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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

samedi 13 mars 2010





La réplique d'Alain de Mijolla à Onfray
Par Alain de Mijolla,
publié le 01/03/2010

Pour l'historien de la psychanalyse, auteur de l'étourdissant feuilleton Freud et la France
, l'entreprise de Michel Onfray relance sans le renouveler un procès ouvert depuis 1915.

Je n'ai pas l'habitude des polémiques car je respecte les auteurs pour les idées qu'ils expriment, même si, comme c'est le cas ici, je ne suis pas en accord avec elles. Dès le début de la découverte et de la propagation de la psychanalyse par Freud, les critiques et les oppositio
ns se sont manifestées. Dans un premier temps, c'est la personne même de Freud qui a été l'objet de plaisanteries salaces, voire d'insultes l'assimilant à un pornographe, en particulier dans les milieux bourgeois de Vienne. Ensuite les critiques se sont progressivement portées sur les théories freudiennes qui étaient considérées comme fumeuses et mystiques, bien loin du solide bon sens et de la scientificité qui caractérisaient la pensée psychiatrique ou, plus directement, l'oeuvre de Pierre Janet en France.

Je me bornerai essentiellement, ayant parcouru les flots d'objections que Michel Onfray déverse sur Freud et la psychanalyse, à lui montrer qu'il n'est pas un novateur en la matière. Mon livre se limitant aux années 1885-1945, je n'évoquerai pas les derniers auteurs de propos semblables, comme le professeur Debray-Ritzen, Gérard Zwang, l'abbé de Nantes, Le livre noir de la psychanalyse, etc., car ils sont plus récents. Je ne donnerai qu'un éclairage sur la nature des critiques qui n'ont guère changé de thèmes et se sont succédé depuis près de cent ans... Il n'y a rien de nouveau sous le soleil.

Laissons la parole à ceux qui ont peut-être servi de modèles à Michel Onfray. C'est un des défauts principaux de l'Histoire que de rappeler à chacun de ceux qui pensent avoir découvert l'Amérique qu'un certain Christophe Colomb est passé avant eux. Le désir d'originali
té pousse au refoulement, parfois sous le masque de la méconnaissance, des leçons du passé et de leurs suites.

Une discussion ouverte par Edouard Claparède en 1915 va marquer un des grands reproches que l'on fait habituellement à Freud. On critique sa notion de sexualité infantile qui lui fait écrire : "Dire que le plaisir de téter est un plaisir sexuel n'a à mon avis aucun sens." En 1922, le Dr Charles Trepsat, indulgent mais prudent, écrit : "J'estime qu'en présence d'un malade (tout au moins d'un Français ou d'un Latin), il faut faire de la
psychanalyse sans le crier sur les toits, sans le dire au patient lui-même ; il faut penser toujours à ce procédé thérapeutique, l'employer quelquefois et n'en parler jamais."

Des attaques à la mesure de l'enthousiasme qu'elle éveille

Mais l'un des premiers ardents polémistes, en France, est le professeur Yves Delage, psychologue qui écrit en 1918, dans la revue La Table ronde: "Le psychoanalyste est un juge d'instruction, un inquisiteur doublé d'un érotomane et c'est parce qu'il a trouvé dans l
'exercice de la psychoanalyse la satisfaction de sa manie érotique qu'il aime son mal, comme le dipsomane, le cocaïnomane, le morphinomane aiment leur poison." Il y reviendra en 1920, peu désireux de lâcher son os : "Freud restera le type d'un esprit faux qui, asservi à des conceptions systématiques, s'est laissé entraîner à attribuer un caractère universel à un facteur qui ne s'applique qu'à des cas particuliers, ce qui l'a entraîné à torturer les faits et les explications pour les faire cadrer avec son idée préconçue : il a attribué à la mentalité humaine une déformation tératologique dont il était la principale victime."

Ce reproche sera souvent répété. Comme les remarques que fait, dès février 1923, Emile Adam dans sa thèse de doctorat en médecine : "Ce dogme (le mot est de M. P. Janet qui avec d'autres auteurs, en particulier des auteurs américains, a paru quelque peu étonné du "caractère mystique de ces études sur la sexualité") a ses rites et ses adeptes, nous allions dire ses prêtres." Il ajoute : "Aussi avons-nous été étonné de ne voir nulle part Freud faire allusion à la confession. Il déclare, dans La psychologie de la vie quotidienne, être israélite ; ce n'est point là, ce nous semble, u
ne raison pour un psychologue averti d'ignorer la psychologie du catholicisme."

Les attaques vont de pair avec le début de la pénétration de la psychanalyse en France grâce à l'enthousiasme qu'elle éveille chez les littérateurs. D'où le concert de remarques du type de celle relevée dans Le Phare de Nantes sous le titre "Un nouvel asphyxiant" : "Le dernier en date, dont les émanations menacent de nous suffoquer, c'est la fameuse psychanalyse du fameux professeur Freud, Viennois de naissance, certes, mais d'âme combien boche." Quant aux littérateurs, "après avoir proustifié, on va freudifier... Naguère nous nous contentions de subir notre lot annuel du roman libidineux. [...] Maintenant outre que cela sera sale, ce sera embêtant."

Israélite... Boche... Freud remarquera à propos de ces résistances, en 1925 dans la Revue juive: "Je ne peux, sous toutes réserves, que soulever la question de savoir si ma qualité de Juif, que je n'ai jamais songé à cacher, n'a pas été pour une part dans l'antipathie générale contre la psychanalyse. Pareil argument n'a été que rarement formulé expressément."

Léon Daudet, le fils d'Alphonse, écrivain et éditorialiste de la revue monarchiste qu'il a contribué à
fonder, L'Action française, bien connue pour ses opinions d'extrême droite qui feront le lit de la collaboration durant l'occupation par les nazis, déclenche un combat vigoureux. Il débute hardiment en février 1926 une série d'articles par celui intitulé "Un bobard dangereux : freudisme et psychanalyse" et annonce : "Je compte m'occuper ici du fatras de M. Freud, en sachant parfaitement que j'enfonce des portes ouvertes et que je piétine de la vaisselle cassée. "Il est des morts qu'il faut qu'on tue", dit un excellent aphorisme. [...] ce plagiaire de Freud, cet abruti - car c'est le seul terme qui lui convienne."

Deux jours plus tard, il précise dans "La putréfaction intellectuelle. Le cas de Freud" le point qui lui
semble sensible : "La "tarte à la crème" - et quelle crème empoisonnée ! - de Freud, c'est le refoulement. [...] Mais où les symptômes de putréfaction intellectuelle apparaissent le plus nettement, c'est dans le pansexualisme de Freud."

Un commentaire enthousiaste de ces articles, paru dans L'Express du Midi, ajoute : "Je ne pense pas que l'on ait fait suffisamment observer que le freudisme n'était au fond, sous son masque pseudo-scientifique, qu'une caricature odieuse et niaise du dogme catholique. [...] Il n'y a qu'une réponse à faire à tout ce qui vient de Bochie : celle de Mussolin
i."

En effet, après la marche sur Rome en 1922, Mussolini a établi sa dictature en décembre 1925. Qu'en pensait Freud ? Il l'avait auparavant précisé en 1923 par une réflexion à Edoardo Weiss, son représentant en Italie : "Ne doutez pas que l'avenir appartiendra à la psychanalyse, même en Italie. Seulement il faudra attendre longtemps", et par une lettre à George Viereck en 1928, dans laquelle il évoque son in
capacité à "éprouver une profonde sympathie [pour des]despotes tels que Lénine ou Mussolini". Sans doute ces termes complètent-ils sa réponse de 1933, avec l'envoi de Pourquoi la guerre ? : "De la part d'un vieil homme qui reconnaît dans le Duce le héros de la civilisation", au livre que Mussolini lui avait adressé avec les mots suivants : "A Sigmund Freud che renderà migliore il mondo, con ammirazione e riconoscenza." Il lui fallait certes saluer son appui aux recherches archéologiques, mais aussi avant tout préserver Edoardo Weiss et la psychanalyse des risques que leur faisaient courir les fascistes et l'Eglise catholique.

En 1939, c'est A. Savoret qui, dans son livre L'inversion psychanalytique, proclamera que "[la psychanalyse] fait des disciples de Freud des ennemis irréductibles de la religion, de la sainteté du foyer, de l'autorité spirituelle parentale. [...] La psychanalyse est liée aux Loges maçonniques et caractérisée par la "griffe" aisément reconnaissable qui a marqué ces fronts bas du Sceau de la Bête. [...] En ce qui concerne l'attit
ude antireligieuse, il est au moins curieux de constater le touchant accord, quant au fond, entre le Juif Sigmund Freud et le super Aryen Hitler".

Un ensemble de faits depuis longtemps réunis

Mon relevé s'arrête là car la guerre et l'Occupation font tomber un silence glacial sur Freud et la ps
ychanalyse. Dans le prochain volume que j'entreprends, La France et Freud, 1946-1981, je rajouterai quelques couches à ces peintures grimaçantes qui sont balayées par le vent de l'Histoire.

Des alternances de mode et de rejet ont toujours marqué l'existence de la psychanalyse et je rappellerai que Freud, en 1914, avait déjà écrit : "Au cours des dernières années, j'ai pu lire peut-être une douzaine de fois que la psychanalyse était à présent morte, qu'elle était définitivement dépassée et éliminée. Ma réponse aurait pu ressembler au télégramme que Mark Twain adressa au journal qui avait annoncé la fausse nouvelle de s
a mort : "Information de mon décès très exagérée". Après chacun de ces avis mortuaires, la psychanalyse a gagné de nouveaux partisans et collaborateurs ou s'est créé de nouveaux organes. Etre déclaré mort valait quand même mieux que de se heurter à un silence de mort."

Comme leurs prédécesseurs, la plupart de ses adversaires publiés récemment voient dans la "Psychanalyse" un mode de pensée clos qui est totalement condamné à partir du moment où l'on trouve son maillon faible. Je ne m'accorde pas avec eux car j'estime que les idées de Freud nous conduisent à une mise en doute systématique, à la Montaigne, de t
ous les phénomènes psychiques et de toute explication, de quelque côté qu'elle vienne. A partir du moment où l'on met un point final au doute en affirmant : "Freud est un escroc", "les interprétations sont arbitraires" ou "la psychanalyse est...", on rejoint le "Tu es un voleur !" dans lequel Jean-Paul Sartre voyait une fermeture du destin de Jean Genet.

A l'affirmation, par Michel Onfray, de la propagation d'une "version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient", je répondrai par la réflexion que Freud fit en 1930 à Smiley Blanton, l'un de ses analysés. Il y reprochait à bien des critiques : "On dirait que pour eux l'analyse est tombée du Ciel ou sortie de l'Enfe
r, qu'elle est figée, tel un bloc de lave et non pas construite à partir d'un ensemble de faits lentement et péniblement réunis au prix d'un travail méthodique."

