05/02/14
LE FAIT
La loi HPST a voulu lui retirer tout droit de regard sur l'hôpital. L'échec est patent. Quasiment tous les conseils de surveillance restent présidés par le maire. À moins de deux mois du 1er tour des municipales, l'élu local s'affirme en point d'équilibre contre toute fracture sanitaire et en pivot du futur service public territorial de santé.
L'ENQUÊTE
Quatre ans et demi après la parution officielle de la loi HPST au Journal officiel (JO), le 21 juillet 2009, et alors que la campagne électorale pour les prochaines municipales (23-30 mars) bat son plein, l'élu local a-t-il encore toute sa place dans l'organigramme hospitalier ? Est-il un frein ou un catalyseur à la reconfiguration de l'offre de soins ? Une chose est sûre, en basculant du Conseil d'administration (CA) au Conseil de surveillance (CS), en ne réservant plus la présidence de ce CS au maire ou à l'un de ses adjoints, la loi HPST a clairement tenté de le marginaliser au titre du directeur seul patron dans son hôpital. Mais "tenté" ne veux pas dire "réussi".
L'élu local préside aujourd'hui systématiquement le CS si ce n'est ces exceptions qui se comptent sur les doigts d'une main : le CHU de Clermont-Ferrand (Pr Annie Veyre, personnalité qualifiée), le CHI de Poissy-Saint-Germain (Laetitia Laude-Alis, personnalité qualifiée), le CH de Brie-Comte-Robert (Dominique Lecuyer, usager)... Après deux ans de présidence Raoul Briet (personnalité qualifiée), l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) est ainsi revenue dans le "droit" chemin politique avec le retour mi-2012 du député Jean-Marie Le Guen, président sortant du CA battu en juin 2010. Quitte à s'offrir quelques libertés avec les textes réglementaires qui imposent désormais un vote, la candidate UMP à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet, soutient même d'ores et déjà qu'en cas de victoire elle exercera "personnellement" la présidence du CS de l'AP-HP.
"La loi HPST n'a pas changé grand chose"
Pas de Grand soir donc, la présidence du CS reste bien le pré-carré de l'élu local, les directeurs d'hôpital en conviennent. "La loi HPST n'a pas changé grand chose, ce n'était peut-être pas la peine de faire tout un toutim vu les résultats", commente Michel Rosenblatt, secrétaire général du Syncass-CFDT. "Un hôpital qui s'épanouit est un hôpital dans la cité, dans toutes ses acceptions. Et donc le maire qui représente les citoyens de la ville n'est pas le plus mal placé pour avoir un sentiment là-dessus. Il demeure un point de repère important. Je ne suis pas favorable au fait de l'écarter d'un regard sur le destin d'un établissement public aussi prépondérant", acquiesce tout autant Christophe Gautier, président du SMPS.
Secrétaire général du CH-FO, Christian Gatard, lui-même maire de Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), jure qu'"il ne peut y avoir de démocratie sanitaire sans accorder une place privilégiée aux élus. À l'aube de la mise en place d'un Service public territorial de santé (SPTS), au gouvernement de se poser la question pour savoir comment les associer." Certes, l'éviction d'un maire de la présidence du CS n'est pas chose aisée, d'où certainement ce poids encore écrasant : "Cela ne se passe pas toujours bien de remplacer le maire qui était président du CA depuis plus de 30 ans, surtout qu'il reste tout de même au CS en tant que membre de droit", confie Dominique Lecuyer, "l'exception" usager. Mais d'assurer toutefois que plus d'un hospitalier de Brie-Comte-Robert s'est montré "ravi" que la présidence du CS n'échoit plus à un politique.
