que nous devons poser à chaque fois que l’on voit un adolescent ou un enfant en souffrance, explique ainsi le psychiatre Xavier Pommereau, qui dirige le Pôle aquitain de l’adolescent (Centre Jean-Abadie, CHU de Bordeaux). C’est devenu le fléau des temps modernes.
Nous voyons de plus en plus de tentatives de suicide liés au harcèlement. » Les faits divers d’enfants harcelés qui se suicident ont provoqué une prise de conscience.
Selon ce spécialiste, le succès des réseaux sociaux auprès des jeunes amplifie le phénomène du harcèlement. « Ce sont tellement des enfants de l’image, tellement sensibles à l’image de soi, que lorsqu’ils sont attaqués sur leur look, cela peut être encore plus douloureux », ajoute le docteur Pommereau, qui rappelle l’origine du mot « harceler », qui vient de « herser », « herse », à savoir une pointe qui transperce.
Face à cette maltraitance, il ne faut pas se taire, martèlent les spécialistes. Pourtant, « la plupart des victimes – de 41 % à 74 % – rapportent qu’elles ne se sont jamais confiées à leurs professeurs, et 24 % à 51 % de ces adolescents n’ont jamais évoqué ces gestes avec leurs parents. Ils signalaient plus facilement avoir été victimes de violences physiques », constate l’étude publiée dans le BMJ, qui précise que les intimidations les plus courantes sont les injures (36 %), suivi des vols d’objets (23 %).
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