Je ne cite pas les réponses qu'après Freud les psychanalystes ont apportées aux attaques portées à la théorie et à la pratique de l'analyse. Elles sont tout aussi nombreuses. Je n
e fais aussi qu'évoquer l'intérêt que je prendrais à rechercher chez ses détracteurs l'origine d'un tel attachement à Freud. La haine n'est-elle pas le second visage de l'amour ?

Les pensées de Freud et leurs suites ont été le ferment subtil de l'évolution qui a ouvert aux cent années de leur parcours au coeur de la civilisation occidentale une liberté nouvelle de parole, particulièrement sur la sexualité adulte et enfantine, un chemin vers l'émanc
ipation des femmes, une réflexion sur les motifs inconnus qui inspirent nos actes, sur la précarité de la vérité de nos souvenirs, sur d'autres façons d'écrire notre histoire... Le temps de la séance analytique en est le lieu permanent de redécouverte.

J'emprunterai une autre conclusion à la sagesse arabe : "Les chiens aboient, la caravane passe."





Michel Onfray répond à de Mijolla: "Pas de haine contre Freud"

Par Michel Onfray,
publié le 01/03/2010


1.
D'abord je souhaiterais rendre hommage à Alain de Mijolla qui a été le seul à accepter de débattre jadis avec l'un des auteurs du Livre noir de la psychanalyse à l'époque de la campagne de presse calomnieuse et indigne qui a accueilli la parution de ce remarquable ouvrage d'histoire des idées. Ensuite le remercier d'avoir bien voulu réagir sur quelques pages arrachées à un livre qui en comporte plus de six cents dans lesquelles il trouverait des occasions de réponse à quelques-unes de ses objections - par exemple, sur la dilection de Freud pour l'austro-fascisme de Dollfuss et celui de Mussolini, doublée d'une constante critique du communisme, sur sa collaboration avec le régime nazi pour que la psychanalyse puisse être maintenue dans le Reich, etc.


2.
Que mes critiques ne soient pas neuves ? En effet. Et je n'ai jamais eu l'intention de me présenter comme novateur. Je rends d'ailleurs hommage dans ma bibliographie à ceux qui, Jacques Van Rillaer et Mikkel Borch-Jacobsen en tête, m'ont ouvert les yeux sur ce sujet.

En revanche, j'offre une lecture qui, il me semble, n'a jamais été proposée et qui met en perspective la vie et l'œuvre sur le principe nietzschéen qu'une pensée est toujours la confession autobiographique de son auteur. La "science" freudienne devient alors une banale philosophie existentielle - ce que n'est pas la science d'un Copernic ou d'un Darwin dans le lignage duquel Freud prétendait s'inscrire...


3.
Que la haine soit l'autre visage de l'amour, qu'on me permette de douter... D'abord parce qu'il n'y a pas de haine chez moi contre Freud et la psychanalyse, ensuite parce qu'on peut critiquer sans haïr - une position épistémologique dont nombre de critiques des critiques de la psychanalyse semblent, eux, incapables...

Ajoutons que, pour faire un peu de casuistique, toute haine d'une victime juive contre son bourreau nazi me semble loin de signifier chez elle un autre nom de l'amour ! Il faut en finir avec ce genre de pseudo-argument freudien que le rien est l'une des modalités du tout, que le blanc est l'une des modalités du noir, que la critique (ouverte) de Freud est l'une des modalités (inconsciente) de l'amour de Freud...


4.
Que toute critique de la psychanalyse soit à mettre systématiquement en perspective avec les critiques venues de l'extrême droite, du nazisme, de l'antisémitisme, de l'antimaçonnisme, du fascisme, du pétainisme est, qu'on me permette cette fois-ci d'utiliser l'argument d'Alain de Mijolla, une vieille technique qui déshonore ceux qui l'utilisent.


Pétainiste, Kraus ? Nazis, Deleuze et Guattari ? Fasciste, Popper ? Antisémite, Wittgenstein ? Extrémiste de droite, Sartre ? Allons, soyons sérieux... On ne gagne rien à pratiquer l'amalgame sinon... éviter de débattre et passer sous silence les arguments qu'on aurait à opposer à son contradicteur s'ils existaient véritablement...


Dès lors le débat n'est pas un débat. Face à toute critique de Freud, du freudisme et de la psychanalyse, les thuriféraires du Docteur viennois illustrent le réflexe pavlovien et bavent les mêmes insultes au premier coup de sifflet. Si j'étais freudien, ce qu'à Dieu ne plaise, je dirais que ce venin sous couvert de sagesse arabe n'est jamais que l'autre nom de l'amour que me porte Alain de Mijolla ! Mais comme je ne suis pas freudien, je consens à sa conclusion : "Les chiens aboient, la caravane passe" - en me réjouissant cette fois-ci que les chiens aient changé de côté.






A la dérive... les mots nous font vivre...

dimanche 7 mars 2010

Quand Freud mène l'enquête...

L’Interprétation des Meurtres
de Jed Rubenfeld.












Editions Pocket,
504 pages.


Résumé :
"1909. Freud, accompagné de Ferenczi et Jung, ses disciples, débarque dans l'effervescente New York. Venu donner une série de conférences, il est accueilli par Younger, jeune médecin qui lui fait découvrir la ville en pleine construction, les bas-fonds de Chinatown et les hôtels particuliers de Gramercy Park. Une visite d'autant plus mémorable que le psychanalyste viennois prend part à une enquête surprenante : le cadavre d'une jeune fille torturée et étranglée vient d'être retrouvé. Nora Acton, autre victime du même agresseur, a miraculeusement survécu mais est frappée d'amnésie et de mutisme. Dans l'ombre de Younger chargé de la soigner, Freud va habilement s'immiscer dans l'esprit de Nora, explorer son inconscient et de nouveaux champs d'application : l'interprétation des meurtres... "


Mon avis : Adeptes de la psychanalyse et de l’interprétation des égarements de l’inconscient, lancez-vous sur ce livre sans plus attendre. Non seulement d’être un nouveau coup de cœur pour ma part, il est surtout un condensé fort éloquent d’une théorie qui bouleversa un siècle entier : le freudisme. En effet, Freud part pour les États-Unis en 1909 afin de donner des conférences à la célèbre université de Clark sur ses théories œdipiennes et ses autres interprétations psychiques qui révolutionneront à jamais la psychologie. Voyage bouleversé ici par un meurtre sordide. Le docteur viennois va devoir s’immiscer dans l’esprit des gens afin de révéler la clef d’une énigme absolument déroutante, qui vous tient en haleine jusqu’aux toutes dernières pages. Ou plutôt va t-il guider un jeune médecin de Boston, Stratham Younger, qui va, dans l’ombre de Freud, essayer de faire émerger derrière la barrière du refoulement, les démons de l’enfance d’une jeune femme agressée par le tueur, Nora Acton. La psychanalyse est déployée ici dans toute son envergure au fil du livre et nous tient en haleine sans jamais perdre de son intérêt, notamment parce que l’écriture de Jed Rubenfeld est des plus agréables à lire et des plus limpides, nous suivons ainsi le raisonnement freudien sans aucune entrave.

Les personnages du livre sont pour la plupart des personnages réels, Freud bien entendu, mais aussi ses compagnons de voyage parmi lesquels l’acâriatre Jung, qui est reconnu pour s’être farouchement opposé aux théories de Freud. Cette hostilité est retransmis avec brio dans plusieurs scènes du livre et nous fait entrer dans une réalité instructive, au coeur d’un polar monté de toutes pièces. On s’attache facilement à plusieurs protagonistes tel que l’inspecteur Jimmy Littlemore ou encore Stratham Younger.

L’histoire en elle-même est riche en rebondissements, rythmée par une action en constante évolution, une scène notamment vous fera monter l’adrénaline au summum ! L’intrigue est relativement bien ficelée et ne se laisse entrevoir que durant les dernières pages du livre, réservant ainsi des surprises de taille à vous faire sortir les yeux de la tête ! Jed Rubenfeld est un excellent marionnettiste, et nous ballote sans vergogne, ainsi que ses personnages, vers de fausses pistes, pour notre plus grand plaisir.

Je pourrais encore passer des lignes et des lignes à vous raconter ce livre formidable, que j’apparente à L’Aliéniste de Caleb Carr, qui se passe à la même période, dans la même ville, ce New-York du début 20ème où les meurtres sans scrupule rythment le sang d’une métropole en perpétuel mouvement, où l’argent est roi. Un coup de cœur pour moi, je me suis totalement abandonné dans cet excellent polar que je recommande à tous les adeptes du genre, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont lu L’Aliéniste.

Coup de cœur!!!

mardi 9 mars 2010




Article du 04/03/2010
Travail de fou à l'hôpital psychiatrique de Bassens

Après deux années très sensibles pour l'ensemble du personnel du CHS, qu'en t-il du service de psychiatrie savoyard?

« Certains postes manquent aujourd'hui. Je comprends qu'on ne remplace pas le menuisier ou l'électricien mais il faut maintenant 3 semaines pour qu'une ampoule soit changée » avoue un agent de service hospitalier. Les agents de services font partie intégrante du personnel hospitalier. Plus que d'assurer l'hygiène des locaux qui accueillent plus de 15 000 patients savoyards par an (intra et extra muros), les agents sont polyvalents tant dans le domaine de la surveillance et du gardiennage que pour la neutralisation des patients en crise.
C'est le cas de Matthieu, qui travaille comme agent de service dans le bâtiment Charcot. Son poste est particulier car il travaille au contact de patients chroniques, de grands dépressifs, des hystériques mais aussi des personnes atteintes de schizophrénies ou encore de la maladie d'Alzheimer. « Le pavillon accueille 30 patients qui nécessitent des soins et une surveillance permanents. Avec les infirmières et les aides-soignants, nous sommes en tout une trentaine pour nous occuper d'eux. Le problème c'est que nous sommes organisés par équipe de six et que la contention non violente d'un patient en crise nécessite quatre personnes. Dans ces cas là, seules deux infirmières restent seules pour s'occuper des 29 autres patients » avoue le jeune agent de service avant d'ajouter péniblement « nous sommes loin de la psychiatrie par la camisole de force, mais il y a des patients avec lesquels il serait possible de travailler plus alors que nous sommes de moins en moins ». Le personnel est clair : il manque de moyens, de temps et de soignants pour mener à bien son travail médical. Car c'est bien de cela qu'il est question : la qualité des soins médicaux spécialisés en Savoie.
LES LIVRES DE PSYCHANALYSE
JEUDI 25 FÉVRIER 2010

Portrait silencieux de Jacques Lacan

Claude Jaeglé












Paru le : 24/02/2010
Editeur : PUF
Prix : 15 €

Qui parle ? Qui se fait entendre à travers la voix de Lacan ? Est-ce un pickpocket ? Est-ce Lucifer ? Est-ce Bossuet ? Ou seulement une glousseuse ? Un soulard ? Un dresseur de puces ? Les personnages qui hantent la voix de Lacan introduisent à son œuvre par un biais sonore et intime. Le silence occupe la place essentielle dans la parole de ce grand prédicateur. Et la rareté de la voix comme objet théorique demeure une énigme de son œuvre.

