Santé mentale-Droits humains
La situation alarmante requiert d'urgence
«La situation alarmante de la santé mentale au Maroc exige une intervention forte, l'adoption de mesures urgentes et l'instauration d'une nouvelle politique»
La situation inquiétante de la santé mentale au Maroc renvoie à l'impérieuse nécessité d'initier, à court et à moyen terme, une intervention forte, vigilante et minutieuse, de mettre en place des mesures urgentes et d'instaurer une nouvelle politique intégrée et claire en la matière, a prévenu un rapport préliminaire du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) intitulé «santé mentale et droits de l'Homme : la situation des établissements hospitaliers chargés de la prévention et du traitement des maladies mentales».
Présenté mardi à Rabat lors d'une conférence de presse, ce rapport a, par ailleurs, indiqué que la santé mentale n'occupe pas la place qui lui sied au niveau des politiques publiques, ce qui a débouché sur une situation lamentable traduisant notamment la désuétude de l'arsenal juridique, sa non conformité, le manque des infrastructures et leur inadéquation au vu des standards de la répartition géographique, de l'architecture, des équipements mais aussi des normes de sécurité et de surveillance, outre l'insuffisance relevée en terme du personnel spécialisé et l'absence des spécialités nécessaires en psychiatrie.
Les visites effectuées par le CNDH du 27 mars au 6 juillet 2012 à 20 établissements hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques, ont fait état d'anomalies se rapportant essentiellement à la qualité des prestations médicales et non médicales fournies aux patients, aux conditions d'hospitalisation et à l'absence d'une prise en charge spéciale aux franges des enfants, des mineurs, des personnes âgées et des délinquants. Le rapport a, en outre, relevé l'exclusion de l'approche «genre» dans la totalité des cas ainsi que la carence de la justice à remplir pleinement son rôle de veille au respect des droits des malades mentaux.
Quant aux mesures urgentes recommandées, le rapport préconise de renoncer officiellement et administrativement à la mise en place des sept hôpitaux régionaux antérieurement programmés, et de réaffecter le budget alloué et le personnel mobilisé à cet effet au renforcement des moyens des établissements existants. Il recommande également de résoudre le problème du pavillon des femmes à l'hôpital de Tétouan, de constituer une commission mixte pour diagnostiquer le cas de l'hôpital de Berrechid, de restaurer les édifices en état de délabrement ou menaçant ruine (Meknès, Safi et Khouribga) et de mettre en place, pour les opérations de construction et de restauration, des critères minimaux prenant en compte les spécificités de ces structures.
Le rapport a, également, prôné, dans le cadre d'un processus participatif, de procéder à la refonte de la loi du 30 avril 1959 relative à la prévention des maladies mentales et à la protection et au traitement des malades mentaux, en harmonie avec les normes internationales en la matière et de manière adaptée aux nouvelles réalités de ce type de maladies au Maroc. Il y a lieu aussi, selon le rapport, de réviser le cadre légal relatif à la sécurité sociale, aux assurances-maladies et à l'ouverture des cliniques privées. Il recommande, d'autre part, d'adopter un statut adéquat régissant l'exercice du métier d'infirmier spécialisé en psychiatrie.
Le CNDH a, par ailleurs, appelé, via ce rapport, à adopter d'urgence une politique publique de santé mentale distincte, intégrée et claire dans ses objectifs et dans ses moyens octroyés, et ce, en se référant à un débat public et à une concertation incluant l'ensemble des parties concernées avec le concours de l'expertise nationale et internationale en la matière.
Ladite politique se doit, selon la même source, d'encourager la formation en psychiatrie et en pédopsychiatrie, de porter davantage d'intérêt à la psychiatrie infanto juvénile, d'intégrer l'approche «genre» de manière transversale dans la loi et dans les politiques relatives à la santé mentale et de commémorer annuellement une journée nationale de la santé mentale.
Le Maroc dispose, conformément au rapport, de 1725 lits, en repli continu, répartis sur 27 établissements publics spécialisés dans le traitement des maladies mentales (16 hôpitaux généraux disposant d'un service psychiatrique, 6 hôpitaux psychiatriques spécialisés et 3 hôpitaux psychiatriques relevant de centres hospitaliers universitaires (CHU), un service psychiatrique adulte et un service de pédopsychiatrie dépendant du CHU Ibn Rochd). Le secteur public compte 172 psychiatres et 740 infirmiers spécialisés en psychiatrie alors que 131 psychiatres exercent dans le secteur privé. Notoirement insuffisant, cet effectif est loin de répondre aux normes universellement établies et reconnues en la matière, relève le document, qui déplore une répartition de 54% des psychiatres sur le seul axe Rabat-Casablanca.
Il est à noter que le rapport établi par le CNDH a, pour but, de mettre en évidence les liens substantiels qui lient la santé mentale et les droits de l'Homme dans leur globalité, d'attirer l'attention sur la causalité entre la santé mentale et le bien-être physique, de sensibiliser la société au droit des malades mentaux à une prise en charge respectable à l'égard de leur dignité et de leur citoyenneté et de tirer la sonnette d'alarme quant à l'incidence en hausse de la maladie mentale.
Premier de son genre, ce rapport s'inscrit dans le cadre des prérogatives conférées au CNDH en matière de protection des droits de l'Homme, en particulier, celles relatives aux «visites des établissements hospitaliers spécialisés dans le traitement des maladies mentales et psychiques» et relève également de ses attributions se rapportant à l'examen et à l'étude de l'harmonisation des textes législatifs et réglementaires en vigueur avec les conventions internationales que le Royaume a entérinées ou auxquelles il a adhéré.
Le rapport intervient également à la lumière des observations finales et des recommandations formulées par les instances onusiennes.
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