Après avoir essayé de surfer sur l’«esprit du 11 janvier» pour faire passer la loi Macron (qui détricote encore plus le droit du travail), encouragé les enseignants à signaler les élèves récalcitrants à la minute de silence, voilà que notre gouvernement, par la voix de sa secrétaire d’Etat aux droits des femmes, Pascale Boistard, avance la proposition d’interdire le port du voile à l’université. Comment en est-on arrivés à ce que la laïcité et le féminisme se retrouvent, une fois encore (mais ici par le PS), instrumentalisés au profit de politiques discriminatoires ?
Qui seraient les personnes visées par une telle loi ? Des femmes, majeures, musulmanes. Il s’agirait donc de discrimination sexiste. Au nom du féminisme. Pour résumer : les partisans de cette proposition prônent une loi qui viserait finalement à exclure du système éducatif ces femmes qu’ils prétendent vouloir défendre !
Comme le soulignent les universitaires à l’origine d’une lettre ouverte à Mme Boistard, publiée le 8 mars dans Libération(qui a reçu l’appui de plus de 1 800 universitaires à ce jour et à laquelle je me suis associée, en tant qu’universitaire et féministe), cette dernière ne peut ignorer que depuis plus de dix ans, la question du voile «n’a fait qu’instrumentaliser à moindres frais les droits des femmes au profit de politiques racistes, aux relents paternalistes et colonialistes». Ni que la laïcité, c’est l’interdiction du port de signes religieux pour les agents de l’Etat et non pour les citoyens auxquels la loi garantit, par contre, la liberté de culte.
C’est à ce titre que l’exclusion des filles voilées de l’école primaire avait été condamnée par le Conseil d’Etat, lors de la première «affaire du voile» en 1989, comme une forme de discrimination religieuse contraire au principe de laïcité garanti par la Constitution. L’évolution du contexte sociopolitique et la progressive fabrique du «problème musulman» (1) ont rendu possible la remise en cause de cette décision par la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux dans les établissements primaires et secondaires publics. Et l’on assiste, depuis, à une progressive exclusion des femmes portant le foulard de la sphère scolaire et économique (des employées de crèches privées subventionnées, aux mères d’élèves interdites d’accompagner les sorties scolaires par la circulaire Châtel de 2012), au nom d’acceptions toujours plus extensives de la «mission de service public».
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