La levée de l'interdiction des soins funéraires pour les défunts porteurs du VIH se dessine lentement. Dans un courrier adressé le 24 mars au Défenseur des droits, la ministre de la santé, Marisol Touraine, a réaffirmé sa volonté de faire évoluer la législation. Une volonté confirmée par son ministère, qui a indiqué vendredi 11 avril que « la levée de cette interdiction est désormais un principe acquis, et [que] la discrimination subie par les familles [de malades] [allait] enfin cesser ».
Cependant, l'arrêté du 20 juillet 1998, à l'origine de l'interdiction, ne sera pas modifié tant que les mesures d'encadrement de la thanatopraxie n'auront pas été renforcées. Pour protéger les professionnels des risques de contamination que peuvent engendrer les coupures ou les projections de sang, il est question de limiter la pratique de l'activité à des lieux prévus à cet effet – alors qu'elle est aujourd'hui notamment autorisée au domicile des défunts – et de mettre l'accent sur les règles d'hygiène universelles.
« Dès lors que ces mesures seront effectives, écrit la ministre dans son courrier du 24 mars, l'interdiction des soins de conservation sur les personnes atteintes d'infection à VIH ou d'hépatites virales sera levée. » Marisol Touraine reconnaît par là que le statut virologique des personnes ne justifie pas l'interdiction des soins funéraires. Le problème porte sur la règlementation de la thanatopraxie de manière générale.
« L'INTERDICTION N'A PAS BEAUCOUP DE SENS »
D'après Théau Brigand, chargé des questions d'accès aux droits à l'association Aides, « tous les rapports ont montré que l'interdiction n'avait pas beaucoup de sens ». Le plus récent d'entre eux, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale de l'administration, a été rendu public début février. La recommandation numéro 3 préconise de « supprimer le VIH et l'hépatite (VHB, VHC) de la liste visée par l'article 2 de l'arrêté du 20 juillet 1998 ».
Si la parution du rapport – rendu public tardivement, un an après avoir été commandé – n'est sans doute pas étrangère à la prise de position de Marisol Touraine, d'autres événements intervenus ces derniers mois expliquent aussi le coup d'accélérateur donné par la ministre, dans un dossier qui piétine depuis plusieurs années.
Il y a quatre mois, une pétition demandant la levée de l'interdiction a été lancée par Jean-Luc Romero, président d'Elus locaux contre le sida. Elle a déjà recueilli plus de 93 000 signatures. En mars, Dominique Baudis, le Défenseur des droits, récemment décédé, avait de son côté transmis une lettre à la ministre, la pressant de prendre en compte les conclusions du rapport. Et dans le même temps, les associations de malades envoyaient le même message à travers leurs actions. La lettre du 24 mars est une réponse claire à tous ces acteurs.
CONCERTATION
Les appels pour lever l'interdiction se sont multipliés ces derniers mois, mais dès 2009, le Conseil national du sida s'était prononcé en ce sens. De même que Xavier Bertrand, en 2012, alors ministre de la santé. Peu après, le Défenseur des droits et le Haut Conseil à la santé publique s'étaient également déclarés favorables à la suppression de l'interdit.
Marisol Touraine s'y était, elle, d'abord opposée, évoquant la complexité du dossier qui ne concerne pas uniquement son ministère mais aussi ceux du travail et de l'intérieur. Deux ans plus tard, sa position a changé. Si le principe d'une levée de l'interdit est aujourd'hui acquis, les moyens de sa mise en place restent à définir, comme l'expliquait le ministère vendredi 11 avril : « Le travail est entamé, et nous allons engager une concertation avec les acteurs concernés pour que les conditions de sécurité soient assurées. »
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