Certains directeurs poussés vers la sortie
Quant au rôle de l'élu lui-même, quel est-il ? En quoi peut-il encore espérer influer sur la vie de "son" hôpital quand celui-ci est désormais placé sous le pilotage direct de l'ARS ? En bien ou en mal parfois, le maire au rôle certes plus symbolique reste encore prépondérant, jusqu'à pousser parfois dehors un directeur. Dernier exemple en date, la mise à disposition "forcée" en janvier de la directrice de l'Ehpad de Saint-Venant (Pas-de-Calais), démarche soutenue par l'ARS Nord-Pas-de-Calais pour lui permettre de "sortir plus rapidement" du conflit qui l'a opposé au maire. À Paris, le sort réservé à l'ancienne directrice générale de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), Mireille Faugère, évincé cet automne pour ne pas avoir collé à la ligne politique municipale sur le sort de l'Hôtel-Dieu, l'illustre également.
À Clermont-Ferrand, les relations entre le maire et le CHU sur le devenir patrimonial de l'Hôtel-Dieu sont, elles aussi, conflictuelles, à coup de modifications des règles d'urbanisme pour contrecarrer les projets hospitaliers. "L'esprit de chapelle" a peut-être évolué, comme le soutient Christian Gatard, mais il a tôt fait parfois de revenir au galop. "Certains élus sont interventionnistes, d'autres laissent la main, ce n'est ni lié à la couleur politique ni à la taille de l'établissement, souligne Michel Rosenblatt. Et dans les coopérations, ce n'est pas forcément les hôpitaux dont les présidents sont du même bord politique qui collaborent le mieux. On trouve des UMP alliés à des PC ou des PS sans le moindre problème !".
"Nous apportons aux directeurs le terrain"
Qu'en disent les premiers concernés ? Là le message est franchement positif : "S'il est convaincu du bien-fondé d'une démarche de regroupement, de fermeture ou de coopération public-privé, l'élu jette par nature des passerelles en se concentrant sur l'intérêt général", soutient Frédéric Valletoux, président de la FHF mais aussi maire de Fontainebleau (Seine-et-Marne). "Modérateur", "point d'équilibre", "pivot"... Des mots qui reviennent dans la bouche de Rémi Pauvros, président de la FHF Nord-Pas-de-Calais et député-maire de Maubeuge (Nord).
"Notre place est dans les instances hospitalières. Les directeurs ont besoin de travailler avec nous car nous leur apportons le terrain. L'hôpital ça parle aux gens et c'est de l'emploi, ajoute Jean-Pierre Bouquet, maire de Vitry-le-François (Marne) en charge de la santé pour l'Association des maires de France (AMF). Après, tout dépend de la manière dont on conçoit son rôle. C'est une question d'homme. On ne m'empêchera pas de parler. Si on me présente un ordre du jour au CS qui ne me convient pas, je ne le signe pas. Si je veux inscrire un point, je le fais. Pas question de nous faire jouer le mauvais rôle. Si l'ARS prend une décision à laquelle je m'oppose, il ne faut pas qu'elle compte sur moi pour faire le service après-vente !". Un poids politique voire médiatique qui peut s'avérer une aubaine pour certains hôpitaux, ceux qui ont la chance d'avoir un élu au carnet d'adresses fourni. En revanche, droite ou gauche, réélection ou changement d'édile, le poids électoral n'aura aucune incidence sur l'hôpital, note plus d'un hospitalier.
Thomas Quéguiner
La mairie et le CH de Saint-Quentin signent une charte
Le directeur du CH de Saint-Quentin (Aisne), François Gauthiez, et le maire, Xavier Bertrand, signent ce 6 février une charte mairie-hôpital dans laquelle ils s'engagent "à mettre en commun leurs compétences respectives et réciproques pour proposer aux patients et à leurs proches un accès, un accueil, un séjour et une sortie de qualité". Une "première charte de ce genre signée en France", indique l'hôpital dans un communiqué, qui porte entre autres sur la sécurité aux abords de l'établissement, le mariage in extremis, le logement pour les parents d'enfants hospitalisés ou encore le plan de déneigement. La charte fait partie notamment de la réflexion sur le décloisonnement en interne et en externe du réseau ville-hôpital qui permet de "pérenniser la démocratie sanitaire".G.T.
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