« Les solutions de déremboursement creusent les inégalités, et j’espère ce que cette mesure ne sera pas prise, » a réagi le Dr Claude Leicher suite à l’annonce de l’avis de la commission de la transparence (CT) de la haute autorité de santé (HAS), qui abaisse le service médical rendu des benzodiazépines hypnotiques, et préconise un remboursement de 15 % contre 65 % actuellement.
Pour le président du syndicat de médecine libérale MG France, « les catégories socioprofessionnelles les plus vulnérables sont les plus touchées par les troubles anxieux, ce n’est pas juste de leur faire payer plus cher leurs médicaments ».
Un vrai problème de santé publique
Claude Leicher est cependant d’accord sur le constat de forte consommation des benzodiazépines en France : « On a un vrai problème, en termes de santé en France, sur l’ensemble des troubles anxieux, de l’insomnie et de la dépression, avec des prévalencessupérieures à celles des autres pays européens. L’insomnie est une des manifestations parmi tant d’autres de ces troubles, quand on interroge le patient, on retrouve l’insomnie comme étant le symptôme d’un état sous jacent qui n’est pas forcément connu du patient. »
Pour le Dr Marie Hélène Certain, secrétaire générale du Collège de la médecine générale, il y a également effectivement surconsommation etmésusage des psychotropes en général, dont les benzodiazépines, « mais il y a aussi de très bonnes indications totalement justifiées. Cette mesure de déremboursement est une fausse bonne mesure, qui tient plus de l’affichage que d’une quelconque efficacité. Elle reporte sur les régimes complémentaires la prise en charge de ces traitements, parfois nécessaires du fait d’une situation pathologique et/ou sociale. » Elle estime également que cette mesure risque d’être contournée par les patients en situation de dépendance.
La généraliste exerçant aux Mureaux insiste aussi sur le fait que « les causes de ces surconsommations sont multiples : dépendances à ces produits, parcours de soins chaotique et non organisé, initiation de traitement lors d’hospitalisation ou de situations aiguës, réalité des souffrances psychiques ou sociales ».
Le casse-tête des alternatives auxbenzodiazépines hypnotiques
Le plan d’action concerté de la HAS, de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et de la direction générale de la santé (DGS) soulève également une autre question : celle des alternatives aux benzodiazépines hypnotiques et molécules apparentées, surtout en médecine de ville.
L’avis publié jeudi met les thérapies cognitivo comportementales (TCC) et le respect des règles hygiéno diététique en première ligne. AnneD’Anton, chef du service Évaluation des médicaments à la HAS, précise que « les patients sous benzodiazépine ne nécessitent pas tous une thérapie cognitivocomportementale qui n’est pas du ressort du médecin généraliste, mais ils peuvent amener les patients à se rendre compte que leurs plaintes ne sont pas forcément liées à l’insomnie et que la réponse à cette plainte n’est pas forcément le médicament. »
Une offre de TCC insuffisante
« L’offre des TCC est peu développée en France, relève Catherine Rumeau-Pichon, directrice adjointe de la direction de l’évaluation médicale, économique et de Santé Publique de la HAS. On doit s’inscrire dans une logique de prise de conscience de l’existence de ces thérapies par les médecins et leurs patients. »
Depuis 2007, la HAS a pris plusieurs mesures dans ce sens, comme la mise à disposition d’outils sur la bonne prescription de benzodiazépines, notamment chez le patient âgé.
Pas de temps de consultation suffisant
Pour le Dr Leicher, les alternatives non pharmacologiques aux benzodiazépines sont difficiles à mettre en œuvre en l’état : « Nous n’avons pas de temps de consultation adapté aux troubles du sommeil. On pourrait passer un peu plus de temps avec nos patients pour étudier de façon plus détaillée ce que l’on peut faire, mais cela nécessite une consultation longue que l’on demande depuis longtemps mais qui nous est refusée par les pouvoirs publics », estime-t-il.
Le plan de réduction de la consommation des benzodiazépines doit encore connaître quelques étapes. L’ANSM va maintenant déployer des mesures visant à restreindre la prescription : on évoque la limitation à 14 jours de la prescription, un conditionnement des benzodiazépines et apparentés en boîte de 7. La HAS a également prévu d’engager une réévaluation des benzodiazépines anxiolytiques au début de l’année 2015.
Damien Coulomb
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