Table des matières

Prologue

PREMIÈRE PARTIE. — LES MÉTAMORPHOSES DE LACAN AU COURS DU SÉMINAIRE
I. Un orateur plein de silences
Le public du séminaire et les « snobs » – L’exception des silences
II. Les vides au cœur de la théorie
La diction de Lacan – Agressivité de la prononciation – Évitement de la phrase – L’expérience sonore de la théorie – Une parole à mailles béantes – Dire Freud en français – Le Grand Sardonique – Merlin râleur
III. Personnages oratoires
Le psychanalyste – Le fils de la sourde – Lucifer et son cigare – L’amateur de phonèmes – Le vociférateur
IV. Le « charisme » de Lacan
Une théâtralité magistrale – Héritier de Kojève – Ambivalences du « charisme » – Bourdieu et Lacan

SECONDE PARTIE. — LES SILENCES CONTRE LA PRÉCIPITATION
I. L’étrange rareté du thème de la voix dans la théorie de Lacan
Le séminaire sur L’Angoisse – Rareté du thème de la voix – La voix acousmatique – L’objet voix – Le dépassement de la matérialité sonore – « Chaque progrès de la science… »
II. La voix du chofar
La pensée-à-voix-haute du séminaire – La séance du 22 mai 1963 – La voix, objet pulsionnel – Le « chofar » ou « schofar » – Admiration et agression de Reik – La dynamique du reproche – Mots-cactus – L’exigence scientifique et la modération de la voix (première apparition)
III. Une perception visuelle de la voix
L’origine de la voix – De Gaulle dans la voix de Lacan – L’expérience de l’hésitation dans la perception de la voix – Voix biblique et voix acousmatique – Vision assourdissante de la voix – Barthes : « Je vois le langage » – Anéantissement du sonore dans le gouffre de l’Autre – Les tambours du nô et la précipitation de la voix – La voix, « forme séparable »
IV. Du vide au néant
La séance du 5 juin 1963 – Le langage des sourds – La résonance dans le vide de l’oreille – L’oreille comme un pot – Démantèlement du sonore – Accents de prédication – Bossuet
V. Épilogue
Le ton des novices et le ton de Freud – « Ça ne marche qu’oralement » – L’exigence scientifique et la modération de la voix (seconde apparition) – Le mythe de la voix désaffectée – Un risque assumé avec passion – « L’analyse n’est pas une science » – Voisinage de l’hypnose – La voix enregistrée

A l'indépendant
http://alainindependant.canalblog.com/archives/2010/02/27/17062778.html
L'histoire pose les problèmes, et c'est la vérité du matérialisme historique; les prophètes répondent, et c'est la vérité de l'Esprit (Roger Garaudy)

Lacan passeur de Marx












Paru le : 25/02/2010
Editeur : Erès
Collection : Point hors ligne
Prix : 28 €


Lacan a lu Marx, assidûment, y compris et d'abord, Le capital à l'âge de 2O ans. Dans ses Écrits, comme dans son Séminaire, il rend hommage à celui qu'il considère comme l'inventeur, avant Freud, du symptôme. Il le critique toutefois d'avoir réduit sa formidable découverte de la plus-value à une réalité comptable, et de ne pas avoir été en mesure d'en saisir le ressort subjectif, à savoir la soif d'un « plus-de-jouir ».

Dans ce livre, Pierre Bruno non seulement recense tous les énoncés de Lacan, critique ou passeur de Marx selon les cas, mais il met aussi à l'épreuve les catégories de Lacan, celle de division du sujet, celle de discours capitaliste, celle de symptôme-sinthome, qui ont été en partie forgées à partir de la lecture de Marx. Au moyen de celles-là, l'auteur analyse deux figures couplées de la scission du sujet - Docteur Jekill et Mister Hyde dans le roman de Stevenson, Jeanne Dark et Mauler dans la pièce de Brecht Sainte Jeanne des abattoirs - et il examine les positions de Althusser, de Deleuze et Guattari, et de Zizek sur les relations entre Lacan, Marx et le capitalisme.

Pierre Bruno déploie ensuite une présentation minutieuse de l'analyse par Lacan du discours capitaliste, en tant qu'il déroge aux quatre discours initialement théorisés par lui. Enfin, il reprend, de Marx à Freud et de Freud à Lacan, la question axiale du symptôme : la clé de la psychanalyse n'est pas dans son éradication mais dans une transformation qui le délesterait de son impact pathologique.

http://les-livres-de-psychanalyse.blogspot.com/

LES LIVRES DE PSYCHANALYSE

Les Sens du rire et de l'humour
Daniel Sibony












Paru le : 25/02/2010
Editeur : Odile Jacob
Prix : 23 €


« Le rire est la cascade sonore par laquelle on reprend son souffle après qu’il a été coupé, légèrement, par une surprise agréable, un trait (d’esprit mais pas toujours), une différence vivace, un entre-deux qui, nous ayant un peu ouvert, nous a permis d’entrecouper le ronron, le sérieux-sériel du travail, la longue continuité avec soi-même. Le rire libère ou plutôt décharge une curieuse charge signifiante dont on a reçu le choc… » D. S.

C’est ainsi que Daniel Sibony, tout en intégrant les approches de Bergson sur le rire de situation, de Freud sur la levée du refoulement, et de Baudelaire sur le grotesque, donne au rire une dimension et une portée symboliques, transmetteuses de vie, qui engagent notre rapport à l’être, aux autres, à nous-mêmes. En quoi son approche est nouvelle. En passant il prend appui sur un vaste éventail d’exemples, de Devos à Woody Allen, du rire d’Abraham aux Marx Brothers, de l’humour juif ou anglais au rire de la joie ; et il le fait avec la finesse du psychanalyste.
NOUVELLES PSYCHANALYTIQUES

JEUDI 4 MARS 2010

La répétition à l’épreuve du transfert

Journée Nationale des Collèges Cliniques, 20 Mars 2010 en Avignon










Ce sont deux concepts fondamentaux de la psychanalyse qui sont proposés comme thème de travail cette année, dans une articulation qui indique que, s’ils ne sont pas sans lien, ils n’ont pas à être confondus.
Condition de l’interprétation, le transfert peut être facteur de résistance, de fermeture de l’inconscient, mais il est aussi le moteur de l’expérience, une condition du traitement.
L’expression « à l’épreuve » a, dès ses premiers emplois, le sens général « d’action d’éprouver » et spécialement, le mot équivaut à « souffrance, malheur ». C’est sous cette modalité que dans l’expérience analytique la répétition se manifeste et elle est contemporaine des premières questions posées par la pratique analytique. En effet, Freud dégage la notion de compulsion à la répétition à partir des phénomènes de la clinique et de la technique analytique, noués à la problématique du transfert. Non seulement l’analysant subit une compulsion à répéter ses inhibitions, ses symptômes, ce qui n’est pas reproduction, puisqu’en lieu et place de la remémoration, il traduit en acte des pensées refoulées, mais en plus il ne sait pas ce qu’il répète ni qu’il répète. Un « fragment de vie » échappe à la remémoration, à sa prise dans le langage. Cela va conduire Freud à introduire la pulsion de mort pour rendre compte de cette fonction de la compulsion à la répétition dégageant ainsi la dimension pulsionnelle.
Lacan fait de la répétition un concept fondamental en l’articulant au réel. Pour ce, il prend appui sur la distinction entre deux termes empruntés à Aristote, tuche et automaton qu’il fait respectivement équivaloir à la rencontre du réel (rencontre toujours manquée) et aux réseaux des signifiants. Le réel gît toujours derrière l’automaton. Pour le sujet, il existe une dimension d’irréductible, quelque chose qui résiste à la symbolisation, puisque ce qui conditionne la répétition c’est ce qu’elle produit, à savoir non pas quelque chose qui n’a pas eu lieu mais quelque chose qui est défaut, échec, non réussite, et qui par là même témoigne d’une jouissance.
Comment sortir du champ monotone de la répétition, est-ce qu’une analyse peut changer le cours de la répétition ? C’est là que le titre proposé « La répétition à l’épreuve du transfert » prend toute sa pertinence. « A l’épreuve » signifie aussi « qui peut résister à » indiquant l’importance du maniement du transfert. Au commencement de la psychanalyse est le transfert, et c’est dans l’actuel du transfert que se manifeste la répétition.
Lacan va disjoindre le transfert de la répétition en lui donnant son fondement dans la structure du « sujet supposé savoir ». Avec la règle de l’association libre, l’analyste offre au sujet la possibilité d’adresser sa question en lui supposant un savoir sur son symptôme, ce qui ouvre la voie à la répétition. La fonction de supposition de savoir est inhérente à la parole en tant qu’elle s’adresse à l’Autre et constitue un obstacle au dépassement de la répétition.
C’est à faire l’expérience de la parole avec tout ce que cela comporte de trébuchements, de lapsus, de silences, que la question de la supposition peut être découverte et que l’impossible à dire qui vient du réel de la structure peut être approché. Envisager une sortie possible de la répétition ouvre à la perspective de la contingence et de l’inédit, mais cela ne va pas sans l’acte analytique.

vendredi 5 mars 2010




Psychanalyse du héros de manga

Avec Psychanalyse du Héros de manga des années 80, Wandrille Leroy et Gosh vous proposent un portrait au vitriol de vos héros préférés! L'ouvrage est disponible depuis le 28 janvier aux éditions Warum, au prix de 5 euros!











C’est pas parce qu’on a des yeux immenses, des cornes ou des cheveux roses en pétard qu’on a pas de problèmes existentiels! Vu le succès remporté par La Psychanalyse des Héros de Manga chez Pierre Papier-Ciseaux, Wandrille a retravaillé l’ensemble du concept et a confié le dessin à Gosh, illustrateur et game designer qui a notamment participé à l'élaboration du dernier artbook de Café Salé.

Liste des patients: Goldorak, Sangoku, Ulysse 31, Niky Larson, Cat’s Eye... mais aussi Albator, comme le montre la planche ci-dessous:







JEU VIDÉO : SILENT HILL : SHATTERED MEMORIES











SYNOPSIS
Dans Silent Hill : Shattered Memories, vous incarnez Harry Manson, qui, à la suite de l’événement traumatisant vécu dans la ville de Silent Hill, décide de réaliser une psychanalyse afin de trouver la raison de son cauchemar. Entre hallucination et vérité, il lui faudra suivre un long chemin pour réunir l’ensemble de ses mémoires éparpillées… Un voyage à la recherche de la vérité dont vous ne reviendrez pas indemne !

CARACTÉRISTIQUES DU JEU
Le jeu s’adapte en fonction de vos actions, pour une spontanéité toujours renouvelée Une bande-son toujours aussi lancinante, assurée par le maître du suspense sonore : Akira Yamaoka Harry ne sait pas se défendre, à vous de lui apprendre quelques techniques de survie




« Sages comme une image », de Théa Rojzman. Les Enfants Rouges. Collection Isturiale.










