23-02-2011
Des aumôniers réalisent un travail à la frontière entre maladie et spiritualité.
Reportage à Cery
Les aumôniers Hervé Martin, Madeleine Lederrey et Hans Ruedi Meier
Photo : bn
La voix aérienne de Muriel* résonne dans l’église. Ses mains dansent avec virtuosité sur le clavier du piano. Un «Ave Maria» de sa composition remplit toute la chapelle bâtie au cœur du complexe hospitalier de Cery à Prilly. D’autres patients entrent dans l’église, accompagnés des deux aumôniers protestants, Madeleine Lederrey et Hervé Martin. C’est l’heure de la prière hebdomadaire.
Le personnel de l’important hôpital de Cery compte trois aumôniers à temps partiel – un catholique, deux protestants. «Je reste toujours étonné par l’effet de la prière, confie Hervé Martin. Les patients se sentent apaisés, émus. Et pas seulement les chrétiens. Quand un musulman me demande de prier avec lui, j’utilise des mots qui nous sont communs, comme l’Eternel.» Son travail est fait de visites, d’entretiens, de groupes de parole et de recueillements. Le besoin spirituel est énorme en psychiatrie.
Un temps d’échange suit la méditation. Sept patients et les aumôniers ont pris place dans l’espace salon au fond de la chapelle. Muriel se lance: «J’aime bien ce moment, je me sens protégée par Dieu. Dehors, la présence divine n’est pas la même.» La discussion démarre aussitôt. Thérèse*, hospitalisée pour quelques jours, n’est pas d’accord: «Dieu nous donne le soleil et la nature. Tout ce qu’on arrive à faire de mieux au quotidien, c’est grâce à sa présence.» Elle parle alors de sa tristesse d’être séparée de sa famille. «La maladie est-elle une punition de Dieu?» demande une personne du groupe. «Non!» «C’est possible.» «Oui, je crois qu’on est puni par Dieu.» Les réponses des patients fusent. L’aumônier laisse chacun s’exprimer. «Le but de Dieu, c’est notre bien», reprend Thérèse. Muriel acquiesce: «Aux yeux du Saint-Esprit, je suis saine d’esprit. Il défendra ma cause. Un jour, je serai guérie, je suis une battante.»
«Je vais vous choquer, je suis athée», coupe une jeune femme qui avait gardé le silence. Noémie* raconte les maltraitances qu’elle a vécues enfant et demande pourquoi un Dieu bon a laissé faire. Des larmes perlent au coin de ses yeux. «J’aimerais bien pouvoir me raccrocher à Dieu, mais j’ai peur d’être déçue encore une fois. Je préfère m’accrocher à moi.» Thierry*, un patient d’une cinquantaine d’années, la regarde avec compréhension. Il a vécu des souffrances proches: «Tout n’est pas à cause de Dieu. Il n’a pas voulu que des gens vous fassent du mal, mais il a souffert avec vous. Il est de notre côté», affirme-t-il. La discussion a pris une tournure saisissante. L’aumônier la conduit avec professionnalisme. Noémie conclut: «Quand je ne suis pas en traitement, mon histoire est une cicatrice ouverte. Mais quand je vais bien, j’y vois du positif: elle m’a rendue plus forte.»
Un rôle à part
Les aumôniers se sont réunis dans leur bureau. «Les personnes qui viennent à Cery traversent un moment de fragilité et de crise, explique Madeleine Lederrey. Leurs repères sont bousculés. Il est important pour eux de donner du sens à ce qu’ils vivent et de se reconstruire.»
La religion est-elle vraiment une aide ? «Ce qui est aidant, c’est de faire un cheminement spirituel, répond la pasteur. La foi dit la confiance que la vie peut être bonne. Nous sommes témoins de cette espérance. Nous accompagnons des gens qui se relèvent.» Les non-croyants sollicitent d’ailleurs aussi les aumôniers. «Il y a une spiritualité laïque, précise la pasteur. Parler des forces de vie de la personne, échanger sur le sens, c’est déjà spirituel.»
Les aumôniers occupent une place particulière dans l’hôpital. Ils ne peuvent ni prescrire de médicaments, ni modifier le traitement d’un patient. «Notre impuissance crée une liberté qui ouvre des fenêtres inattendues. Les patients abordent librement certaines questions avec nous», se réjouit Hervé Martin, qui travaille également à l’hôpital de Nant.
Les aumôniers font aussi entendre leur voix dans les paroisses. «Nous essayons de casser l’image négative de la maladie psychique. Le regard déconsidéré de la société rend l’hospitalisation plus pénible à supporter. Cela peut pourtant arriver à tout le monde et, de Cery, on en ressort !» souligne Madeleine Lederrey.
G.D.
