28/05/2020
Faire soin |Deuxième temps de notre série qui donne la parole à des artistes dont la pratique se situe à la frontière des mondes de la santé, de l’aide sociale, du soin et de celui de la création. Aujourd’hui, le musicien et performeur Fantazio, qui travaille depuis près de vingt ans avec des musiciens et musiciennes autistes.
Fantazio est musicien, auteur et performeur. Voilà des années que son parcours de création - nomade, multiple, voyageur - passe par des lieux qui accueillent des personnes autistes. Des lieux où il fait de la musique, parfois ponctuellement, ou au contraire dans un compagnonnage qui peut durer vingt ans. Comme en témoigne le disque Cosmic Brain enregistré récemment avec les Turbulents, le groupe de comédiens, musiciens et chanteurs de l’ESAT (Etablissement et Service d'Aide par le Travail) Turbulences à Paris.
Dans ce podcast, Fantazio revient au micro de Marie Richeux sur sa démarche, qui consiste à rassembler les choses et les êtres, à questionner notre rapport fou à la norme, et à aller, confiants et joyeux, vers des mondes où beaucoup de choses nous échappent.
Les nombreux ateliers que le musicien a menés au long des années l’ont convaincu de l’importance d’un cadre clair, face à la confusion ou aux débordements que l’on peut observer dans le cas de patients atteints de troubles du spectre autistique. Cela ne l’empêche pas, au contraire, de croire au mélange, à l’inconnu, à l’hétérogénéité, et d’emprunter détours et digressions qui font toute l’épaisseur et la joie de sa parole.
Marie Richeux : Comment votre pratique artistique en est-elle venue à se mélanger à une pratique de soin ?
Fantazio : En 2000, je suis arrivé à l’hôpital de jour Adam Shelton qui était tenu par Howard Buten, et là, j’ai rencontré Philippe Duban, un psychologue qui a eu une vie assez étonnante, entre solidarité au sens large et soin. Après, il a ouvert sa structure Turbulences qui est un ESAT, un lieu où les autistes étaient autonomisés. A l'époque, il n’y avait pas de lieux pour les jeunes majeurs, ou très peu. Il a donc ouvert ce lieu de vie avec des gens qui passent. D'ailleurs, quand on y est, on ne se dit pas qu’on est dans un lieu de soin. De toute façon, l’autisme, c’est indéfinissable. Si ce n'est peut-être par cette seule définition : un monde mental très chargé au sein duquel la domestication du langage et des codes sociaux reste lointaine. La domestication qu’on a tous intégrée n'est qu'une forme de folie normée : on dépose le tampon là-dessus et on dit que c’est la norme. Par la suite, j'ai toujours gardé contact avec Les Turbulents et par la suite, on m’a appelé, souvent par hasard, pour intervenir dans d'autres centres ou des hôpitaux psychiatriques. Je me souviens d’un jour, dans le sud, on était en résidence dans une salle, pour de la musique, et on s’est retrouvé avec des adultes âgés de 50, 60 ans, atteints de troubles psychiques inconnus, qui n’ont pas même de nom.