10/09/2013
Faut-il poursuivre en justice deux médecins filmés à leur insu alors qu’ils acceptaient de pratiquer un avortement au motif que le sexe de l’enfant était féminin ? La réponse oppose en Grande-Bretagne le parquet et le ministère de la Santé. Le ministre Jeremy Hunt demande en effet des« clarifications urgentes » au premier pour avoir décidé de ne pas poursuivre ces deux médecins « dans l’intérêt du public » alors que, de l’aveu même du parquet, « suffisamment de preuves » sont réunies au terme d’une enquête de 19 mois. Ces avortements sélectifs sont « hors la loi et totalement inacceptables », a rappelé Jeremy Hunt.
Les agissements des médecins ont été révélés dans les colonnes duDaily Telegraph qui mène depuis 2012 un travail d’investigation sur la pratique des avortements sélectifs dans les communautés immigrées en Grande-Bretagne. Le quotidien conservateur a muni d’une caméra cachée quatre femmes enceintes d’origine ethniques différentes et les a envoyées dans neuf cliniques du Royaume-Uni pour demander un avortement, en raison du sexe de l’enfant. La majorité des médecins ont refusé, mais deux ont accepté.
« C’est une forme d’infanticide féminin »,a d’abord objecté un médecin de Birmingham (le Dr Palaniappan Rajmohan) avant de proposer d’inscrire comme raison de l’intervention« trop jeune pour être mère » (voir la vidéo). À Manchester, une seconde professionnelle (le Dr Prabha Sivaraman) a répondu à sa patiente : « Si vous voulez un avortement, vous voulez un avortement, voilà tout. » Et d’affirmer que son métier n’était pas de poser des questions.À l’Ordre de trancher ?
Une enquête de police a alors été ouverte. Aucun avortement n’a finalement été pratiqué. Le parquet a préféré s’en remettre au conseil de l’Ordre des médecins (General Medical Council). « En prenant en compte la nécessité d’avoir un jugement professionnel sur les actes répréhensibles, et pour ne pas dissuader des médecins de pratiquer des avortements légitimes (...) nous avons conclu que ces cas spécifiques seraient mieux gérés par le conseil de l’Ordre plutôt que par la justice », a expliqué le parquet. Le conseil de l’Ordre indique avoir demandé au parquet de lui « transmettre les preuves réunies dans cette affaire ». Il a annoncé qu’il reprendrait l’examen du cas de ces médecins. Mais l’Ordre n’a pas de compétence en matière de criminalité.
Près de 190 000 avortements sont pratiqués chaque année en Angleterre et au Pays-de-Galle. En 2007, une étude de l’Université d’Oxford révélait que les mères d’origine indienne qui accouchaient en Grande-Bretagne affichaient à partir de leur 3e enfant un ratio garçon fille déséquilibré (113 garçons nés pour 100 filles pour les naissances survenues entre 1990 et 2005, contre 105 garçons pour 100 filles en moyenne). « L’explication la plus plausible, comme en Inde ou en Chine, est que l’identification prénatale du sexe et les avortements sur les fœtus de sexe féminin qui en découlent, sont en augmentation », concluait l’étude.
› COLINE GARRÉ
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