Théa Rojzman, auteur de « La réconciliation » (Lattès), ouvrage cosigné de son père Charles Rojzman, psychologue inventeur du principe de thérapie sociale, et du « Carnet de rêves » (La Boîte à Bulles), nous revient avec « Sages comme une image », paru cette fois aux « Enfants Rouges », jeune maison d’édition créée par Nathalie Meulemans. Un titre singulier, comme les précédents, très caractéristique de l’œuvre de la jeune femme, marquée par la psychanalyse et l’art contemporain. L’auteur délaisse cette fois l’autofiction pour s’attacher au destin de Jordan et Dion, deux frères qui, confrontés à la violence intrinsèque d’un placement en foyer, choisissent de se réfugier dans un univers onirique. Un réflexe de défense, face aux agressions extérieures, qu’elles soient physiques, verbales ou psychologiques. Ce qui semblait n'être qu’un jeu, une manière d'embellir la réalité, finit cependant par virer à la psychose.
L’imaginaire finit par prendre le pas, les isolant chaque fois un peu plus. Théa Rojzman nous présente des enfants livrés à eux-mêmes, des parents absents, des institutions parfois dépassées, hésitantes sur la stratégie à aborder. L’auteur prenant pour principe de s’exprimer du point de vue de l’enfant, « Sages comme une image » prend des allures de plongée dans les enfers de la pédopsychiatrie, avec de trop rares apparitions de cet amour dont les enfants ont pourtant viscéralement besoin. Le trait de Théa Rojzman est à l’unisson, pleinement en phase avec l’imaginaire des Jordan et Dion – dessins d’enfants compris - tout en restant fidèle à sa ligne graphique. Un bel album, difficile et impliquant et finalement optimiste. Plus resserré dans sa structure, plus directement accessible que « Le carnet de rêves », sans doute moins cérébral mais aussi plus distancié, il devrait contribuer à faire connaître plus largement le travail de Théa Rojzman.

104 pages. 17 euros.

Chronique de Philippe Belhache




Cirque

PSY à la Tohu - Thérapies inachevées Névroses à géométrie variable








Photo : David Poulain

La troupe de cirque Les 7 doigts de la main revient à la charge à la Tohu avec PSY, une quatrième création fort audacieuse.











Six ans après avoir inauguré la Tohu, la troupe de cirque Les 7 doigts de la main revient à la charge avec PSY, une quatrième création fort audacieuse, où 11 acrobates partagent le divan du psychanalyste pour exorciser la maladie mentale. Mais ce voyage au cœur du délire s'éparpille au passage et ne réussit pas tout à fait à mettre le doigt sur le bobo.




Livres
Critique
25.02.10

"Mon analyse avec le professeur Freud", d'Anna G. : la vie sexuelle d'Anna G.

Il y a toujours eu dans l'histoire des médecines de l'âme plusieurs manières d'exposer les cas cliniques. Tantôt c'est le thérapeute qui reconstruit une fiction vraie afin d'éprouver la validité de ses thèses, tout en conservant l'anonymat du patient ; tantôt c'est le patient qui rédige son journal de cure : on a alors affaire à un témoignage écrit qui exprime une tout autre vision du déroulement de l'expérience







Psychanalyse
"Mon analyse avec le professeur Freud",
d'Anna G.


Depuis des décennies, les historiens de la psychanalyse ont, de leur côté, révisé et réécrit l'histoire des patients anonymes en dévoilant leur véritable identité. Ils se sont aperçus que, bien souvent, cette histoire était très différente de la fiction reconstruite par le thérapeute. Dans ce type de recherche, l'historien donne la parole à un patient sans écriture après avoir retrouvé sa trace dans des archives. S
'agissant de Freud, les grands cas originels ont été identifiés, commentés et réinterprétés par les historiens. Et l'on sait désormais que les reconstructions du maître viennois - Dora, l'Homme aux loups, le petit Hans, notamment - ne rendent pas forcément compte de la destinée ultérieure des patients traités. Pour autant, elles ne sont ni des falsifications ni des affabulations.

Conseils d'abstinence

C'est à Anna Koellreuter que l'on doit la découverte d'un récit d'Anna Guggenbühl (1896-1982), sa grand-mère, dans lequel se trouvent à la fois le commentaire de celle-ci sur sa cure et un verbatim des interventions de Freud. A l'âge de 27 ans, le 1er avril 1921, cette jeune psychiatre formée dans le sérail de la célèbre clinique du Burghölzli, à Zurich, se rend à Vienne pour suivre une analyse avec le fameux professeur, laquelle s'achèvera le 14 juillet. Fiancée depuis des années avec Richard, un camarade d'études, et ayant eu de nombreuses aventures amoureuses, Anna a des doutes sur son envie de l'épouser. Son désir s'émousse, alors que le mariage est programmé, dans ses moindres détails, par sa famille. Décidée à comprendre les raisons inconscientes de son hésitation, elle quitte ses parents et son travail d'autant plus librement qu'elle souhaite rencontrer celui qu'elle considère comme la plus grande oreille de son époque.

Elle ne sera pas déçue ! En virtuose de l'interprétation foudroyante, Freud, après l'avoir écoutée, lui explique qu'à l'"étage supérieur" de sa vie se déploie son conflit avec son fiancée. Pour en saisir la signification, ajoute-t-il, il faut explorer l'"étage intermédiaire", qui la renvoie à sa relation névrotique avec son frère, puis l'"étage inférieur" - totalement inconscient - qui concerne sa relation avec ses parents. En d'autres termes, il lui explique qu'elle est amoureuse de son père, qu'elle souhaite la mort de sa mère et que c'est son attachement à son frère, substitut de son père, qui explique sa valse hésitation permanente : "Vos amants sont des substituts de vos frères, c'est pourquoi ils ont tous le même âge alors qu'ils sont moins mûrs."

Comme toujours, Freud se passionne pour son concept du complexe d'Œdipe. Soucieux aussi de l'avenir de sa patiente, il ne peut s'empêcher de lui donner des conseils d'abstinence qu'elle ne suit guère. Au fil des associations libres - où l'on découvre de fantastiques histoires de masturbation, de chats, de borgnes, de gardeurs d'oies et d'airs d'opéra -, elle décide d'annuler son mariage, de partir pour Paris et d'épouser Arnold, fameux sculpteur de Brienz (canton de Berne), qui lui a fait savoir combien il l'aime. Ils fonderont une famille et resteront unis une vie entière.

La cure s'achève sans que soient explicités ni le pourquoi ni la raison de cette décision. Cependant, on saisit qu'elle se produit au moment où Freud dit à Anna qu'elle est sous l'emprise d'un défi lancé à ses parents. Et l'on peut supposer que c'est la levée de ce désir refoulé d'emprise qui la conduit à rompre ses fiançailles et à désobéir enfin à son père. Celui-ci la poussait à ne pas quitter son fiancé et lui avait demandé un jour : "Comment se comporte-t-il au juste, ce professeur Freud ? Quand rentres-tu et qu'as-tu décidé concernant R. ? Voilà ce que te demande ton papa en t'adressant ses pensées affectueuses."

Les meilleurs spécialistes du freudisme germanophone et anglophone ont été convoqués pour commenter chaque mot de ce journal magnifiquement traduit en français par Jean-Claude Capèle : Ernst Falzeder, Karl Fallend, Thomas Aichhorn, John Forrester, Pierre Passett, Juliet Mitchell, André Haynal, Ulrike May, August Ruhs. Chacun livre une interprétation personnelle du cas, ajoutant au corpus initial une vaste narration post-freudienne, kleinienne, lacanienne ou simplement historiographique. Cette passionnante anthologie contribue à enrichir les annales de l'histoire de la psychanalyse.

On regrettera toutefois que l'éditeur français ait trouvé bon de substituer un titre banal (Mon analyse avec...) à celui de l'édition allemande, qui reprenait le fragment de la lettre adressée à Anna par son père (Comment se comporte-t-il au juste, ce professeur Freud ?). Notons aussi que le patronyme de l'auteure a été supprimé et que plusieurs contributions ont été enlevées sans être résumées dans la présentation. Par ailleurs, la bibliographie est défaillante : certains titres devraient être mentionnés en français et d'autres en anglais. Enfin, il manque des notices biographiques concernant les contributeurs, peu connus du public français. Dommage, car le document est bel et bien fascinant.

MON ANALYSE AVEC LE PROFESSEUR FREUD (WIE BENIMMT SICH DER PROF. FREUD EIGENTLICH ?) d'Anna G. Edité sous la direction d'Anna Koellreuter, traduit de l'allemand par Jean-Claude Capèle. Aubier, "Psychanalyse", 352 p., 23 €.
Elisabeth Roudinesco

Article paru dans l'édition du 26.02.10.

Extraits

Sigmund Freud : "La dernière fois, nous avons vu que vous vous ennuyez, que vous souhaiteriez aimer quelqu'un. Il y a deux voies possibles dans l'analyse : certaines personnes doivent tout faire ; les autres, ceux chez qui il y a assez de matériel psychique, affrontent tout dans le psychisme. Si c'est possible, laissez tomber les aventures. Souffrez, supportez la privation, de sorte que tout apparaisse d'autant plus clairement pendant la séance." (p. 50)

Freud : "Il y a tout d'abord la disponibilité intellectuelle, on accepte les preuves de l'inconscient et c'est après seulement qu'on l'admet aussi sur le plan émotionnel, et enfin, en conclusion, viennent s'ajouter encore des souvenirs directs. L'amour pour votre frère - un amour bien conscient, lui - n'est pas la strate la plus profonde, et c'est pourquoi la conscience de son existence ne sert à rien, vous ne pouvez pas vous en libérer, car il est conditionné à un niveau plus profond." (p. 53)

Freud : "La crainte que vous deviez par la suite contracter un autre mariage, encore plus bête, parce que vous n'en pouvez plus est totalement absurde, car c'est précisément le but de la cure que de vous apprendre à maîtriser cette pulsion et donc que vous puissiez vous marier librement et non par peur de la pulsion." (p. 60)

("Mon analyse avec le professeur Freud".)





mercredi 3 mars 2010

Viva magazine
[01.03.10]

Dans toute la France, les capacités à soigner se détériorent


Les gros Chu de région taillent eux aussi dans le vif, l’emploi, par le biais des départs non remplacés  : 800 suppressions de postes d’ici à 2013 aux Hospices civils de Lyon, 650 à Nancy, 387 au Havre.

Une décision administrative

Dr Bertrand Léobon, hôpital des enfants du Chu de Toulouse.

Fin 2009, l’agence régionale de l’hospitalisation (Arh) a ordonné la fermeture de l’activité de chirurgie cardiaque pédiatrique du Chu, au mépris des risques liés au transfert des enfants, dont les nouveau-nés, vers d’autres sites (Bordeaux, Marseille ou Paris)  ! Et ce, alors même que les trois comités régionaux d’organisation sanitaire de Midi-Pyrénées, d’Aquitaine et du Limousin s’étaient prononcés en faveur du maintien d’une activité dans ces régions et que les travaux de mise aux normes allaient être achevés en 2010. _ Pour le Dr Bertrand Léobon, responsable de l’activité, «  il s’agit d’une décision administrative et d’une interprétation très sévère des décrets. Nous venions pourtant de créer avec la clinique Pasteur, sur demande de l’Arh, qui voulait mutualiser les compétences et les moyens, un groupement de coopération sanitaire installé sur le site de l’hôpital Purpan  ». Est-ce une application de la loi « Hôpital, patient, santé et territoires » visant à réduire l’offre de soins à travers une vision purement financière de la santé  ?