* Prénom d’emprunt
Des aumôniers réalisent un travail à la frontière entre maladie et spiritualité.
Reportage à Cery
Les aumôniers Hervé Martin, Madeleine Lederrey et Hans Ruedi Meier
Photo : bn
La voix aérienne de Muriel* résonne dans l’église. Ses mains dansent avec virtuosité sur le clavier du piano. Un «Ave Maria» de sa composition remplit toute la chapelle bâtie au cœur du complexe hospitalier de Cery à Prilly. D’autres patients entrent dans l’église, accompagnés des deux aumôniers protestants, Madeleine Lederrey et Hervé Martin. C’est l’heure de la prière hebdomadaire.
Le personnel de l’important hôpital de Cery compte trois aumôniers à temps partiel – un catholique, deux protestants. «Je reste toujours étonné par l’effet de la prière, confie Hervé Martin. Les patients se sentent apaisés, émus. Et pas seulement les chrétiens. Quand un musulman me demande de prier avec lui, j’utilise des mots qui nous sont communs, comme l’Eternel.» Son travail est fait de visites, d’entretiens, de groupes de parole et de recueillements. Le besoin spirituel est énorme en psychiatrie.
Un temps d’échange suit la méditation. Sept patients et les aumôniers ont pris place dans l’espace salon au fond de la chapelle. Muriel se lance: «J’aime bien ce moment, je me sens protégée par Dieu. Dehors, la présence divine n’est pas la même.» La discussion démarre aussitôt. Thérèse*, hospitalisée pour quelques jours, n’est pas d’accord: «Dieu nous donne le soleil et la nature. Tout ce qu’on arrive à faire de mieux au quotidien, c’est grâce à sa présence.» Elle parle alors de sa tristesse d’être séparée de sa famille. «La maladie est-elle une punition de Dieu?» demande une personne du groupe. «Non!» «C’est possible.» «Oui, je crois qu’on est puni par Dieu.» Les réponses des patients fusent. L’aumônier laisse chacun s’exprimer. «Le but de Dieu, c’est notre bien», reprend Thérèse. Muriel acquiesce: «Aux yeux du Saint-Esprit, je suis saine d’esprit. Il défendra ma cause. Un jour, je serai guérie, je suis une battante.»
«Je vais vous choquer, je suis athée», coupe une jeune femme qui avait gardé le silence. Noémie* raconte les maltraitances qu’elle a vécues enfant et demande pourquoi un Dieu bon a laissé faire. Des larmes perlent au coin de ses yeux. «J’aimerais bien pouvoir me raccrocher à Dieu, mais j’ai peur d’être déçue encore une fois. Je préfère m’accrocher à moi.» Thierry*, un patient d’une cinquantaine d’années, la regarde avec compréhension. Il a vécu des souffrances proches: «Tout n’est pas à cause de Dieu. Il n’a pas voulu que des gens vous fassent du mal, mais il a souffert avec vous. Il est de notre côté», affirme-t-il. La discussion a pris une tournure saisissante. L’aumônier la conduit avec professionnalisme. Noémie conclut: «Quand je ne suis pas en traitement, mon histoire est une cicatrice ouverte. Mais quand je vais bien, j’y vois du positif: elle m’a rendue plus forte.»
Un rôle à part
Les aumôniers se sont réunis dans leur bureau. «Les personnes qui viennent à Cery traversent un moment de fragilité et de crise, explique Madeleine Lederrey. Leurs repères sont bousculés. Il est important pour eux de donner du sens à ce qu’ils vivent et de se reconstruire.»
La religion est-elle vraiment une aide ? «Ce qui est aidant, c’est de faire un cheminement spirituel, répond la pasteur. La foi dit la confiance que la vie peut être bonne. Nous sommes témoins de cette espérance. Nous accompagnons des gens qui se relèvent.» Les non-croyants sollicitent d’ailleurs aussi les aumôniers. «Il y a une spiritualité laïque, précise la pasteur. Parler des forces de vie de la personne, échanger sur le sens, c’est déjà spirituel.»
Les aumôniers occupent une place particulière dans l’hôpital. Ils ne peuvent ni prescrire de médicaments, ni modifier le traitement d’un patient. «Notre impuissance crée une liberté qui ouvre des fenêtres inattendues. Les patients abordent librement certaines questions avec nous», se réjouit Hervé Martin, qui travaille également à l’hôpital de Nant.
Les aumôniers font aussi entendre leur voix dans les paroisses. «Nous essayons de casser l’image négative de la maladie psychique. Le regard déconsidéré de la société rend l’hospitalisation plus pénible à supporter. Cela peut pourtant arriver à tout le monde et, de Cery, on en ressort !» souligne Madeleine Lederrey.
G.D.
* Prénom d’emprunt
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