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samedi 14 septembre 2013

Des cours de théâtre pour les futurs médecins de Montpellier

LE MONDE | Par 
| Alan Cleaver/CC BY 2.0
High-tech, protocole, gestion des risques ou biomarqueurs sont les mots de la médecine moderne. Le doyen de la faculté de médecine de Montpellier, Jacques Bringer, les prononce avec une certaine inquiétude :"Nous ne pouvons pas ne pas voir le risque que nous prenons. Des étudiants compétents, experts sur les technologies, mais qui ne sont plus familiarisés avec les autres marqueurs : la présence, le niveau de la voix, le choix des mots."
Autrement dit, la formation des médecins à la relation humaine peut se perdre dans le caractère de plus en plus technique de la médecine. Alors, pour réintroduire cette dimension, l'université de Montpellier a choisi cette année une voie originale : l'introduction, dans le cursus de 4e année, de cours de théâtre. "C'est l'année où les étudiants sont déjà en stage hospitalier, mais sans avoir encore la responsabilité des annonces faites aux malades ou aux familles", explique le professeur Marc Ychou, cancérologue montpelliérain à l'origine de ce projet. Deux ans plus tard, au moment de l'internat, ils seront confrontés aux situations d'annonce.

"Il y a vraiment un travail à faire, poursuit le professeur Henri Pujol, cancérologue qui a beaucoup fait pour redonner la parole aux malades en France. Il y a des médecins qui annoncent au patient qu'il a un cancer... en gardant les yeux fixés sur le scanner. Ce n'est pas possible." Les réflexions ne sont pas nouvelles et ont déjà donné lieu à des initiatives. En 2006, M. Ychou créait à Montpellier avec le metteur en scène Serge Ouaknine un premier programme d'expérience théâtrale pour des cancérologues.
Devant les retours enthousiastes des médecins, M. Ychou a proposé à M. Ouaknine d'aller plus loin, en intégrant ce type d'approche au cursus initial. L'université de médecine a alors mis dans la boucle l'Ecole nationale supérieure d'art dramatique de Montpellier. "Théâtre et médecine se sont toujours côtoyés au long de l'histoire, explique M. Ouaknine. Regardez Molière ironisant sur le verbiage de la médecine. Il avait compris que le débordement de vocabulaire latin compensait une perte de savoir médical. D'une certaine manière, quand la médecine déborde sur le langage, c'est qu'elle est pauvre d'avancées scientifiques."Aujourd'hui, la situation serait donc l'inverse : une médecine riche d'avancées scientifiques, dans laquelle il faut réinjecter des éléments de langage.
FORMATION OBLIGATOIRE
Et le théâtre semble bienvenu pour y parvenir, lui qui est l'art "de rendre publique une intimité, poursuit le metteur en scène. L'acteur, comme le médecin, doit être à la fois dans l'empathie et la distance, dedans et dehors". Dans le cadre du module de cancérologie, les étudiants vont être répartis dans des petits groupes et travailler pendant une semaine avec le metteur en scène et des acteurs sur une période rapprochée de quatre demi-journées de quatre heures chacune. Quelque 240 étudiants (160 sur Montpellier et 80 sur Nîmes) vont bénéficier de cette formation obligatoire, qui démarre mi-octobre.
L'Ecole d'art dramatique a formé quatre acteurs pour ce module. "On ne demande pas au cancérologue de jouer un rôle, mais de travailler sur la mise en situation, en espace", précise Richard Mitou, directeur de l'établissement.

De quoi sensibiliser les étudiants à l'attitude et aux mots choisis, à la qualité de la présence, aux gestes et regards, au timbre de la voix ou à la distance des corps : tous ces éléments auxquels le malade s'accroche pour déchiffrer ce qu'on lui dit ou ce qu'on ne lui dit pas.

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