24 heures (au lieu de 2) en salle de réveil

Annie Carraretto, infirmière aux urgences de l’hôpital Pellegrin (Chu de Bordeaux).
«  Nous sommes en permanence en butte à des fermetures de lits du fait du manque de personnel soignant, qui n’est pas remplacé lorsqu’il est en congé ou en arrêt de maladie. Le problème est particulièrement criant en orthopédie et en traumatologie (le gros des urgences). Aux urgences, certains patients attendent longtemps sur un brancard dans les couloirs, et d’autres passent parfois vingt-quatre heures en salle de réveil, alors que la durée de présence y est théoriquement limitée à deux heures  ! En néonatalogie et en réanimation médicale, le ratio de patients par infirmière est rarement respecté  : le Chu est dans l’illégalité   », dénonce encore Annie Carraretto. Elle dresse un autre constat  : «  Les cliniques privées ont bénéficié de financements de l’Etat pour assurer des missions de service public… mais ne jouent pas le jeu. Quand on manque de lits aux urgences, des chirurgiens orientent leurs malades vers le privé, lequel ferme aussi des lits pendant les vacances, les fêtes, etc. L’hôpital a vocation à accueillir tout le monde, mais pas le privé à but lucratif, a fortiori lorsque les malades ne peuvent pas payer de dépassements d’honoraires.  »

Le repos compensateur n’est plus applicable

Dr Jacques Ducos, directeur de l’unité d’hépatite virale au laboratoire de virologie du Chru de Montpellier.

«  La loi Bachelot va chasser les médecins les plus prometteurs. Au Chru de Montpellier, deux praticiens de “ discipline mixte ” vont ainsi bientôt partir travailler dans le privé. Les internes envisagent de quitter l’hôpital. »
« En virologie, par exemple, beaucoup iront travailler dans des labos privés qui proposent des salaires beaucoup plus attrayants, sans astreinte et avec moins de responsabilités. Avec la T2A, on demande aux médecins de faire de la productivité  ? “ Alors, mieux vaut le faire dans le privé ”, estiment-ils. Les praticiens de ma génération resteront à l’hôpital, mais ils ne pourront être remplacés. »
« Avant, passé cinquante-cinq ans, on n’assurait plus de gardes. Aujourd’hui, à soixante-quatre ans, un de mes confrères du service continue à faire des astreintes. Les repos compensateurs  ? Il est souvent impossible de les prendre, car ça désorganiserait les services, ce qui pose des problèmes de sécurité. Les hôpitaux sont exsangues et, avec l’évolution technocratique de la médecine, les usagers seront moins bien soignés, avec un coût supérieur… à leur charge.  »

Des équipes « bouche-trous  »

Rachelle Bochel, chef du service de psychiatrie au Chu de Nantes, présidente de l’intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers (Inph).

«  En psychiatrie, 70 % des dépenses concernent le personnel : il n’y a pas de plateau technique. Ainsi, lorsque des restrictions budgétaires sont opérées, il s’agit de suppression de postes, notamment de personnel qualifié (cadres de santé, psychologues... et même parfois médecins). Les hôpitaux ont trouvé la parade : les équipes de suppléance, mais elles n’ont pas les compétences requises et servent de “bouche-trous”dans les différents services du Chu  ! Alors qu’en psychiatrie c’est l’humain et le relationnel qui priment ». « Chaque année, la population nantaise progresse fortement, alors même que les pouvoirs publics ne créent plus de lits ni de structures de soins supplémentaires. Les réductions budgétaires touchent fortement la psychiatrie ambulatoire ainsi que les solutions de remplacement à l’hospitalisation complète. Cela est d’autant plus dommageable, car ces structures ont un rôle préventif, et limitent les risques de récidive  ».

300 personnes pour débattre de la souffrance au travail

Béatrice Thorez, présidente déléguée de la Mutuelle Smh à Lille.

300 personnes – mutualistes, membres du personnel soignant, cadres hospitaliers, médecins et inspecteurs du travail, élus et responsables syndicaux, membres de Chsct – ont participé, le 21 janvier à Lille, à un colloque sur la souffrance au travail organisé par la Mutuelle Smh et l’Anfh (Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier). Pour Béatrice Thorez, «  ce succès est double  : il signifie que la Smh a réussi à fédérer tous les acteurs du monde de la santé et que ces derniers vont enfin pouvoir travailler ensemble sur ce sujet. Il y avait une attente forte en ce sens lors du colloque. Reconnaissance par les hiérarchies du mal-être au travail, nécessité pour les Chsct de traiter le travail dans sa globalité (conditions et organisation du travail), reconnaissance des métiers, de la pénibilité du travail des salariés du monde de la santé, reconstruction de la solidarité et de l’esprit d’équipe, tels sont quelques-uns des problèmes soulevés lors de ce colloque, auquel nous entendons donner une suite  ».

Infirmières sur le départ Caroline Abid.

Infirmière en puériculture aux urgences pédiatriques de l’Archet II à Nice.

« Ce qui se passe au niveau de la pédiatrie est un exemple caractéristique de la loi Hôpital Patient Santé Territoire. Dans quelques mois un Groupement de Coopération Sanitaire va regrouper la pédiatrie publique de l’Archet et semi-publique de Lenval à Nice. Cela aura des conséquences importantes car la fusion se fera dans des locaux mal préparés et trop exigus. Les enfants pris en charge, contrairement aux beaux discours, le seront dans de moins bonnes conditions et le personnel sera également touché puisque 20 infirmières sont censées être sur le départ et ce n’est qu’un commencement. Ce regroupement s’effectue en termes d’économies et à terme les usagers n’auront plus le choix puisque tout sera concentré sur le site de Lenval. Le statut des personnels sera également modifié et c’est là le reflet des Pôles mis en place dans les hôpitaux appelés à devenir des micros - entreprises ce qui est incompatible avec l’idée même de service public.

Reprise en main

Geoffroy Bertholle, élu Cgt aux hospices civils de Lyon.

« A Lyon, on peut dire que la situation en matière de gestion hospitalière est prise en main directement par le chef de l’état ou, tout du moins, par l’un de ses proches » s’insurge Geoffroy Bertholle, élu Cgt. Il en veut pour preuve la nomination, au printemps dernier, comme directeur général adjoint des Hospices civils de Lyon (Hcl), de Julien Samson, 32 ans, précédemment conseiller technique pour la protection sociale auprès de Nicolas Sarkozy. Les Hcl affichaient alors un déficit de 94 millions d’euros. « Le chef de l’état veut faire de Lyon une exemplarité en matière de gestion des grands pôles hospitaliers » poursuit Geoffroy Bertholle. Et les décisions ne se font pas attendre. En août, le directeur, Paul Castel annonçait « le non remplacement d’un départ sur deux pour le personnel médico-technique, et de trois départs sur quatre pour les soignants » Ainsi que la division par quatre des investissements et la programmation des ventes du patrimoine immobilier des Hcl. La Cgt estime que le nombre de 1 500 emplois (équivalents temps plein) ont déjà disparu au sein des Hcl, entre 200 et 2008.

Comment construire une équipe ?

Dr Éric Salomé, président de la commission médicale d’établissement de l’Etablissement public de santé mentale des Flandres à Bailleul (Nord)
« En psychiatrie, nous sommes surtout préoccupés par l’impact des réformes sur notre pratique, sur notre philosophie du soin qui s’est cristallisée sur la forme de la sectorisation.
Un secteur correspond à une zone géographique et à une équipe dont le travail n’est pas centré sur l’hôpital, mais sur une prise en charge du patient en réseau, avec des consultations en ville, des visites à domicile etc. Or, la mise en place des pôles entre en conflit avec cette organisation traditionnelle de la psychiatrie.
A Bailleul, notre proposition de transformer le secteur en pôle, n’a pas été retenue par la direction.
Ailleurs, d’autres formules ont été retenues. Tout cela entraîne désorganisation et incertitude.
L’une des finalités des pôles est la mutualisation des moyens, un infirmier d’une unité pouvant être amené à travailler dans une autre unité du pôle. Or, dans cette spécialité, le lien, le relationnel, la continuité sont essentiels.
Comment construire une équipe, un esprit d’équipe avec des gens qui changent régulièrement et ne sont pas sûrs de leur poste ? »

Maïté Pinero, Karine Pollet, Florence Quentin, François Fillon, Sylvaine Frézel, Daniel Cassini



PSYCHIATRIE MODE D'EMPLOI
Par Guy Baillon

« L’ACCUEIL », contre "la garde à vue" de 72 h

Soyons simples tout en cherchant à bâtir une psychiatrie "pointue", on ne peut décider de la vie des hommes depuis son bureau comme le montrent certains projets de loi. Partons de ce qui se passe lors de la rencontre avec une personne souffrant de graves troubles psychiques.

En effet tout soin psychique pour un trouble psychique, quel qu’il soit, commence par un temps d’accueil de la "personne", car autant le dire tout de suite, nous parlons d’hommes et de femmes, et non de paquet-poste.

En réalité nous allons voir qu’un "accueil" ce n’est pas seulement un moment, ni une attitude, c’est d’abord "une façon d’être" des soignants face à chaque personne malade, ce qui veut dire que les soignants vont continuer à être ‘accueillants’ lors des différentes séquences des soins.

Il est exact que l’on note que c’est le premier contact, à la première rencontre, qui "marque" le climat du lien qui s’établit avec un patient, pour les années à venir.

La personne qui souffre, qu’elle vienne seule dans un lieu d’accueil, ou mieux, accompagnée, est le plus souvent dans un grand désarroi car elle ne sait pas bien ce qu’elle a, ne connaît pas ceux qu’elle vient voir ; par contre elle a "peur d’une chose" c’est qu’on lui dise que la question qui l’amène est "psy". Trop de faits, trop de mots négatifs se sont accumulés autour d’elle dans notre société sur les faits "psychiatriques" pour faire que ceci soit facile. Cette rencontre est "toujours" inquiétante. Donc a priori la personne a peur.

En fait cet accueil va se répéter, se renouveler de façon variable tout au long de la vie des personnes qui sont en traitement psychique. Une même blessure se réveillera à chaque moment dit "aigu", ou urgent. Un nouvel accueil sera nécessaire. Comment s’y prendre ?

C’est bien pour cette raison qu’un certain nombre d’entre nous dans leur équipe de secteur se sont battus pour créer un espace "banal", non "marqué par les soins lourds", et bien sûr, situé hors de tout hôpital, surtout psychiatrique (celui qui fait le plus peur) ; on crée un "Accueil" dans quelques pièces simples de plein pied, d’une maison ou d’un immeuble, et on reçoit.

