Jean-Baptiste Chastand et Laetitia Clavreul
Alors que le gouvernement veut dégager 10 milliards d’euros d’économies sur l’assurance-maladie d’ici à 2017, pour atteindre les 50 milliards de baisses des dépenses publiques promis, les calculatrices sont de sortie. Et la santé est bel et bien un des principaux gisements d’économies.
Le dossier continuera d’être suivi par Marisol Touraine, seule aux manettes puisqu’aucun secrétaire d’Etat n’a été nommé à la santé. Mais Manuel Valls a un peu précisé la feuille de route, mercredi 9 avril sur BFM TV. « On peut par exemple beaucoup travailler sur la question de la chirurgie ambulatoire, restructurer l’offre de soins hospitaliers », a-t-il indiqué.
Tous les regards se tournent vers l’hôpital. La Fédération hospitalière de France (FHF), qui défend le secteur, a pris les devants. Elle a envoyé un courrier au tout nouveau premier ministre, à la veille de sa déclaration de politique générale, mardi 8 avril : elle y explique comment réaliser 5, voire 7 milliards d’euros d’économies en cinq ans. Des pistes qu’elle publie jeudi.
« EN FINIR AVEC LA LOGIQUE DU RABOT À L’HÔPITAL »
« Il faut en finir avec la logique du rabot à l’hôpital. On ne peut plus presser les établissements comme on l’a fait jusque-là : si on veut vraiment des économies fortes, il faut des réformes audacieuses et réelles », estime Frédéric Valletoux, son président, qui estime que depuis deux ans, le gouvernement s’est montré « frileux ». Et ce, alors que les CHU viennent d’annoncer une aggravation de leur déficit, à 162 millions d’euros en 2013.
En priorité, la FHF juge qu’il faut s’attaquer aux actes et prescriptions inutiles. Pour certaines opérations, tels les césariennes programmées ou le syndrome du canal carpien, les abus sont connus. Plus de transparence sur la disparité des pratiques pourrait être efficace, et sinon des sanctions. De quoi économiser « à court terme et de façon durable » 2 milliards d’euros. La FHF propose aussi de conditionner les autorisations d’activité et d’équipement (en radiologie par exemple) à la participation à la permanence des soins (gardes). Ce qui limiterait le nombre de candidats à l’exercice libéral, et donc le nombre d’actes.
Elle prévoit 1 milliard d’économies grâce à des renégociations des accords locaux de réduction du temps de travail, et réclame une simplification des procédures « bureaucratiques », qui permettrait une réduction de moitié des emplois dans les agences régionales de santé. A cela s’ajouteraient des économies réalisées grâce à des coopérations entre établissements, privés et publics, pour mutualiser les blocs opératoires ou les laboratoires. Exemple, les CHU et les centres de lutte contre le cancer, souvent voisins. Elle prône aussi la fermeture de petits blocs opératoires. La droite en avait listé 110, avant d’abandonner. Projet non repris par la gauche. Sujet tabou.
Autre poste d’économies, celles qui pourraient être réalisées grâce au développement de la chirurgie ambulatoire, qui consiste à entrer à l’hôpital le matin, s’y faire opérer et en ressortir le soir. Mais les estimations divergent. La FHF ne les évalue qu’à 550 millions, quand la Cour des comptes avance… 5 milliards.
L’OFFENSIVE DU MEDEF
Le cabinet de conseil Kurt Salmon évoque 1,4 milliard. Lui aussi a fait des évaluations, et estime qu’il est possible de dégager 2 à 3 milliards en fermant 200 petits hôpitaux, 1 milliard en fusionnant des CHU parfois distants de moins de 100 km ou 600 à 700 millions avec des médecins généralistes moins nombreux et mieux payés, comme outre-Manche.
Comme la FHF, le Medef est passé à l’offensive. Sans rien avancer qui pourrait affecter les laboratoires pharmaceutiques, il a proposé mercredi 15 à 20 milliards d’économies en rééquilibrant les soins entre la ville et l’hôpital (plus coûteux), en imposant le même traitement financier au public qu’au privé, en réduisant le nombre de lits à l’hôpital, ou en engageant une réforme du réseau des 22 000 pharmacies (trop nombreuses). Il va jusqu’à estimer que 25 à 30 milliards pourraient être gagnés avec une nouvelle architecture de financement du système, qui donnerait plus de place aux complémentaires et surcomplémentaires.
Le 2 avril, une note du Conseil d’analyse économique avait pour sa part remis en cause le « coûteux » système d’assurance-maladie mixte – et ses feuilles de soins traitées deux fois –, dont les frais de gestion s’élèvent à 7,2 milliards d’euros pour la partie obligatoire et à 6,2 pour les complémentaires. Elle plaidait pour un système unifié.
A tout additionner, c’est bien plus que 10 milliards d’économies qui sont là suggérés. Mais peu d’idées sont faciles à porter politiquement. Jusque-là, le gouvernement semblait s’orienter vers des recettes classiques, comme des taxes, des gels de crédit aux hôpitaux, des baisses de prix des médicaments, une hausse de la prescription des génériques, etc. Le suspense sera bientôt levé.
- Nouvelle baisse des dépenses de médicaments
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