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dimanche 17 avril 2011


Trauma
Patrick McGrath  (Éditions Actes Sud)  avril 2011


Patrick McGrath, qui travailla dans l'institution psychiatrique et dont le père psychiatre fut directeur d’un asile psychiatrique de haute sécurité anglais - ceci expliquant peut-être cela - oeuvre dans un nouveau registre scriptural qu'est la veine "neurogothique", qui a vu le jour au début des années 2000 après la publication des écrits du neuropsychologue et écrivain Paul Broks.

Ce genre aborde la narration littéraire sous l'angle du psychique en racontant le parcours d'individus atteints de maladie mentale ou pour le moins de troubles du comportement, ce qui permet d'aborder la déviance ou le dérèglement sous une focale in habituelle.

Dans "Trauma", titre qui annonce immédiatement la couleur, comme les trois phrases introductives ("Ma mère tomba en dépression pour la première fois quand j'avais sept ans, et j'eus le sentiment que c'était ma faute. Que j'aurais dû l'empêcher. C'était un an environ avant que mon père ne nous quitte.") circonscrivent le noeud de l'intrigue, il raconte l'inéluctable et insidieuse descente aux enfers d'un psychiatre.

Car selon l'adage "le cordonnier est souvent le plus mal chaussé" et le fait que le choix d'une profession qui ressortit à la vocation n'est jamais anodine, Charlie Weir qui s'est spécialisé dans les névroses de guerre et plus spécifiquement le stress post-traumatique des vétérans du Vietnam, n'est à l'abri ni du traumatisme ni du refoulement et ne pratique manifestement ni l'auto-analyse ni l'automédication.

Force est de constater que pour le narrateur, dès le début, du côté familial, c'est plutôt le registre "famille pathogène" : absence de figure paternelle avec un père qui a pris la poudre d'escampette, et figure maternelle ambivalent crainte et détestée mais dont il espère l'amour, avec une mère alcoolique, dépressive et cruelle qui lui préfère son frère peintre à qui tout réussit et retourne le couteau dans la plaie ("Tout le monde peut être psychiatre. Mais pour devenir artiste il faut du talent"), un frère à qui tout réussit

Manque d'amour, dévalorisation, sentiment de culpabilité, sentiment d'infériorité, rien d'étonnant à ce que sa barque soit bien chargée pour traverser le long fleuve tumultueux de la vie. A cela s'ajoute, en filigrane, une certaine stratégie de l'échec dont il est conscient ("Je cassais tout ce que je touchais").

Le suicide d'un patient, dont il a épousé la sœur, ce qui n'était sans doute pas sa meilleure idée, puis la mort de sa mère constituent les facteurs activateurs d'un marasme existentiel prééxistant qui l'enfonce dans la dépression. Il quitte son épouse et sa fille, il a une liaison avec une ex-amie de son frère qui souffre de cauchemars sévères, puis renoue avec son ex-épouse pour des 5 à 7 "thérapeuthiques". Ce qui n'est pas sans alourdir son passif.

Dès lors "Trauma" constitue moins d'un roman psychologique qu'une tentative de dissection in vivo des arcanes mentales du narrateur, cette exploration mentale se déroulant en parallèle avec la spirale de la dépression, illustrant avec réalisme le mécanisme psychique de l'abréaction - la résurgence d'un traumatisme refoulé - qui entraîne en l'espèce des tensions insolubles conduisant à la désorientation mentale.

Patrick McGrath mène avec brio son entreprise à la manière d'un thriller au dénouement très rapide qui laisse toutefois le lecteur un peu sur sa faim.

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