Nous y accueillons sans rendez-vous ces personnes seules, ou accompagnées ; parfois c’est une famille venant seule "discuter à bâtons rompus" d’un "éventuel" problème psy, …

Nous nous présentons ("nous", car il est pertinent d’être deux pour recevoir, parmi une équipe de 6 à 8 infirmiers, une psychologue, un médecin) avec nos noms et nos fonctions générales ; nous faisons une rapide visite du lieu pour rassurer ; on fait en sorte que la personne se sente à l’aise, un peu comme si nous la recevions chez nous, et avec simplicité.

Tout ceci est tout simple, pourtant nous l’oublions si vite dès que le terme "urgence" a été utilisé par quelqu’un, aussitôt on se précipite, on veut tout savoir tout de suite ; ainsi on fait peur, tout se bloque, et on ne comprend pas pourquoi ! Alors recommençons doucement.

Quels que soient les faits, l’agitation ou le calme, l’important c’est le visage de la personne.

Le visage. Oui nous accueillons d’abord le visage de l’autre. Tout est dans le visage. Pour cette raison, chacun des soignants se demande juste avant l’entretien si son propre visage est "accueillant", ou s’il est encore occupé par cent ou… mille choses. Si oui, il vaut mieux attendre un instant, … Après nous sommes disponibles pour parler.

Nous faisons en sorte que ce qui est dit "urgent" soit d’emblée et facilement déposé là.

Ayant montré que tout nous intéresse, nous prenons le temps de nous connaître un peu, laissant les inquiétudes se décanter. Il y a tant de choses dont nous pouvons parler.

Si la personne est accompagnée, nous ne cherchons pas d’emblée, comme pour un examen médical classique, à séparer tout le monde, et recevoir le malade seul, écartant la famille, et tous les autres. Au contraire ici, nous profitons de cette présence multiple pour permettre à chacun de parler, d’évoquer les faits récents ou anciens, … sans craindre les avis différents sur une situation donnée ; chaque apport sera le point d’appui pour l’un des futurs échanges, nous y reviendrons. Tout se passe vite, nous sentons que nous avons encore beaucoup à nous dire. Alors on décide de se revoir demain, et quelques jours ou semaines de suite.

Vous avez déjà compris que deux points sont importants, que dis-je, absolument essentiels. Ce sont : d’avoir à sa disposition un temps suffisant, et de répéter la rencontre, mais surtout avec les mêmes soignants qui reçoivent et écoutent.

Ce sont ces deux éléments qu’il faut détailler, expliquer, reprendre inlassablement entre nous, inlassablement, car chacun croit qu’il y a une solution à trouver, alors que l’essentiel est de nouer un lien, là.

La personne qui souffre, ne sait pas comment s’expliquer, la famille qui vient seule ou l’accompagne ne sait pas quels mots employer. La gêne initiale est grande. Si des mots viennent à évoquer la psychiatrie d’une façon ou d’une autre c’est aussitôt la crainte, voire la honte ; le dialogue risque de s’arrêter avant que d’avoir commencé, il faut du temps, de la simplicité, du temps encore.

Pouvoir parler des choses simples de la vie pour établir la confiance.

Croyez-vous qu’en 15 à 30 minutes dans une salle dite d’urgence, ou dans un climat d’urgence quelque chose comme cela peut commencer ? Pour le penser on voit que vous n’avez jamais essayé, et n’êtes pas sortis de votre bureau !

Vous croyez que si j’ai commencé à parler de mes difficultés, de mes souffrances à une ou deux personnes dans un centre le premier jour et que je suis à nouveau capable d’en reparler le lendemain et le jour d’après, vous croyez que je vais tenir si à chaque fois je rencontre une personne nouvelle, voir 6 à 12 personnes en trois jours. Mais vous ne savez vraiment pas ce qu’il en coûte de parler de cette souffrance, de tout ce qu’il y a autour et que ne je sais pas bien dire. Vous pensez vraiment que je vais pouvoir le redire. Vous n’avez pas compris ma honte, ma tristesse qui s’ajoute à tout le reste. Mais si ce n’est pas la même personne que je vois ce jour, alors qu’hier elle m’a dit ‘à demain !’ et pareil le jour suivant, je comprends que je ne l’intéresse pas, que ses paroles d’accueil étaient ‘mécaniques’, que vous-mêmes vous n’y croyiez pas. Pour arriver à parler de ces choses si intimes et que je saisis mal, il me faut du temps, il faut que je me sente en confiance, …vous ne m’avez pas accordé la vôtre !

Savez-vous la meilleure ? J’ai entendu dire que dans je ne sais quel pays du Nord ils ont inventé un « SAS » où, pour je ne sais quelle maladie, on est envoyé et enfermé trois jours ; il parait que les pauvres gens qui y vont doivent ‘avouer’ qu’ils sont malades et accepter des pilules pour pouvoir être « libérés », sinon ils sont envoyés dans un service fermé ou surveillés à domicile avec obligation de prendre un traitement ! Les pauvres ! J’ai dû faire un cauchemar, ou bien c’est pour une maladie rare comme le diabète rebelle. Mais je sais que chez nous ça ne pourrait pas être inventé pour les problèmes psychologiques, n’est-ce-pas ? Nos élus sont trop intelligents pour oser décider ça et même l’écrire dans une loi. Les promoteurs rêvent de police et de garde à vue, en médecine ! Ils se sont trompés de métier !

A la semaine prochaine, nous avons encore beaucoup à nous dire entre accueil et psychiatrie, mode d’emploi.…

Guy Baillon



Le JDD
http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Actualite/La-grande-deprime-des-pedopsychiatres-175509/

La grande déprime des pédopsychiatres

En neuf ans les consultations de psy pour les jeunes ont augmenté de 7%. Troubles mentaux en hausse, parents plus inquiets... Dans le JDD, des psychiatres pour enfants tirent la signal d'alarme.

C’est un bon élève qui, soudain, campe la nuit devant la télé, "branché sur un autre fuseau horaire", et traîne les pieds pour aller au lycée. Un garçon d’ordinaire affectueux qui insulte ses parents et "fait régner la terreur" à la maison. "On ne reconnaissait pas notre bébé devenu un grand gars d’un mètre quatre-vingt. On a essayé de lui parler, de poser des limites mais rien ne marchait. Un jour, j’ai carrément eu envie de lui casser la gueule", se désole le père. Ce dernier a fini par comprendre que les bouffées de colère quotidiennes étaient le symptôme d’une véritable dépression, en partie causée par des angoisses scolaires. Les médecins ont conseillé une petite coupure avec le milieu familial et le couple a opté pour une hospitalisation dans un service spécialisé pour adolescents. "Le séjour, assez court, a fait du bien à mon fils. Heureusement, on a pu avoir une place mais ça n’a pas été facile. Un jour, on nous a laissé un message pour nous dire qu’un lit se libérait. Quand on a rappelé, il était déjà pris. Pourtant le cas de notre fils était urgent lui aussi ! On a dû patienter une semaine pendant laquelle on s’est inquiété. Après tout, il avait déjà fait une tentative de suicide."

Délais de prise en charge trop longs, centres d’accueil engorgés, dépistage tardif, le Conseil économique et social (CES) a pointé cette semaine dans un rapport les lacunes de la prise en charge des troubles psychiatriques chez l’enfant et l’adolescent. Selon le ministère de la Santé, le nombre de patients pris en charge par la pédopsychiatrie a augmenté de 7% depuis 2000. Rapporteur du texte et membre du CES, Jean-René Buisson a rencontré plusieurs pédopsychiatres qui tirent la sonnette d’alarme: leurs services sont saturés et les listes d’attente s’allongent. "Il y a un vrai problème: le délai moyen pour un premier rendez est de six mois à un an", dénonce Jean-René Buisson. Interrogés par le JDD, plusieurs chefs de service exerçant dans les hôpitaux publics confirment manquer de moyens humains pour accueillir correctement les familles.

"Le constat dressé par le rapport Buisson est un peu sévère parce que la pédopsychiatrie française est dans un bien meilleur état que dans d’autres pays mais il est vrai que nos équipes travaillent beaucoup, de façon intense, avec souvent l’impression de ne pas pouvoir faire de la qualité", observe la psychiatre nantaise Nicole Garret. "La pédopsychiatrie, c’est avant tout des moyens humains. Or on peine à obtenir des postes de psychologue, d’orthophoniste, de psychomotricien, alors que dans d’autres services hospitaliers, on investit dans des appareils très coûteux comme les scanners", renchérit Daniel Marcelli, chef du service de psychiatrie infanto-juvénile du CHU de Poitiers (1).

"On court le risque de voir les choses s’aggraver"

Ces délais ne sont pas sans danger pour la santé des jeunes. "Un ado qui sèche l’école, passe des heures devant son ordinateur en refusant de sortir doit pouvoir exprimer son mal-être. Si on attend six mois pour obtenir un rendez-vous, on court le risque de voir les choses s’aggraver et même d’en arriver à des tentatives de suicide. La dépression d’un ado, ça se soigne assez facilement, à condition d’être prise en charge de façon précoce", prévient Marie-Rose Moro (2). La chef de service de la Maison des adolescents de Cochin, Maison de Solenn, le constate tristement: "Les pouvoirs publics sont conscients que nous manquons de moyens mais au moment de faire les arbitrages budgétaires, notre discipline est toujours la grande perdante."

Dans les cabinets privés, les parents se heurtent aux mêmes goulets d’étranglement. Marie-Noël Tardy, pédopsychiatre à Paris, est, elle aussi, débordée: "Dans mon cabinet, nous sommes six médecins, notre agenda est complet pour plusieurs mois. Nous gardons des créneaux pour les grandes urgences."

Dans son rapport, Jean-René Buisson fait part d’un certain nombre de préconisations pour améliorer la prévention et la prise en charge. Il insiste notamment sur l’urgence d’associer l’école au repérage précoce des troubles des élèves et réclame une revalorisation du rôle du médecin scolaire (augmentation du nombre de postes, révisions des grilles salariales). Le rapporteur suggère aussi de mieux former les enseignants au dépistage, de mettre en place des "psychologues référents" au niveau des académies et de mieux impliquer le médecin et les infirmiers scolaires. "Nous sommes un rouage indispensable, un premier filtre, souligne Corinne Vaillant, médecin de l’Education nationale. C’est à l’école que nous pouvons établir un prédiagnostic. Nous sommes de plus en plus sollicités, les problèmes en milieu scolaire émergent de façon explosive, d’où l’urgence d’agir le plus précocement possible."

(1) Il est permis d’obéir: l’obéissance n’est pas la soumission, Albin Michel.

(2) Nos enfants demain, pour une société multiculturelle, Odile Jacob.




Le Dauphiné Libéré

CENTRE HOSPITALIER DE ST EGREVE

Il manque 10 médecins et 25 infirmières


par La Rédaction du DL
le 28/02/10


Il manque 10 médecins et 25 infirmières

Aujourd'hui, sur les 110 postes de médecin au centre hospitalier, 10 sont vacants bien que financés. Et sur les quelque 450 postes d'infirmier (surtout des infirmières, d'ailleurs), 25 sont vacants mais occupés par des aides-soignants.

