Il a l'éducation et les bonnes manières d'un gentleman. Ce parangon d'élégance, dont la personnalité aimable et la nature chaleureuse séduisent instantanément, s'appelle Pierre Dulaine. C'est un danseur de salon, qui fut quatre fois champion du monde. Né à Jaffa, en 1944, il en est parti à l'âge de quatre ans. Devenu professeur de danse, il a enseigné pendant trente ans aux Etats-Unis, avec une passion égale. Ses « Dancing Classrooms », initiées en 1994, ont accueilli, au fil du temps, un nombre croissant d'élèves issus de tous milieux sociaux. Mais Pierre Dulaine nourrissait, au plus profond de lui, un désir frustré : œuvrer en direction des enfants, issus de sa communauté d'origine.
Ce documentaire d'Hilla Medalia, qui avait déjà traité du conflit israélo-palestinien dans ses précédents films, apporte la preuve que le danseur altruiste ne s'en est pas tenu aux regrets. Il raconte, sur le mode de la chronique, l'évolution d'un projet pédagogique ambitieux que Pierre Dulaine a mis en place avec sa fidèle complice, Yvonne Marceau, cofondatrice de son école à New York : faire danser des enfants juifs et palestiniens ensemble.
DES PORTRAITS TOUCHANTS D’ENFANTS
Il aura fallu, pour concrétiser cette belle utopie, convaincre cinq directeurs d'établissements et des parents d'élèves circonspects. Comparées à celles des apprentis danseurs dont Pierre Dulaine va avoir la charge, les préventions de ces adultes paraissent toutefois bien dérisoires. Les enfants se situent en effet à cet âge difficile où le sexe opposé est cet autre absolu, à la fois source d'embarras, d'attrait et de répulsion. Sans compter sur les différences d'origines qui achèvent de creuser le fossé entre les petits élèves. C'est cet écart culturel, à la fois immatériel mais bien tangible, qu'entend réduire Pierre Dulaine, avec une foi, un enthousiasme et une énergie qui forcent l'admiration.
Le film suit la sélection des écoliers qui seront présentés, à l'issue d'une formation d'une dizaine de mois, à un concours de danse. En dehors de ces sessions, Hilla Medalia s'intéresse à une poignée d'entre eux, dont elle tire des portraits touchants, n'occultant rien de la réalité parfois ardue de leur quotidien.
C'est d'ailleurs l'une des réussites de ce beau film que de se départir d'un certain angélisme, qui forcerait le trait de la « belle histoire ». La pauvreté de certaines familles se dessine en filigrane, de même que les souffrances spécifiques à un âge où le rapport au corps est complexe. Mais les duos finissent par se former, en marge de doutes persistants.
UNE DÉMARCHE HUMANISTE
Reste à résoudre la question épineuse du contact physique avec l'autre. Les enfants vont exprimer, pour la plupart, des réticences à toucher leurs partenaires. Le poids de la culture bien sûr, la pudeur encore s'invitent dans les ateliers, provoquant chez le professeur de vifs moments de découragement.
Il y avait de quoi être anéanti car c'est précisément dans ce rapprochement physique avec l'autre que se loge symboliquement tout le sens du projet. Ces quelques centimètres qui empêchent la proximité des corps matérialisent le hiatus à l'origine de deux cultures irréconciliables. Il faudra là encore s'armer de patience pour que le miracle de la rencontre ait enfin lieu. Pierre Dulaine n'était pas à une chimère près, lui qui parvint à faire danser, en Irlande du Nord, catholiques et protestants.
Acceptation et reconnaissance de l'autre, ouverture et esprit de tolérance forment le socle de la démarche humaniste de Pierre Dulaine qui mise sur les jeunes générations pour sortir de l'ornière du conflit et des guerres de religion, emboîtant le pas à l'avenir. Un pas sûr et élégant.
Film documentaire israélien et américain d’Hilla Medalia avec Pierre Dulaine, Yvonne Marceau, Noor Gabai (1 h 24).
Sur le Web : www.dancinginjaffa.com etprettypictures.fr/catalogue/2013/dancing-in-jaffa-pierre-dulaine-dancing-classrooms-documentaire-film
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