QUÉBEC — L’incapacité du système public à faire face à la hausse de judiciarisation des personnes atteintes de troubles mentaux provoque un « cafouillis » qui se solde parfois par des résultats « désastreux », déplore un comité interministériel.
Le Comité de travail sur la prestation des services de psychiatrie légale a remis en février au ministre de la Santé, Yves Bolduc, un rapport dressant un constat d’échec et a plaidé pour une ambitieuse réorganisation des services.
Les experts signalent que, faute de coordination et de ressources adéquates, de plus en plus de personnes souffrant de troubles de santé mentale engorgent l’appareil judiciaire qui, de son côté, ne bénéficie pas du soutien nécessaire du réseau de la santé pour gérer la situation.
Par exemple, le nombre de dossiers soumis à la Commission d’examen des troubles mentaux a connu une hausse en flèche de 67 % de 2002 à 2009, passant de 1091 à 1829.
Le comité souligne que le système pénal devient ainsi la voie d’accès à des services en santé mentale, qui ne sont souvent pas au rendez-vous dans les centres de détention.
« Un détenu présentant un infarctus sera transféré dans un hôpital pour y être soigné, alors que dans le cas d’une psychose aiguë, il demeurera incarcéré et sera confié à l’infirmerie. Les établissements de détention, aux prises avec des problèmes médicaux qui dépassent leur capacité d’agir, se retrouvent dans une impasse », écrit-on dans le document.
Les experts déplorent « une vision stratégique déficitaire » et une « incohérence dans les actions des acteurs » qui se soldent parfois par des résultats « dramatiquement désastreux ».
On rappelle notamment les décès de Brian Bédard, en 2001, et de Justin Scott St-Aubin, en mai 2008, survenus dans les deux cas à la prison de Rivière-des-Prairies.
En montrant du doigt le « cafouillis qui règne », le comité révèle que sur 50 hôpitaux pourtant désignés par arrêté ministériel en vue de la garde, du traitement ou de l’évaluation de patients judiciarisés, le quart d’entre eux n’assument finalement aucune responsabilité à ce sujet, faute de ressources.
« Au fil du temps, un nombre considérable d’ordonnances ne sont pas exécutées comme la cour l’exige », précise le rapport.
Recommandations
Pour remédier à la situation, le comité de travail plaide donc pour une réforme de la psychiatrie légale, suggérant notamment que les infirmeries des prisons relèvent dorénavant du ministère de la Santé et non pas du ministère de la Sécurité publique.
Il demande aussi que le Procureur général désigne d’autres professionnels, autres que les médecins, pour mener les évaluations de l’état mental des accusés.
Enfin, le comité demande qu’une « tour de contrôle » de psychiatrie légale soit mise sur pied dans le réseau de la santé et des services sociaux, afin de mieux coordonner les services.
« Des familles inquiètes du sort d’un de leurs membres qui souffre d’un trouble mental et qui ne bénéficie pas de l’assistance médicale indiquée sont invitées à porter plainte afin que celui-ci ait accès à des traitements. Ces familles peuvent être amèrement déçues lorsque la personne se retrouve en détention, sans obtenir les services espérés. »
« À défaut de disposer d’un hébergement adapté à son état, un citoyen affecté d’un trouble mental peut être gardé indûment dans le système de psychiatrie légale et en accaparer les ressources. »
« Les établissements de détention gardent des accusés aux prises avec un trouble mental symptomatique au sujet duquel ils n’ont pas l’expertise nécessaire pour intervenir. Cette impasse crée des tensions entre les établissements de détention et les hôpitaux désignés incapables de répondre au volume d’ordonnances exigeant une garde en milieu hospitalier. »
Nombre de dossiers en cours à la Commission d’examen des troubles mentaux
2002-2003 : 1091
2008-2009 : 1829
Hausse de 67 %
Nombre d’évaluations de l’état mental d’un accusé réalisées à la suite d’une ordonnance
2005-2006 : 2462
2007-2008 : 2893
Hausse de 17,5 %
* Le ministère de la Justice ne tient aucun registre concernant les ordonnances d’évaluation de l’état mental rendues par les tribunaux de compétence criminelle du Québec
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