Paris, le mardi 19 avril 2011 – Le drame est survenu à Toulouse ce week-end. Et l’enlèvement et le viol d’une enfant de cinq ans commis par un homme déjà condamné à plusieurs reprises pour des faits similaires, relance inévitablement le débat sur la récidive. Il remet également sur le devant de la scène les interrogations sur le rôle de la médecine face à ces délinquants sexuels et ce d’autant plus que l’homme arrêté dimanche faisait l’objet d’une injonction de soins… qu’il respectait scrupuleusement. « Lorsqu’il est arrivé à Toulouse, c’est lui qui a fait les démarches nécessaires pour bénéficier du suivi sociojudiciaire ordonné par la justice. Il est même allé signaler sa présence à la gendarmerie de Muret (…). Il voulait s’en sortir » a ainsi témoigné l’avocat qui l’a assisté lors de sa garde à vue, tandis que le procureur de la République précisait que le jour même de l’agression, le suspect « avait rencontré le médecin chargé de son suivi psychologique ».
Que se passe-t-il lorsqu’ils ont passé la porte ?
L’évocation de la volonté impuissante de cet homme et d’une médecine tout aussi incapable de répondre à ses troubles confèrent aux paroles du docteur Florent Cochez de l’hôpital Charles Perrens à Bordeaux une résonance particulière. Le responsable de l’unité qui au sein de l’établissement prend en charge les délinquants sexuels avait été l’objet d’un long reportage réalisé par Sud Ouest au début du mois. Il y évoquait les enjeux et les limites des soins proposés à ces patients. « On ne sait pas si notre thérapie fonctionne. Que se passe-t-il lorsqu’ils ont passé la porte ? » s’interrogeait-il.
Peut-on soigner et comment ?
A cette incertitude quant aux résultats des thérapies dispensés aux délinquants sexuels, s’ajoutent les discussions toujours nourries qui agitent la psychiatrie quant à son rôle face à cette problématique (tous les délinquants ne souffrent en effet pas d’une maladie mentale caractérisée) et aux méthodes les plus adaptées. « La démarche n'est pas simple. Notre mission de soignant consiste à éviter la récidive. Or, à la base il faut savoir que la plupart des délinquants sexuels n'ont pas forcément envie de se soigner. Ils sont rarement demandeurs. En plus, il y a des chapelles en matière de thérapie : d'un côté le traitement anti-hormonal, plus trivialement appelé castration chimique et de l'autre, la psychothérapie qui permet une prise de conscience, une culpabilité. Parce que souvent, ils n'éprouvent même pas de culpabilité vis-à-vis des victimes, d'où la difficulté de notre tâche », analysait le docteur Cochez.
Liste d’attente
Ces discussions paraîtront presque vaines à ceux qui avant même de s’interroger sur les protocoles thérapeutiques à mettre en œuvre et sur leur efficacité dénoncent les insuffisances du système actuel. On rappellera à cet égard que le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins a été mis en place en 1998. Concernant le volet médical, il repose, pendant le temps de la détention sur les équipes de psychiatres, psychologues et infirmiers intervenant au sein des établissements pénitentiaires, tandis qu’après la sortie du condamné il s’appuie sur des praticiens coordonnateurs chargés de jouer le rôle d’interface entre la justice et la médecine et un médecin traitant choisi par le patient. Or, le manque d’effectifs est toujours criant. Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales consacré à l’injonction de soins publié en mars évoquait ainsi en ce qui concerne les équipes soignantes présentes au sein des établissements « de notables disparités (…). Au centre de détention de Mauzac persistent un manque d’offre en soins psychiatriques et une liste d’attente tandis qu’au centre de détention de Melun et à la maison central d’Ensiheim il n’y a plus de liste d’attente ».
Pas d’injonction de soins faute de médecin coordonnateur
Les médecins coordonnateurs sont aujourd’hui 200 , « presque tous psychiatres » relève l’IGAS (bien que depuis 2009 l’ensemble des praticiens puissent exercer cette mission). Si au regard des 4 000 injonctions de soins « en cours aujourd’hui », leur nombre apparaît suffisant (un coordonnateur pouvant prendre en charge 20 patients), là encore « les disparités départementales sont très importantes : seize départements et trente-deux tribunaux de grande instance sont totalement dépourvus de coordonnateur ». Ces manques obligent parfois les magistrats à renoncer à prononcer des mesures d’injonction de soins. Aussi l’IGAS a-t-elle recommandé le recrutement d’une centaine de médecins coordonnateurs supplémentaires (dont la responsabilité devrait être précisée). Elle a également plaidé pour « un développement des actions d’information des centres de ressources » dont le nombre mériterait lui aussi d’être augmenté. Ces structures qui offrent aux praticiens et aux praticiens traitants des outils de formation indispensables sont en effet aujourd’hui au nombre de cinq (dont celui de Charles Perrens). Enfin concernant le manque de praticiens traitants, face à l’engorgement et aux réticences des centres médico-psychologiques, l’IGAS s’était interrogé sur la pertinence du recours aux « psychologues exerçant à titre libéral ».
Aurélie Haroche
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