Chaque année, 90 000 personnes âgées meurent dans une maison de retraite médicalisée (Ehpad). Mais dans quelles conditions ? L'Observatoire de la fin de vie a mené une étude inédite sur la question. Soulagement de la douleur, présence des proches, etc., globalement l'accompagnement n'a rien de catastrophique. Mais il en ressort qu'il reste"très inégal", lors de ces derniers jours marqués par des symptômes d'inconfort et une fragilité psychologique.
Des inégalités fortes, selon le lieu d'accueil de la personne âgée, mais aussi selon les régions. La mort d'un résident, pourtant, les Ehpad y sont confrontés fréquemment : en moyenne 20 fois par an, soit près de deux fois par mois. Pour cette étude, 53 % des établissements ont accepté de répondre, soit 3 705 Ehpad, qui ont enregistré plus de 70 000 décès en 2012. En outre, des données détaillées sur les quinze derniers jours de plus de 15 000 résidents décédés en 2013 ont été analysées.
Première inégalité, 25 % des Ehpad n'ont pas de lien avec une équipe de soins palliatifs – ni avec une équipe mobile, ni avec un réseau, ni avec une unité dans un hôpital. Et seuls 8 % font appel à des équipes d'hospitalisation à domicile dans les situations de fin de vie, ce qui permet pourtant un renforcement des soins.
"INCONFORT PHYSIQUE"
Dans 29 % des établissements, les patients en fin de vie ne disposent pas systématiquement d'une chambre individuelle. Dans 5 %, une telle possibilité n'existe même pas. Surtout, seuls 14 % de Ehpad disposent de personnel infirmier la nuit (22 % des établissements publics, 4 % des structures privées). Et dans 75 % de ces cas, aucune astreinte téléphonique n'est mise en place pour joindre un infirmier si la situation se complique.
Pourtant, lorsqu'un établissement dispose d'un infirmier la nuit, relève l'Observatoire, seuls 15,7 % des résidents sont hospitalisés en urgence au cours de leurs quinze derniers jours de vie, contre 24,9 % dans le cas contraire, soit une baisse de 37 % du taux d'hospitalisation. Des passages à l'hôpital connus pour être souvent traumatisants, et parfois inutiles. La présence nocturne d'un infirmier permet aussi de faire baisser de 32 % la proportion des résidents qui décèdent à l'hôpital – c'est le cas de 25 % des personnes âgées domiciliées en Ehpad.
Enfin, au cours des deux dernières semaines de vie, 54,3 % des résidents ont reçu des antalgiques de niveau 3, du type morphine, pour soulager leurs douleurs, et 60 % quand une équipe de soins palliatifs intervient dans l'Ehpad. En outre, un quart des résidents sont "dans un réel inconfort physique au cours de leur dernière semaine de vie" : 18 % en Lorraine, mais 28 % dans le Limousin.
INÉGALITÉS RÉGIONALES
Les inégalités régionales dans la prise en charge se font parfois plus flagrantes. Ainsi, en Picardie, seulement 27 % des résidents ont bénéficié d'une décision de limitation ou d'arrêt des traitements, ce que permet la loi Leonetti sur la fin de vie. En Franche-Comté, ils étaient 47 % et 50 % en Basse-Normandie.
Autre disparité, l'entourage est présent la dernière semaine dans 65 % des cas dans le Limousin, et dans 82 % dans les Pays-de-la-Loire. Or la possibilité qu'ont les établissements de proposer d'héberger les familles entre en ligne de compte. Il y a là de quoi s'interroger. Globalement, ce sont 37,6 % des résidents des Ehpad qui décèdent à l'hôpital en Picardie, et seulement 20,2 % en Bretagne. Fort de ces résultats, l'Observatoire de la fin de vie publie une synthèse région par région, accompagnée des moyennes nationales.
En 2012, la mission Sicard sur la fin de vie, qui avait recueilli les aspirations des Français en organisant des débats dans plusieurs grandes villes, s'était montrée sévère sur l'accompagnement des décès en Ehpad. Son rapport constatait que les lieux qui s'étaient organisés avec des équipes mobiles de soins palliatifs ou d'hospitalisation à domicile restaient encore "bien minoritaires", ce qui expliquait, en cas de problème, les transferts nocturnes "dans l'hôpital le plus proche, particulièrement le week-end et pendant les vacances". Et jugeait que "l'Ehpad, qui ne reçoit pourtant que des personnes très âgées", était victime "de la culture ambiante qui place l'accueil de la mort en queue de toutes les préoccupations sociétales".
L'Observatoire se fait plus positif dans son constat, jugeant qu'avec un peu de moyens, la situation pourrait s'améliorer, notamment en recourant aux infirmières la nuit. Une question de "volonté politique", conclut-il.
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