Manger ou être mangé, telle est la questionPar Annick Colonna-Césari,
le 08/03/201
The Partician New, de Wangechi Mutu (2004)
L'exposition sur l'anthropophagie proposée par la Maison Rouge en dit long sur les angoisses de notre société.
L'anthropophagie est un sujet tabou. Mais, aussi, à travers les âges et les continents, l'un des thèmes les plus traités, aux confins du religieux et de la mythologie, de l'ethnologie et de la psychanalyse. Dévorer ou être dévoré constitue l'une des obsessions des artistes actuels. Cette exposition, dont le titre est inspiré d'une formule de Lévi-Strauss ("Nous sommes tous des cannibales"), montre la résurgence de la problématique, au travers de la confrontation d'une centaine d'oeuvres, passées et contemporaines. Ainsi, Frédérique Loutz fait resurgir dans ses dessins l'épouvante des contes de l'enfance. Dans notre époque postféministe, les photos de Cindy Sherman, revisitant les tableaux de madones, rappellent que le premier cannibale est l'enfant au sein de sa mère. Les Britanniques Jake et Dinos Chapman s'appuient sur les gravures politiques de Goya pour dénoncer la bestialité de l'humanité. Mais l'humour prend le dessus dans les natures mortes de Saverio Lucariello : on y voit la tête de l'artiste qui, trônant au milieu des victuailles, renvoie à la fragilité de l'existence. Cette exposition, un peu hermétique, en dit long sur notre société, ses fantasmes et ses angoisses.
Tous cannibales. Maison Rouge, Paris (XIIe). Jusqu'au 15 mai.
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