Pourquoi une telle désaffection ? « Il y a le problème de la démographie médicale, accentué ici par le fait que la psychiatrie publique est très lourde et contraignante. Malheureusement, la psychiatrie générale n'attire pas. Et un psychiatre qui quitte la médecine publique pour s'installer en libéral va doubler son revenu, résume Pascal Mariotti. Par ailleurs, notre établissement subit une "désattractivité" supplémentaire du fait des conflits qu'il a connus au sein du corps médical dans les 10 dernières années et qui ne sont pas complètement éteints. Nous devons donc trouver les moyens de rendre notre établissement attractif, sachant qu'il est bien placé géographiquement et situé dans une grande ville. »

Pour les infirmières, on sait qu'il y a une pénurie générale, « mais s'ajoute ici le problème de la cherté des loyers sur l'agglomération grenobloise. Une des solutions serait d'avoir des conventions avec les bailleurs sociaux pour faciliter le logement des postulant(e) s ».

Paru dans l'édition 38H du 28/02/2010 (fe61bdda-1d9f-11df-8ebb-e3d913c3caa9)






Elisabeth Roudinesco: «Jouir de la vie n’est pas une pathologie»

DSM5

La cinquième version du DSM, la bible américaine des troubles psychiatriques, est en cours d'élaboration mais génère déjà de virulentes critiques, notamment des psychanalystes. Normal, ce manuel nie simplement l'inconscient.

MARIE-CLAUDE MARTIN | 28-02-2010 |

Historienne et psychanalyste*, Elisabeth Roudinesco combat depuis longtemps l’idéologie du DSM, cette «bible» qui aspire à faire de la psychiatrie une branche de l’hygiène publique.

Elle ne mâche pas ses mots à l’égard de ce modèle cognitivo-comportemental qui nie l’inconscient: «Instrument de la norme sociale, le DSM tend non seulement à remplacer la religion mais aussi, par une sorte de novlangue sensée résoudre les problèmes sans discussion, à se substituer à l’exercice de la politique fondée sur le conflit, la contradiction et la dialectique.

D’ailleurs, il n’y a même plus de langage dans ce manuel du docteur Diafoirus où l’homme est réduit réduit à des initiales et à un chiffre. C’est une sorte de dictature molle, mondialisée et horizontale, un petit fascisme qui prétend gouverner la vie quotidienne au nom de la lutte contre de vrais fléaux: un verre de vin est associé à l’alcoolisme, la gastronomie à une dépendance alimentaire. Mais jouir de la vie n’est pas une pathologie.

L’humain est fait de passions, d’excès et de raison mêlés. Les supprimer, c’est supprimer la vie.»

Pays de paradoxes

Elisabeth Roudisnesco va plus loin: «La psychiatrie telle que la reformule le DSM considère l’humain comme une somme de particularismes. C’est la dislocation de l’universel dans le particulier, la porte ouverte à tous les communautarismes.» Et le plus insensé, relève l’historienne, c’est que «tout ce projet s’élabore dans un pays, les Etats-Unis, où Obama se fait traiter de nazi quand il souhaite une sécurité sociale pour tout le monde.»

La psychanalyste met aussi en avant l’absence de sérieux de cette entreprise qui «fait entrer et sortir des pathologies au gré des groupes de pression.»

Guérir le cancer avec des fraises

Elle craint une crise de confiance massive, un peu comme celle que la France vient de connaître avec la mauvaise gestion de sa campagne de vaccination contre la grippe A où certains ont pensé qu’on inventait une maladie pour écouler les vaccins.

Les conséquences de cette médicalisation à outrance, c’est le retour de l’obscurantisme. «A force de faire passer pour scientifique ce qui ne l’est pas, les gens risquent de se détourner de la vraie science pour se jeter dans les bras de l’irrationnel, chez ces charlatans qui prétendent guérir le cancer avec des fraises.»

Enfin, elle relève le caractère délirant de ce manuel inflationniste «qui fabrique des excès qu’il va ensuite dénoncer en les nommant.»

Une réédition du livre Élisabeth Roudinesco, Théroigne de Méricourt, une femme mélancolique sous la Révolution, paraît le 4 mars chez Albin Michel, avec une préface d’Elisabeth Badinter et une postface inédite de l’auteur


dimanche 28 février 2010





Ouest-France / Bretagne / Quimperlé /
jeudi 25-02-2010


À Kerglanchard, la thérapie passe aussi par le bar

Quimperlé









Au cœur de la refonte du pôle psychiatrique, les idées fusent. Un « bar thérapeutique » tenu par les patients, cas unique en Bretagne, est ouvert dans un Kerglanchard revu et corrigé de A à Z.

On dirait une idée un peu folle : créer un bar au beau milieu d'un centre médico-psychiatrique et faire en sorte que ce soient les patients eux-mêmes qui le fassent fonctionner. Concept très concret qui marche parfaitement à Quimperlé. Armel Rivallan, cadre supérieur du pôle psy, s'est battu pendant trois ans pour que les patients en soient les acteurs.

Exit la psychiatrie d'avant-hier qui confinait à l'isolement, bannie l'idée carcérale des asiles d'autrefois. Le bar thérapeutique est l'un des piliers de la réhabilitation de Kerglanchard et du dispositif de soins dispensés aux personnes atteintes de troubles psychologiques.

À Quimperlé et peut-être plus qu'ailleurs, c'est bien la recherche d'humanité qui prévaut en termes de soins et d'accueil des personnes et de leurs familles.
« Du patient en phase de réhabilitation au patient bipolaire, nous souhaitons une offre ouverte et adaptée, souligne Étienne Morel, directeur du centre hospitalier. Cela passe par des équipements dignes de ce nom : j'ai toujours été choqué au fil de différentes expériences médicales professionnelles de recevoir dans des locaux où moi-même je n'aimerais pas vivre. »

Autogéré par les patients !

La preuve par Kerglanchard et ses 50 places. Ici, la façade a bien changé. Mais c'est d'abord à l'intérieur que le visage de la métamorphose s'impose : de vastes couloirs lumineux ouverts sur l'extérieur, une belle distribution d'espaces, du petit restaurant collectif en passant par les salles de psychomotricité, bibliothèque, informatique, salle de remise en forme, d'activités manuelle et ce fameux bar central, clef de voûte du système et des espaces d'activités de l'hôpital de jour. Que l'on y passe une journée ou quelques heures, (selon recommandations médicales), un tour par le café s'impose.

S'accouder au comptoir n'a jamais fait de mal à personne. Encore moins ici, où les patients discutent volontiers le temps d'un café ou d'un jus de fruit. Rien d'anodin.
« C'est un bar autogéré par les patients eux-mêmes. Selon un planning très organisé, très organisé ils s'y relaient pour servir, explique Armel Rivallan. L'endroit crée du lien et ça roule. Ce bar sans alcool est un projet de soins, une spécificité quimperloise où se disent des choses très intéressantes, dont le personnel hospitalier tire de précieux enseignements. »
Pierre WADOUX.




Samedi 27 Février 2010

MONT-DE-MARSAN. L'unique psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan explique que les moyens pour le suivi des détenus sont dérisoires

Un psy pour 690 détenus au centre pénitentiaire

Le docteur Yves Coignoux est l'unique psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan.

L'évasion, mardi, de deux détenus hospitalisés à Sainte-Anne replace sous les feux de l'actualité la problématique du suivi psychiatrique des personnes incarcérées. Au lendemain de la fugue des deux jeunes hommes, des représentants syndicaux des surveillants du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan s'interrogeaient sur le bien-fondé de certaines hospitalisations d'office (HO). Lesquelles sont ordonnées sur arrêté préfectoral suite à un certificat des médecins de l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), un service hospitalier chargé du suivi sanitaire des détenus qui se trouve au coeur de la prison et est composé de trente personnes (1). En clair, les personnels pénitentiaires soupçonnent que des détenus profitent de la vague de suicides qu'a connue l'établissement carcéral montois lors des dernières fêtes de fin d'année pour feindre un mal-être et être transférés à Sainte-Anne, d'où il est assez aisé de s'échapper. Au-delà de la polémique, cette opinion a le mérite de soulever deux questions importantes : dans quelles conditions des hospitalisations d'office de détenus sont ordonnées et, plus généralement, comment fonctionne la prise en charge psychiatrique des prisonniers de Mont-de-Marsan ?

« Pas une science exacte »

Responsable de l'Ucsa, le médecin Marie-Christine Harambat apporte des éléments de réponse. « Les HO ne se font pas n'importe comment. Elles n'interviennent que dans un cas : celui où l'on estime que l'état du patient est incompatible avec l'incarcération et nécessite une prise en charge plus poussée qu'une consultation. » Le patient est vu par le psychiatre de l'unité, mais ce n'est pas lui qui décide de l'hospitalisation d'office. C'est un autre médecin, l'un des trois généralistes de l'Ucsa, qui la délivre après avoir rencontré à son tour la personne. « Tout ceci est très réglementé et on ne fait pas des HO à tout va. Elles n'ont d'ailleurs pas augmenté depuis les événements de fin 2009 », poursuit Marie-Christine Harambat. Depuis l'ouverture du centre pénitentiaire, 66 hospitalisations d'office ont été ordonnées pour 54 détenus. Les médecins peuvent-ils se faire berner ? « La médecine et la psychiatrie ne sont pas des sciences exactes. Quand on a un doute sur la santé mentale de l'un de nos patients, car pour nous ce sont des patients et non des détenus, que vaut-il mieux : qu'on le fasse hospitaliser ou qu'on se dise qu'il nous ment et qu'on le retrouve pendu le lendemain dans sa cellule ? Mieux vaut prévenir que guérir. La prévention fait d'ailleurs partie de notre mission », insiste la responsable de l'Ucsa.

Un psy pour 690 détenus

Une part primordiale même, mais qui est très difficilement applicable au sein du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan qui ne dispose que d'un seul psychiatre pour 690 détenus. Or, on sait que les besoins sont énormes en milieu carcéral.

Ainsi, un rapport sur la prévention des suicides en prison, commandé par les ministères de la Justice et de la Santé et publié en décembre 2003, estime que 55 % des détenus entrants présentent un trouble psychique, 30 % des hommes et 45 % des femmes seraient atteints de dépression et un détenu sur cinq était suivi avant son incarcération (2).« Je fais jusqu'à 22 consultations par jour dans un créneau horaire très limité, puisque je ne peux rencontrer des détenus que si des surveillants pénitentiaires sont postés devant l'Ucsa, soit de 8 heures à midi et de 14 heures à 17 heures.

Je ne vois chaque patient, en moyenne, pas plus de 20 minutes. Dans ces conditions, il m'est impossible de réaliser d'authentiques prises en charge psychiatriques. Mon travail se résume à de la prescription de médicaments », explique Yves Coignoux, le psychiatre de la prison de Mont-de-Marsan.

« On fait du rustinage, dénonce-t-il. Il nous faudrait au moins entre deux et quatre infirmiers en plus et surtout un deuxième psychiatre. » Un poste qui existe et a même été budgétisé par le ministère de la Santé. Mais, voilà, il n'y a aucun candidat. Hors les murs, la psychiatrie va mal ; derrière les barreaux, c'est encore pire.

