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samedi 18 septembre 2010




J. Peker, Cet obscur objet du dégoût
Parution : 7 janvier 2010







Cet obscur objet du dégoût
Julia Peker

Paru le : 07/01/2010
Editeur : Bord de l'eau (Le)
Collection : Diagnostics
ISBN : 978-2-356-87053-7
EAN : 9782356870537
Nb. de pages : 190 pages

Prix éditeur : 20,00€

Pourquoi avons-nous tant de mal avec ce qui nous dégoûte ? Pourquoi tournons-nous la tête à la vue d'une réalité non ordonnée, grouillante ou sanguinolente ? Pourquoi nos restes organiques sont-ils vécus comme de répugnants déchets ? Serrements de gorge et nausée escortent la montée d'un puissant signal de rejet, détournant l'esprit d'un champ tour à tour purulent, visqueux, puant.
Pourtant comme le goût le dégoût s'éduque, l'insupportable varie et se déplace, mais pour désigner au coeur de la réalité la plus familière une part maudite, dévalorisée et teintée d'une obscure fascination, que nous apprivoisons par l'ignorance. A travers la sensation de l'immonde le dégoût affecte donc insidieusement les contours du monde, traçant le seuil d'arrière-cours sans fonds, exclues de l'ordonnancement des apparences.
S'intéresser au dégoût, c'est alors, paradoxalement, contribuer à agrandir les frontières de l'humain.

Sommaire:
LE SCANDALE LOGIQUE DE L'AMBIVALENCE

La saveur d'une poire fangeuse : dégoûts amers et dégoûts sucrés
L'érotique du dégoût
La Belle est la Bête

L'IMMONDE ET LE MONDE

Du reste au déchet
Anomalies

LE PROPRE ET L'INAPPROPRIABLE

L'intrus
L'impropre

LE SPECTACLE DE L'IMMONDE

L'interdit esthétique
L'effet de réel
Le littéral

L'auteur:
Agrégée de philosophie, critique d'art, Julia Peker est doctorante à l'Université Bordeaux III.


Dans Libération du 25/2/10, on pouvait lire cet article:
Dégoût et des couleurs

Le rejet de «l'immonde» sur le terrain de la philosophie

Par ROBERT MAGGIORI

L'envie est de vomir - mais ces koro sont des friandises pour les Indiens du Parana qui vous accueillent : des «larves pâles qui pullulent dans certains troncs d'arbre pourrissants». Il faut donc y aller… Et Claude Lévi-Strauss - il le raconte dans Tristes tropiques - y va de sa bouchée : initiation de l'ethnologue. Curieuse frontière que celle qui passe entre goûts et dégoûts. Ici elle est culturelle, et sans doute les Indiens trouveraient-ils répugnant qu'on se délecte de grenouilles ou de boudin. Mais au sein d'une même culture, elle est incertaine : à quoi tient que l'amateur d'escargots ne mange guère de limaces ? Aussi en vient-on à la dire naturelle : chairs décomposées, vomissures, puanteurs, excréments et excrétions provoquent comme une protestation innée ou «préprogrammée» du corps.
Mais là encore les choses ne sont pas claires : tes yeux, mon amour, secrètent les larmes, mais on les essuie plus facilement que la morve verdâtre que secrète ton nez. Plus : ce qui, par nature ou culture, suscite répugnance, excite aussi désir et appétence. L'ethnologie, la physiologie, la psychanalyse ou l'histoire des mentalités ont beau faire feu de tout bois, le mystère demeure : pourquoi «ça nous dégoûte» ? Quelle raison et quelle fonction a le dégoût ?

Dans Cet obscur objet du dégoût, Julia Peker apporte des réponses très éclairantes, en ce qu'elle déplace la question vers la philosophie, qui jusqu'ici n'en avait pas dénoué tous les enchevêtrements conceptuels, laissant ainsi flotter l'idée que l'écœurement impose silence à la raison. Certes, parler des «effets ontologiques et subjectifs» de la «puanteur de la merde» peut paraître osé. Mais le propos se révèle pertinent dès qu'on l'inscrit dans la thèse que défend la jeune philosophe et critique d'art, à savoir qu'«à travers la sensation de l'immonde le dégoût affecte insidieusement les contours du monde, et semble jouer un rôle décisif dans la détermination de ce qui fait monde».

Pour «tenter de voir clair en ces bas-fonds», Julia Peker passe par l'analyse de l'hygiénisme, de l'étrange collusion qui lie attraction et répulsion, des amalgames entre propreté et propriété, saleté et altérité, des services que l'excrémentiel rend au langage quand celui veut blesser ou déshumaniser («petite merde, vermine, ordure…»), des interdits esthétiques qui pèsent sur le laid. Puis elle arrive à trouver dans la nausée une sorte de «leçon». Le dégoût, «en circonscrivant un pan du réel, en se collant à quelques étiquettes d'objets stigmatisés», joue, dit-elle, «un rôle répulsif stratégique». L'existence de «ce hors-champ immonde atteste par sa puanteur et son grouillement que nous ne maîtrisons pas tout, il signale l'existence d'excrétions, d'exceptions de toutes sortes qui sont en excès sur l'ordre qui les produit». Si bien qu'à vouloir du monde exclure l'immonde - toujours le fait des autres - on le clôt, on extirpe sa part maudite «pour que puisse briller la blancheur éclatante d'un monde parfait, où se répand le parfum aseptisé de la sainteté». A le faire paradoxalement agir comme un «principe éthique», on maintient au contraire actives les lignes de faille - celles qui laissent ouverte «la différence subtile entre identité et intégrité».




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