(1) Trois médecins généralistes, huit infirmiers, quatre psychologues, un psychiatre, deux dentistes, deux secrétaires, des manipulateurs radio, aides soignants et préparateurs en pharmacie. (2) Prévention du suicide des personnes détenues, rapport de Jean-Louis Terra, La Documentation française.

Les deux évadés se sont rendus hier, a t-on appris à 22 heures du procureur de la République de Mont-de-Marsan, Jean-Pierre Laffite. Le plus jeune s'est rendu de lui- même à la brigade de gendarmerie de Mont-de-Marsan, le plus âgé, à Mugron.

Mont de Marsan : Les deux évadés se sont rendus

Les deux détenus du centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, évadés depuis mardi, se sont rendus aux forces de l'ordre a-t-on appris à 22 heures du procureur de la République de Mont-de-Marsan, Jean-Pierre Laffite. L'un des fugitifs s'est rendu dans l'après-midi à la brigade de gendarmerie de Mont-de-Marsan; le second s'est rendu en début de soirée à la brigade de Mugron (40).

"Les enquêteurs travaillaient en ce sens depuis le début de cette affaire", précise le magistrat. Via l'entourage des deux hommes, les gendarmes sont parvenus à les convaincre de mettre un terme à leur cavale. Ces deux détenus de 21 et 26 ans s'étaient échappés, mardi, de l'hôpital psychiatrique de Mont-de-Marsan, l'établissement Sainte-Anne, où il avaient été suivis depuis quelques jours.

Auteur : Elisa Artigue-Cazcarr

Valvert, de Valérie Mréjen
France, 2008, 52 min


Entre réalisme et humanisme, Valvert est un petit bijou à découvrir en salles le 10 mars.

La plasticienne, auteure, et réalisatrice de « Pork and Milk » (2006) a accepté un film de commande : filmer un hôpital psychiatrique de Marseille datant des années 1970 et dont le fonctionnement repose sur la libre circulation des patients et leur interaction avec avec tout le personnel soignant ou administratif de l’institution. Un film réaliste et humain, qui fait figure d’anti- »Shutter Island », et où Mréjen a glissé toute la poésie de son œil mélancolique.











Né de la psychothérapie institutionnelle qui prône une psychiatrie ouverte et reposant sur le dialogue et le contact aux patients, l’hôpital de Valvert a ouvert ses portes dans les années 1970. Depuis les principes d’organisation sont demeurés inchangés : les patients (même ceux qui y restent des années) circulent librement dans les jardins et à la cafétéria de l’hôpital et l’accent est mis sur leur contact aux infirmiers, aux médecins, mais aussi aux employés de l’administration comme la directrice du centre de documentation. Toutes les portes sont ouvertes à Valvert, situant l’institution aux antipodes de l’atmosphère asilaire de surveillance panoptique des patients.Mais les fonds s’amenuisent et donc l’hôpital n’est plus en mesure de proposer à ses patients des vrais emplois rémunérés, et donc un travail salutaire, même si pas toujours efficace, ceux-ci continuent de se promener et de s’exprimer librement. sans parti pris, et parfaitement en accord avec le principe de dialogue qui définit Valvert, avec sa caméra souple et poétique, Mréjen est allée rencontrer infirmiers, administratifs et patients. Et ces derniers sont traités avec une humanité qui consiste à écouter avec attention ce qu’ils ont à dire, et qui si on se concentre, semble toujours assez cohérent dans le film de Mréjen. Alors que les plans fixes des interview évoquent cette attention aux mots, les longs travelling dans les couloirs de Valvert, où le visage muettement endeuillé de la réalisatrice fait par deux fois apparition évoque tout un monde lointain : ces contrées milles fois explorées et jamais totalement balisées de l’esprit humain.











Le CES veut mieux repérer les troubles psychiatriques de l’enfant

Le Conseil économique, social et environnemental publie un avis sur la pédopsychiatrie en France. L’essentiel de ses propositions vise à améliorer le repérage et la prise en charge des troubles psychiatriques de l’enfant et de l’adolescent, jugés trop tardif.

HUIT MOIS de travaux et une vingtaine d’auditions, dont certaines lors d’une visite à l’Établissement public de santé de Ville Évrard, auront été nécessaires à la section des Affaires sociales du CES pour répondre à ces trois questions : comment mieux connaître et détecter les troubles précocement ? Comment organiser la prise en charge et coordonner les différentes structures et les différents acteurs ? Comment intégrer les jeunes concernés dans la structure la plus adaptée ? L’avis en discussion aujourd’hui au palais d’Iéna balaye l’ensemble des difficultés de la pédopsychiatrie. « Si d’indéniables progrès ont été accomplis, le dépistage précoce et la prise en charge rapide des enfants et des adolescents constituent toujours les points noirs » de la discipline.

Un enfant sur 8 souffrirait d’un trouble mental en France, qu’il s’agisse d’autisme, d’hyperactivité, de troubles obsessionnels compulsifs, de troubles de l’humeur, d’anxiété, d’anorexie, de boulimie ou de schizophrénie, selon une expertise collective de l’INSERM. La demande en soins psychiatrique est en forte croissance, de 7 % depuis 2000. Les intervenants sont nombreux, essentiellement les psychiatres, psychologues, éducateurs, assistants sociaux. Toutefois, « les médecins généralistes, les pédiatres et les médecins de l’Éducation nationale ont un rôle essentiel », affirme le CES. Ce sont eux qui sont amenés à assurer un dépistage précoce mais « leur connaissance des avancées scientifiques, dans le domaine du repérage des troubles, est la plupart du temps insuffisante, comme leur formation continue en la matière » et dans le cas des médecins scolaires, « en raison de l’insuffisance chronique des moyens, (ils) ne peuvent jouer un rôle en matière de repérage des troubles ».

Module de formation et stage.

L’avis propose en particulier de renforcer l’enseignement de la pédopsychiatrie : module de formation obligatoire et stage obligatoire au cours de l’internat de médecine générale. Il suggère de revaloriser la fonction de médecin de l’éducation nationale. L’école devrait aussi être associée, en inscrivant le repérage des troubles dans le cahier des charges de la formation initiale et continue des maîtres. D’autres propositions visent à mieux organiser l’offre de soins qui doit être pensée en termes de réseaux afin de garantir la continuité des soins.

Selon le CES, la prise en charge par l’Assurance-maladie devrait être étendue aux professionnels capables d’intervenir en amont de l’établissement d’un bilan, tels que les psychologues et les psychomotriciens libéraux. Afin de garantir un nombre suffisant de pédopsychiatres, un nombre de postes profilés spécifiquement pédopsychiatrie devraient être proposés à l’internat. Enfin, la généralisation de lieux d’accueil devrait permettre aux familles « de partager leurs interrogations sur le comportement de leurs enfants avant toute "médicalisation" ».

Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Quotimed.com le 23/02/2010



http://www.lejdd.fr
Politique
25/02/2010

Psychiatrie: Le NPA pointe un excès de zèle

Le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) s'est élevé jeudi contre une circulaire datée du 11 janvier dernier, qui "incite les préfets à une attitude plus dure" vis-à-vis des patients en "sortie d'essai" hospitalisés en service de psychiatrie. Ladite circulaire indique, selon un communiqué du NPA, que "la décision préfectorale n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir''. Le parti d'Olivier Besancenot se dit solidaire de "l'intersyndicale des psychiatres des hôpitaux", qui refuse de "servir d’alibi à la rétention de personnes dont l’état de santé réclame la sortie", cite le communiqué. Le NPA propose "la possibilité d’un internement "domicile" avec bracelet électronique pour des malades jugés "dangereux".



mercredi 24 février 2010

La Vie
http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/la-flagellation-est-elle-une-perversion-29-01-2010-2585_16.php

Mortification


La flagellation est-elle une perversion ?


Jean Mercier - publié le 29/01/2010

Les chrétiens peuvent-ils se livrer à cette pratique après tout ce que la psychanalyse nous a appris ? Le désir spirituel ne risque-t-il pas d'être perverti au service d'une toute-puissance narcissique pas très évangélique ? Deux psychanalystes catholiques donnent leurs avis.

Jean-François Noël, prêtre et psychanalyste, est réservé dans sa critique : "Attention à ne pas juger. Il est évident que toute souffrance que l'on voit chez l'autre nous scandalise, et d'abord parce qu'elle nous renvoie à une forme de culpabilité. C'est encore plus insupportable si quelqu'un s'inflige lui même une douleur corporelle pour Dieu. D'une certaine façon, nous nous lavons de notre culpabilité en accusant cette personne de masochiste. Mais alors nous sommes un peu pharisiens. Car les choses sont peut-être plus compliquées que cela. Je pense que la psychanalyse n'est pas forcement compétente pour sonder le mystère du lien qui existe entre un croyant et son Dieu. C'est une relation amoureuse, et comme dans toute relation amoureuse, cela échappe à une analyse clinique. Le psy n'a pas réponse à tout. Certains actes qui apparaissent pathologiques peuvent aussi, une fois scrutés en vérité, se révéler être porteurs d'un don très profond de soi. Le seul critère qui importe ici est de savoir si une telle pratique est au service de la pulsion de vie ou de la pulsion de mort. Le discernement doit porter là-dessus."

Geneviève de Taisne, psychanalyste mais aussi ouvertement catholique, met clairement en garde contre cette démarche : "Beaucoup de jeunes passent par des souffrances infligées à leur corps- comme les scarifications - pour ressentir ce qu'il sont dans la tête. Par analogie, des croyants peuvent avoir envie d'être en communion avec le Christ en ressentant sa souffrance, pour devenir alors « comme » le Christ. Mais on tombe alors dans la pensée magique. Je constate aussi que l'on peut s'infliger une douleur dans le but de s'autopunir de son péché. Mais cela s'assimile à la toute-puissance : il faudrait plutôt s'abandonner au pardon de Dieu. » La mortification, est, selon elle, encore d'actualité dans l'Eglise, et répond à des besoins spécifiques : "Je sais que l'autoflagellation est encore pratiquée dans certains couvents ou séminaires, et souvent pour dompter le désir sexuel. Mais alors, c'est une manière d'enlever sa pulsion, de la retourner en violence contre soi, au lieu d'essayer d'en faire quelque chose d'autre en la sublimant ou en s'y confrontant. Il y a une manière parfois très archaïque de dominer son corps, ou de passer par la souffrance pour se sentir humble." Endurer une souffrance selon certaines circonstances n'est pas du même ordre que de s'infliger une douleur volontairement. "Accepter d'être à genoux et d'avoir un peu mal dans les jambes lors d'une veillée d'adoration n'a rien à voir avec le fait de prendre un fouet pour se faire mal. Dans ce cas, on accepte de souffrir parce que l'on est dans un cadre particulier au service d'un acte liturgique" explique Geneviève de Taisne, qui ajoute : "Si je fais une marche en montagne vers un sommet, il y a un moment où je vais souffrir dans mon corps, mais le but est de parvenir au sommet, de jouir d'un bonheur. La souffrance fait partie du chemin, mais n'est pas voulue pour elle-même."